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Wari, champion déchu

vendredi 14 août 2020

Pesez la situation puis agissez. » Sun Tzu, L’art de la guerre

Kabirou Mbodje a beaucoup contribué au développement des technologies financières en Afrique. L’histoire est bien connue. Un golden boy, ambitieux, multitâches, qui revient dans son pays d’origine et crée la plus grande entreprise de transfert d’argent. Il en a fallu de l’agilité, de la souplesse et de l’endurance pour réussir et franchir les différents obstacles, qui plombent l’environnement des affaires au Sénégal. Ancien champion d’équitation, Kabirou Mbodje a su placer la barre haute, atteignant presque les sommets. Avant de freiner net. La chute n’est pas encore définitive, mais désormais, d’autres concurrents sont à l’affût et contestent son hégémonie.

Top départ. On est huit ans après l’an 2000. Une année de grande déflagration. Le monde entier regarde, groggy, Wall street en panique. La planète prend peur. Les fondements de l’économie de marché sont menacés. La bourse de New-York implose. Le Dow Jones va perdre jusqu’à 33 % de sa capitalisation. Lehman Brothers sombre, AIG est sauvé in extremis. Les alarmes, dans les quatre coins du monde, retentissent. Dirigeants de nations prospères, grands banquiers, multinationales florissantes. Petites et moyennes entreprises. Épargnants et ménages. La frayeur s’empare des rois du monde, et inquiète les petites gens. Le krach de l’automne 2008 sera la plus grave crise financière mondiale, depuis la Grande dépression de 1929. La crise financière, suite à la crise des subprimes, va secouer tous les pays du monde, presque.

L’Afrique n’est pas épargnée par les contrecoups de la récession. Mais une fois encore, elle reste résiliente. Elle est entrée dans sa décennie faste. Entre 2008 et 2012, la croissance du continent, oscille à 5,1 %, hormis l’année 2009 où elle subit une chute de 2, 5 %. C’était une période de grâce sur le continent. Tous les clignotants étaient verts. L’Afrique était le continent de « l’espérance ». Il fallait saisir les opportunités. Certains n’ont pas raté le coche. Sans doute, Kabirou Mbodje fait partie de ces talentueux entrepreneurs qui flairent les bons coups. Avec d’autres associés, il lance Wari, au Sénégal. L’affaire est fructueuse. L’idée marche bien, dans un pays où l’économie est dominée par l’informel, et par la solidarité sociale. Les nombreuses populations qui quittent les zones rurales, pour gagner les villes, deviennent des « soutiens de famille » et doivent aider leurs familles. Surtout, l’argent doit circuler et la bancarisation est très faible.

Wari devient très vite incontournable. Dans l’affaire, Kabirou Mbodje n’est pas seul. Il a des associés, presque inconnus du grand public. La collaboration tourne mal avec certains. Seyni Camara, Malick Fall et Cheikh Tague accusent Mbodje d’abus de confiance et d’augmentation illégale de capitaux. Ce dernier obtiendra gain de cause, en première instance. Mais, l’affaire a été renvoyée en deuxième instance et la charge d’abus de confiance pèse toujours contre le patron de Wari. « Pendant que nous autres associés étions animés que par le développement de Wari, M. Kabirou Mbodje s’est évertué en catimini à mettre en place un plan de détournement et d’accaparement de nos sociétés sans état d’âme et en toute illégalité », dénoncent les anciens associés de Kabirou Mbodj. Tout cela n’empêche pas à Wari de tracer son sillon, en essayant de se diversifier et d’innover.

Le groupe s’engage sur plusieurs fronts : recharge téléphonique, paiement de factures, porte-monnaie électronique, services divers. L’Afrique reste la cible principale mais le groupe voit grand et s’installe dans d’autres continents. Dix ans après sa création, le groupe revendique sa présence dans 62 pays du monde et effectue plus d’un million de transactions chaque jour. L’entreprise dit employer 348 salariés, sans compter les 18 000 agents indépendants qui construisent le réseau. Selon l’entrepreneur sénégalais, Malick Tall, fondateur de Payall qui est un agrégateur de paiement digitaux, Wari roulait sur les bons rails, et n’avait pas de soucis à se faire. « Il n’y avait aucune raison pour que l’entreprise ne soit pas champion au Sénégal, et compétitif partout ailleurs en Afrique. Ils étaient dans le bon marché. Ils avaient l’appui des autorités, ils varient les moyens financiers et les données », explique le membre du board de SenStartup, l’association des startups du Sénégal.

