Le travail signifie en latin tripalium qui veut dire instrument de torture. Dans le jargon de la médecine, on dit d’une femme qu’elle est en train de travailler, lorsqu’elle s’apprête à donner naissance. La Genèse, pour faire allusion au labeur, utilise cette expression forte « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ». C’est dire que le travail dans sa conception originelle, traduisait une peine voire un châtiment. Cette pénibilité liée à l’exercice des tâches engendrait ipso facto des conséquences néfastes et périlleuses sur la vie des travailleurs. La technologie a carrément chamboulé la donne en facilitant et en simplifiant les conditions de travail, tout en augmentant le rendement. Du coup, on assiste à la venue de nouveaux corps de métiers très efficaces et moins éprouvants.
Le rendement ne se me mesure plus en termes de temps de présence, mais plutôt par l’efficacité dans l’action. Dès lors, l’apport est devenu primordial dans le processus de recrutement. Cette perspective a nécessité une transformation profonde de la méthodologie et de l’ergonomie du travail. Dans beaucoup de boîtes on favorise le flex times (l’heure de travail n’est plus fixe pour tout le monde, il est déterminé suivant la convenance de l’employé, l’essentiel c’est d’accomplir le volume contractuel c-à-d les 8 heures) en lieu et place des horaires habituels.
Les entreprises optent pour le open space (espace ouvert) qui accueillent plus de travailleurs que les bureaux classiques, et fluidifie par ricochet le traitement de l’information. Au-delà des locaux de l’entreprise le travail dans certains domaines d’activité, peut s’effectuer n’importe où, il suffit tout simplement d’avoir une connexion stable et un ordinateur portable. Cette mobilité a imposé une forme nouvelle qui consiste à accomplir les tâches quotidiennes sans quitter le cadre familial. Ainsi le télétravail est venu comme une bouée de sauvetage pour alléger les travailleurs contre les souffrances liées aux embouteillages et autres déplacements difficiles.
Le travail c’est d’abord et avant tout un épanouissement, la contrainte doit tout bonnement tenir sur son aspect contractuel qui se résume au respect de l’engagement donné, ce qui reste valable pour toutes les parties. La tâche est arrimée à une définition d’objectifs qui matérialise la volonté des actionnaires. Les agents sont évalués en fonction de leurs niveaux d’atteinte. L’importance dans ce processus, c’est la performance. Il est vrai que le télétravail dans sa phase de lancement au Sénégal a été apprécié dans son expérimentation, mais il ne faut pas s’en limiter là à mon avis. La prudence nous recommande de scruter ce concept de fond en comble afin de pallier d’éventuelles déconvenues.
Ce chantier titanesque doit mettre à contribution tous les acteurs qui composent le secteur du travail.
Je commencerai par le ministère du Travail pour un encadrement juridique, étant donné que le télétravail ne figure pas encore dans nos textes de loi.
Les chefs d’entreprise qui, à travers ce système, tirent probablement leur épingle du jeu, en réduisant les coûts liés à l’exploitation (consommation d’énergie, location ou acquisition de siège …).
Les syndicats pour cristalliser les remontées des travailleurs, puisqu’une telle mesure nécessite carrément une motivation supplémentaire eu égard aux charges supportées (augmentation de la consommation d’énergie) et aux contraintes subies (le fait de travailler au-delà des horaires sans compensation financière).
Sans oublier la médecine du travail dont la mission reposerait essentiellement sur la production d’un diagnostic sanitaire et psychologique tiré de cette expérience nouvelle.
Par exemple, l’excès de poids lié à la sédentarisation ne constitue-t-elle pas une menace certaine pour les exerçants ?
La configuration de nos domiciles est-elle adaptée aux normes ergométriques du travail ?
Pouvons-nous établir une frontière entre le travail et la famille ?
Voilà autant d’interrogations qui attendent des réponses concertées, avant une mise en place effective du télétravail. Cette symbiose d’énergie doit aboutir à un résultat qui profite à toutes les parties.
Il est à souligner que le télétravail n’est pas destiné à tous les travailleurs, puisqu’il y a des tâches qui nécessitent inéluctablement une présence physique, c’est le cas des industries, des commerces et autres.
Mafally Ndiaye
(Source : Le Quotidien, 18 septembre 2021)