Évoluant en marge de la légalité, les cablodistributeurs ont souvent maille à partir avec la justice. Mais, depuis le jugement rendu, en leur faveur, par le tribunal de Kaolack, la donne a changé. Coup de projecteur sur une ‘profession’ née avec le câble.
Ils étaient des centaines à avoir pris d’assaut, le mercredi 4 mai dernier, la Maison de la culture Douta Seck. Objectif : réclamer la signature d’une convention de concession avec l’Etat du Sénégal. Les câblodistributeurs sont venus ainsi des quatre coins du Sénégal : Dakar, Saint-Louis, Ziguinchor, Tambacounda, Touba, Kaolack, etc. Mais qui sont vraiment ces câblodistributeurs qui ‘veulent travailler dans la légalité’ sans avoir à être traqués ou taxés de ‘pirates’.
La première chose qui frappe à l’œil est leur jeune âge. Selon Ousmane Diouf, secrétaire général de la Société de distribution de télévisions par câbles et services (Soretec), la fourchette varie de 20 et 42 ans. La Soretec, mise en place depuis un an, recense quatre à cinq mille stations têtes de réseau à travers le pays. Ces derniers ont en charge les centres d’émission de câbles dans chaque quartier ou zone comprenant les décodeurs et les antennes à installer. Chacun d’eux emploie, au moins, cinq personnes pour faire le travail de raccordement nécessaire dans chaque foyer.
Issakha Ba, 39 ans, installé à Saint-Louis, évolue dans ce business depuis 2000. Il a embauché quinze personnes, essentiellement des jeunes, victimes de la déperdition scolaire. ‘Je les ai formés sur le tas en électricité, installation de parabole et en électronique’, explique Ba. Le saint-louisien est titulaire d’un Bac C obtenu en 1999. Après un échec à l’Université, il s’est lancé dans le commerce entre la Mauritanie et le Sénégal. ‘J’avais acheté, en revenant de Nouakchott, une parabole. Et lors de la Coupe du monde de 2002, tous mes voisins étaient à la maison pour suivre les matchs, car l’écran de la Rts était flou. A peine voyait-on les images’, soutient le câblodistributeur. Cet engouement le pousse à importer des paraboles de la Mauritanie. La demande était de plus en plus forte. ‘J’installais les antennes pour mes clients grâce aux techniciens mauritaniens qui avaient fait le déplacement pour ça’, fait-il savoir.
Aujourd’hui, Issakha a recensé 900 clients répartis dans plusieurs quartiers de Saint-Louis. Grâce à ce flux, son commerce est florissant. Mais, dit-il, ‘certains restent des mois sans payer les 3 000 francs Cfa retenus par mois et je ne peux pas couper leur câble pour des raisons sociales’.
Et le jugement de Kaolack changea tout
Moussa Diallo, lui, préfère taire sa provenance. Depuis un an, cet ex-mécanicien a troqué ses outils de réparations de voiture contre les câbles de télévision. ‘J’étais dans la mécanique auto depuis 2005 après un échec en classe de Cm2. Mais, en voyant mes amis gagner plus que moi, j’ai demandé à intégrer leur groupe’, raconte-t-il. Ils ont un salaire mensuel qui tourne entre 50 et 100 mille francs Cfa, selon la bourse des clients.
La plupart de ces jeunes rencontrés à Douta Seck étaient des chômeurs en majorité sans qualification professionnelle.
La Soretec, mise en place pour répondre à un souci de légalité exigé par le ministère de la Communication, offre aux câblodistributeurs des formations sur le tas. Selon Ousmane Diouf, les modules d’apprentissage tournent autour de comment gérer l’internet, orienter les paraboles, raccorder des fils, etc.
La société de redistribution de télévisions par câble et services a signé l’année dernière avec le major des éditeurs français Absat pour la distribution de chaînes de télévisions.
Souvent perçus comme des clandestins, les cablôdistributeurs disposent, désormais, d’un cadre ‘légal’ pour opérer en toute tranquillité. En juillet dernier, en effet, ils sont sortis vainqueurs de la bataille judiciaire qui les opposait aux opérateurs du Mmds, notamment Excaf-Communication. Le verdict du tribunal régional de Kaolack déboutait ainsi Ben Bass Diagne qui les accusait de pratiquer une ‘activité illégale’.
Fatou K. Sène
(Source : Wal Fadjri, 13 mai 2011)