Afrique : Le réveil de l’internet mobile ou la course à la 3G
vendredi 19 novembre 2010
Presque inexistant jusque-là, notamment au sud du Sahara, l’internet mobile haut débit (3G) est parti à la conquête du continent. Même si cette technologie requiert de gros investissements pour les opérateurs, elle constitue la promesse de nouveaux relais de croissance.
Deux ans en arrière, surfer à partir de son téléphone n’avait rien d’une sinécure. L’arrivée de l’iPhone et du BlackBerry à Abidjan et à Dakar faisait sourire les sceptiques, qui raillaient le décalage entre le continent et les dernières innovations sorties de la Silicon Valley en matière d’internet. Limités par le débit, les utilisateurs mettaient, il est vrai, de longs moments à charger leurs mails ou à consulter la moindre page web.
À court terme, disait en substance Marc Rennard, patron d’Orange pour l’Afrique, la convergence entre internet et le mobile était loin d’être une évidence. Seule l’Afrique du Sud et quelques pays en pointe en ce domaine comme l’Égypte, le Kenya ou Maurice avaient jusque-là montré le chemin. Mais comme souvent dans les télécoms, les choses vont vite, très vite même. Et les avis des meilleurs spécialistes peuvent être rapidement frappés d’obsolescence. Désormais, il n’y a pas un opérateur qui ne souhaite sauter dans le train de la 3G. Même les compagnies comme Millicom, qui ont fait des bas revenus leur fonds de commerce, se rallient à la cause.
À raison, car c’est sans l’ombre d’un doute, pour le secteur des télécoms, la route toute tracée vers de nouveaux usages comme le téléchargement de films, de musiques, la visioconférence ou la télévision via internet. Et qui dit évolution des modes de consommation et démocratisation du web dit aussi nouveaux revenus et relais de croissance pour les opérateurs.
Mais si certains utilisateurs profitent maintenant de ces services, « encore plus de 95 % du chiffre d’affaires des compagnies est réalisé grâce aux communications classiques, et les SMS représentent une grande partie des échanges de données », précise Guillaume Touchard, du cabinet Africa Next.
Néanmoins, la montée en puissance des nouveaux usages devrait s’accélérer, car l’appétit pour les nouvelles technologies est là. À preuve, le comportement des jeunes des quartiers El-Menzah et Enasseur, à Tunis : quand ils n’ont pas accès à la 3G, ils vont dans les salons de thé profiter des connexions wifi offertes et s’afficher sur Facebook ou Twitter. Au-delà des adolescents, ce sont toutes les générations qui succombent aux réseaux sociaux puisque, selon une étude citée par l’Union internationale des télécommunications (UIT), leur usage concernait 47 % des internautes dans le monde fin 2009, et les Africains ne font pas exception à la règle. Ainsi, la percée de la 3G ne fait aucun doute pour l’industrie, qui prévoit des retours sur investissements dans trois ou cinq ans.
Encore chère
Bien sûr, le haut débit mobile, habituellement limité par les opérateurs autour de 3 mégabits par seconde, est loin d’être devenu la norme en Afrique. D’ailleurs, l’UIT estime que seulement 3,2 % des utilisateurs 3G dans le monde résident dans les pays émergents. Beaucoup d’États, à l’image du Niger, de la République centrafricaine, du Tchad ou du Togo, ne goûteront pas tout de suite à cette révolution. Le taux de pénétration du portable y est encore trop bas, et le potentiel des services de base trop important pour inciter les opérateurs à investir dans l’immédiat. L’instabilité politique et l’incertitude qui entoure le monde des affaires dans certaines régions d’Afrique expliquent aussi ces retards.
Et même dans les endroits où la 3G est disponible, elle reste encore chère et ne concerne pas le gros des utilisateurs de téléphone : seulement 3,6 % des abonnés en 2010, selon l’UIT. En Tunisie, l’iPhone proposé par Orange au printemps dernier coûte pas moins de 609 dinars (310 euros) pour un engagement de deux ans, auxquels il faut ajouter 300 dinars pour les six premiers mois d’abonnement. Une fortune pour le commun des mortels au pays du Jasmin. Et pourtant, le « must have » d’Apple s’est écoulé en quelques semaines à plusieurs milliers d’exemplaires. Au Maroc, la coquetterie est également loin d’être à la portée de toutes les bourses. Comptez 250 dirhams (22 euros) par mois chez Inwi pour l’abonnement internet illimité et 2 290 dirhams pour l’achat du BlackBerry d’entrée de gamme.
Réguler correctement
Mais l’arrivée de plusieurs câbles sous-marins près des côtes ouest-africaines dans les prochains mois devrait faire évoluer cette situation dans les pays francophones, qui, de Dakar à Kinshasa, accusent un certain retard sur leurs voisins anglophones de l’est et du sud du continent. Une amélioration de la connectivité internationale que le Sénégal a par exemple anticipée en accordant une licence 3G à l’opérateur Expresso, filiale de Sudatel, au mois de juin. D’autres pays comme le Gabon, le Burkina Faso ou la Côte d’Ivoire ont quant à eux entamé leur processus d’attribution des autorisations.
Le surplus de bande passante apporté par les nouvelles infrastructures entraînera en effet, si le marché est correctement régulé, une baisse des prix de la connexion internet pour les opérateurs et donc pour leurs clients. Y compris dans les pays enclavés, grâce aux réseaux terrestres en fibre optique existants ou en cours de réalisation. « Ces projets représentent des investissements considérables [700 millions d’euros pour le câble Ace, qui, entre la France et l’Afrique du Sud, reliera 22 pays africains, NDLR] et prouvent que le secteur des télécoms croit au développement du web sur le continent », explique Michel Monzani, responsable de la zone Afrique du Nord et Moyen-Orient pour Orange.
Au Maghreb, le déploiement plus rapide de la 3G, avec les premières licences accordées en 2006 au Maroc, s’explique notamment par un pouvoir d’achat des consommateurs sensiblement plus important qu’en Afrique subsaharienne. Seule l’Algérie, après avoir plusieurs fois reporté le lancement du haut débit mobile, est restée un peu à la traî