Déclaration de politique de développement du secteur des télécommunications sénégalaises (1996-2000)
mardi 31 décembre 1996
1) Contexte
Compte tenu de l’importance du secteur des Télécommunications, le Gouvernement du Sénégal avait procédé à une première réforme en 1985 en
prenant la décision,
– d’accorder la priorité au développement du secteur des télécommunications ;
– de restructurer le secteur avec la création de la, Société Nationale des Télécommunications (SONATEL) suite à la séparation de la Poste et des
télécommunications ;
– et de mettre en œuvre un plan d’urgence et de rattrapage du réseau national des télécommunications.
Le bilan décennal de cette première réforme permet de constater les résultats suivants :
– un réseau de télécommunication à 90 % numérique ;
– un triplement du parc des lignes téléphoniques qui est passé de 25.000 à 80.000 lignes en Décembre 1995 ; ce qui représente une densité
téléphonique de un (1) téléphone pour cent (100) habitants ;
– les capacités des centraux téléphoniques, de plus en plus modernes, ont été triplées en passant de 33.000 lignes à 105.200 lignes sur la même
période ;
– la diversification des services offerts qui comprennent désormais la transmission de données par paquets et des services nouveaux tels que les
serveurs vocaux, le Minitel et Internet ;
– une amélioration nette de la qualité de service avec des taux d’efficacité en Communications Locales et Interurbaines qui sont respectivement de 50%
et 45% ;
– une croissance régulière de la contribution des Télécommunications au PIB qui a été de 2,4% en 1994 ;
– de F CFA tandis que la valeur ajoutée a évolué dans les mêmes proportions (de 17,8 milliards en 1988 à près de 54 milliards en 1995) pour représenter
désormais ,5 % de la PIBE ;
– des investissements qui représentent 4,6 % des investissements du pays et qui ont permis de moderniser les centraux, d’étendre le réseau,
d’internaliser les derniers développements technologiques (fibres optiques, numérisation, etc...) et de raccorder les zones les plus reculées du pays ;
– des tarifs compétitifs à l’échelle de la sous-région.
Toutes ces performances ont été rendues possibles par une gestion efficiente et une organisation optimale de la SONATEL qui a su tirer le maximum de
profit de la situation de monopole et de l’environnement fiscal particulier que l’Etat lui a concédés.
Toutefois, force est de constater que notre densité téléphonique de 1 téléphone pour 100 habitants reste relativement faible et la demande élevée par
rapport au parc installé. A cela il faut ajouter l’accroissement d’une demande téléphonique de plus en plus forte en zone rurale qu’il faut satisfaire afin que
les régions participent pleinement au développement économique et sociale.
L’analyse du contexte international révèle que le monde vit actuellement sa troisième révolution, celle de l’information. Cette révolution ce caractérisée
par la convergence des technologies de l’informatique, des télécommunications et de l’audiovisuel.
Ce nouveau pouvoir d’information modèle une nouvelle architecture avec de nouvelles cultures, des nouveaux marchés, de nouveaux acteurs et de
nouvelles structures organisationnelles. Ces profondes et rapides mutations ont engendré des bouleversements spectaculaires dans le monde des
télécommunications.
On assiste aussi à la conclusion d’alliances multiformes entre opérateurs de rang mondial en vue de restructurer, d’intégrer horizontalement et
verticalement l’industrie des télécommunications.
La mondialisation des réseaux se précise avec la mise en œuvre de communications mobiles par satellites assurant une couverture mondiale avec
comme conséquence le bouleversement des réglementations nationales.
Les réseaux nouveaux de télécommunications constitueront toutefois pour les pays en développement qui s’y seraient préparés une opportunité de
participer à, l’économie mondiale en leur offrant le moyen de tirer partie de leurs ressources intellectuelles et culturelles, véritables matières premières
de l’information.
Pour conduire ces changements et anticiper sur ces mutations, des réformes institutionnelles s’imposent. Le nouveau cadre juridique que le
gouvernement va mettre en place doit conduire au développement des Télécommunications et ayant le souci de concilier l’ouverture à. la concurrence
(pour améliorer la compétitivité de notre économie) et la consolidation d’un service public.