Près de l’abîme

En février 2017, Wari annonce l’achat de Tigo, le deuxième opérateur de téléphonie au Sénégal, pour 80 milliards de F CFA. Coup de génie ou coup de bluff ? L’affaire capote, finalement. Pourtant, Kabirou Mbodje avait les faveurs des autorités sénégalaises. Le président de la République, Macky Sall, l’avait ouvertement soutenu. Le chef de l’Etat sénégalais avait même pris un décret pour acter la cession de Tigo à Wari. Mais Kabirou n’a pas pu mobiliser la somme réclamée par les dirigeants de Tigo, et ces derniers ont cassé le contrat de cession. Aujourd’hui, Tigo – qui est devenu Free au Sénégal – est entre les mains d’un consortium constitué par les entreprises de Xavier Niel, Yérim Sow et Hassanein Hiridjee. Le ratage de l’achat de Tigo a-t-il était l’élément déclencheur du déclin de Wari ? En tout cas, depuis lors, les choses se sont détériorées pour l’entreprise. Il serait péremptoire de dire que le glas est sonné pour Kabirou Mbodje et son aventure avec Wari. Mais, il est difficile aujourd’hui de trouver des points Wari fonctionnels dans la capitale sénégalaise.

Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Il y a eu vraisemblablement un problème de management, éclaire Malick Tall. « Je ne peux avoir qu’un regard extérieur, mais à mon avis, c’est au niveau du Ceo qu’il faut regarder pour comprendre les difficultés de Wari. Ce qui est certain, c’est que le problème n’est pas fondamentalement un problème d’innovation. Ils ont créé leur porte monnaie électronique, il y avait beaucoup de techniciens informatiques dans la boîte. Wari a aussi essayé d’acheter Tigo. Sur le plan de la recherche et de la diversification, ils ont fait de leur mieux. En réalité, c’est plus un problème de gouvernance. Wari, à mon sens, n’avait pas un management de standard international. Il faut voir les autres entreprises dans le secteur, qui ont à peu près la même taille, ils ont des tops chefs de direction. Qui connaît les lieutenants de Kabirou Mbodje ? Une entreprise de l’envergure de Wari avait aussi besoin de doctrine. Une doctrine de la relation client, une doctrine du marketing, une doctrine de l’entreprise visible. Mais, on y voit pas clair. »

Au-delà, de la question inhérente à la culture de l’entreprise, la communication personnelle de Kabirou Mbodje a été catastrophique. Son image est écornée par de nombreuses affaires extra-professionnelles, dont certaines encore pendantes en justice. C’est bien connu, c’est toujours le leader qui porte l’échec. Kabirou Mbodje a voulu bâtir un fleuron. La construction n’est pas achevée. Et pire, les fondements ne sont plus solides. C’est à lui d’apporter la vision stratégique et de guider ses équipes, surtout pendant ces moments de doute. Son seul enthousiasme pourra-t-il être suffisant pour faire regagner des parts de marché et entamer un nouveau cycle victorieux, face à des concurrents féroces ? Aujourd’hui, Orange, avec son service Orange Money, a pris la tête du peloton dans les services de transfert d’argent au Sénégal. Free money, suit la cadence. Wave, nouveau acteur très agité, cherche à bousculer la hiérarchie, en proposant des prix très compétitifs. Yup, l’application de mobile money de la Société générale et Wizall money jouent aussi les trouble-fêtes. Il reste à Wari de relever un défi immense, celui d’un champion bousculé, à terre : se relever. Pour cela, il faudra plus que de la volonté.

(Source : Afrique ITNews, 14 août 2020)

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