La communication au Sénégal a connu une véritable révolution avec l’avènement des télécentres. D’ailleurs, les Sénégalais ont étalé dans la formation de ce mot toute leur ingéniosité pour désigner ces cabines téléphoniques privées qui tombent à pic. C’est fini, les coups de fil reçus chez le grincheux voisin, qui n’en pouvait plus de voir son salon transformé en cabine pour tout le quartier et à toute heure. Le galopin, qui est concentré dans son jeu, préférera vous dire tout simplement que la personne que vous appelez est absente. La période où l’on demandait au voisin ou au parent de passer un bref coup de fil urgent appartient également au passé. Et c’est tant mieux.
Aujourd’hui, tout ce calvaire qu’on subissait et qu’on faisait vivre aux détenteurs de lignes est révolu grâce aux téléphones portables et aux télécentres. Ces derniers ont connu une croissance exponentielle à tel point qu’on en rencontre à tous les coins. Le hic est que ces espaces de télécommunication ont perdu de leur charme. S’ils ne sont pas logés dans une boutique ou dans un salon de coiffure, on les trouve dans une pièce digne d’être un débarras ou dans un garage. L’accueil et le confort du client ne sont pas notre fort. En plus, on n’est pas toujours sûr de téléphoner dans la discrétion. Beaucoup de télécentres sont transformés en grand-places où l’on prend du thé et où l’on discute entre copains.
Alors là, on se soucie peu du client qui a pourtant besoin de confidentialité et de silence pour passer en toute sécurité sa communication. Avec des cabines qui ne sont pas insonorisées, discuter de question sérieuse dans un télécentre grand-place revient à éparpiller des secrets dans la rue. Si vous êtes du quartier, vous vous exposez davantage. Les timides et les plus prudents préfèreront aller voir ailleurs pour s’assurer qu’ils communiquent à l’abri de toute oreille indiscrète.
Parlons encore de confort pour décrier la chaleur étouffante qu’il fait dans les cabines. Abritées par une petite pièce mal ventilée, elles sont naturellement en miniature. Il vous faut quelques secondes pour commencer à suer. Le ventilateur en miniature posé à côté est un gadget qui ne fonctionne plus il y a très longtemps. C’est donc avec beaucoup d’empressement que vous finissez votre discussion pour sortir le plus vite possible de cette fournaise et payer le prix de la communication. Si par malheur vous tombez sur un gérant qui est plus absorbé par la causerie avec ses copains jusqu’à oublier de remettre le compteur à zéro avant que vous ne composiez un numéro, vous êtes cuit. D’abord, vous serez ahuris de constater plusieurs unités affichées pour une communication écourtée au maximum possible.
Le gérant vous fera payer ce que vous n’avez même pas consommé, lui qui ne croit qu’aux chiffres affichés par le compteur.
Le vacancier anonyme
(Source : Le Soleil, 30 septembre 2006