2)- Objectifs
Afin de relever les multiples défis de manière à faire jouer au secteur des télécommunications son rôle moteur dans la relance de l’économie nationale,
le Gouvernement entreprend la mise en œuvre d’une seconde réforme du secteur avec les objectifs suivants :
– porter la contribution du secteur au PIB de 2,4 % à 3,5 % en l’an 2000 avec la création d’emplois et de richesse grâce au développement d’initiatives
privées ;
– tripler le parc des lignes téléphoniques en le portant à 250.0 00 à l’horizon 2000 ce qui correspondra à une densité téléphonique de 2,5 téléphones pour
100 habitants ;
– équiper plus de 50% des villages-centres au moins d’une ligne téléphonique à l’horizon 2000 tout en faisant en sorte que chaque Sénégalais puisse se
trouver à moins de 5 kilomètres d’un téléphone ;
– promouvoir le développement d’une industrie locale d’équipements de télécommunications ;
– veiller à prendre en compte les aspects liés à la sécurité et à la défense ;
– assurer en permanence la. disponibilité au Sénégal d’un réseau de télécommunications fiable, ouvert sur le monde. Les taux d’efficacité des
communications locales et interurbaines seront portées respectivement à 70% et 60% en l’an 2000.
3)- Stratégies
Afin de se donner les moyens de tirer le meilleur parti de ces défis, le Gouvernement entend mettre en œuvre deux Politiques caractérisées par :
– une ouverture du Capital de la SONATEL en 1996 pour permettre à celle-ci de s’adapter à un environnement de plus en plus concurrentiel, dune, part ;
– et d’autre part, une libéralisation de certains -segments du marché des télécommunications ;
Le Gouvernement va se désengager partiellement du capital de la SONATEL au profit du secteur privé national et étranger. La participation des privés au
contrôle et à la gestion de la Société vise à assurer une plus grande efficience et une efficacité des activités de l’opérateur principal qu’est la SONATEL
et à contribuer ainsi à l’amélioration de la productivité et de la compétitivité globale de notre économie.
Cette opération devrait permettre de renforcer les atouts de la SONATEL dans son développement sous-régional en créant les conditions d’un
partenariat mutuellement bénéfique.
Elle doit être l’occasion de créer les conditions d’émergence voire de développement d’un marché financier local en raison de la taille de l’entreprise et
surtout de son potentiel de rentabilité : les actions de la SONATEL, détenues par les privés seront suffisamment attractives pour susciter un intérêt à
transaction et l’échange.
Dans le cadre de l’ouverture du Capital de la SONATEL, une part significative des actions restera dans le portefeuille de l’Etat pour lui permettre de veiller
à la prise en charge correcte des missions de service public. Une part importante sera mise en vente et répartie entre un opérateur de
télécommunication stratégique, un opérateur de télécommunications africain, des investisseurs privés et le personnel de la SONATEL.
Le nouveau code des Télécommunications qui vient d’être adopté récemment par l’Assemblée Nationale, définit un cadre comprenant les trois régimes
distincts suivants :
– le régime du monopole
– le régime de la concurrence réglementée
– et le régime de la concurrence libre.
Le régime de la concurrence libre concerne l’ensemble des services à valeur ajoutée qui peuvent immédiatement être investis par le secteur privé.
Le régime de la concurrence réglementée couvre les réseaux radioélectriques. Le Gouvernement envisage d’autoriser, après Appel d’offres international
courant 1997, un ou deux opérateurs privés à établir et à exploiter un réseau de radiotéléphonie cellulaire. Un cahier de charges déterminera les
obligations et droits des parties contractantes.
Le régime du monopole s’appliquera au réseau fixe téléphonique, au télex , au télégraphe et pour l’accès à l’International. Ce monopole d’Etat sera
concédé à la future SONATEL au travers également d’un cahier des charges qui en précisera l’étendue, la durée et les contreparties en particulier les
obligations de service public.
Ce nouveau cadre sera complété par l’institution d’un organe gouvernemental doté de moyens humains et matériels adéquats et chargé de jouer le rôle
d’arbitre et de régulateur et visant à créer les conditions d’une concurrence dynamique et loyale entre les divers opérateurs.
Au total, le gouvernement espère, avec ce cadre, initier un processus devant aboutir à la création et au développement d’un système de
télécommunications moderne, performant et en phase avec l’évolution rapide de ce secteur sur le plan international.
Le respect de cet objectif fondamental nécessite des réformes importantes faisant appel notamment à une participation progressive et active du secteur
privé à la gestion et au développement des télécommunications nationales. La maîtrise de ce processus requiert d’abord une consolidation et une
amélioration de l’outil existant (SONATEL) qui évoluera jusqu’en 1997 dans un cadre protégé pour son métier de base et s’ouvrira ensuite à la
compétition et à la concurrence pour les activités qui y sont adaptées.
Le Ministre de la Communication Sérigne Diop
Le Ministre de l’Economie et des Finances et du Plan Pape Ousmane Sakho
mars 1996