L’arme au pied, nos soldats guettent un ennemi qu’ils tiennent au creux de la main. Des objets usuels tels que les smartphones ont déjà remplacé les tranchées fumantes. Ils représentent un front fugace dans une guerre de mouvement où une foule de belligérants est en quête de positions [...]
[...] Le péril digital est protéiforme et ses contours sont croqués sur un patron tapissé des innombrables points de vulnérabilité de notre exposition numérique. Nul n’est à l’abri. Individus, entreprises et même Etats, représentent tous des cibles potentielles pour des cyber-assaillants rompus aux techniques de l’intrusion et aux moyens de la monétiser. Un énorme pactole frauduleux difficile à chiffrer, mais qui ne peut qu’aller crescendo avec la pénétration de la connectivité. Une opportunité aussi pour des professionnels de la cyber-riposte que les structures privées et publiques s’arrachent désormais, du moins pour les plus averties.
Enjeu pécuniaire, mais pas seulement
Un marché en plein essor avec un argument de vente infaillible : les colossales pertes que peuvent occasionner les cyberattaques. En Afrique, les professionnels du secteur de la cybersécurité chiffrent ce péril numérique aux alentours de 3,5 milliards de dollars et lorgnent un chiffre d’affaires de 2,5 milliards de dollars à l’horizon 2020. De quoi aiguiser les appétits et multiplier les protagonistes. Toutefois, dans ce marché particulier, l’enjeu n’est pas que pécuniaire.
Derrière la course aux bons de commandes se profile aussi une véritable quête du pouvoir digital. Car se mettre sous le bouclier technologique de puissances étrangères, c’est aussi se ranger dans leur sphère d’influence. Et si les vertus de la coopération Nord-Sud sont indéniables en la matière, les risques sous-jacents le sont tout autant. Plus encore, dans le concert des nations, le jeu des alliances est loin d’être figé et le bouclier salvateur d’aujourd’hui peut devenir l’étau contraignant de demain.
Souveraineté numérique
Dans un continent en pleine transition numérique, il est donc non seulement primordial de se prémunir contre le péril digital immédiat, mais aussi de le faire sans hypothéquer sa souveraineté, même à terme. Pour ce faire, comme dans bien d’autres domaines, l’Afrique doit se prendre en main et d’urgence. Si l’apport des acteurs internationaux de la cybersécurité est incontournable, la montée en puissance de l’expertise locale est une nécessité.
Certains pays africains montent d’ores et déjà à ce front d’un nouveau genre ou tout du moins préparent leurs troupes pour les batailles futures. D’autres semblent être loin de saisir l’enjeu et ne doivent leur sursis qu’à leur sous-équipement technologique. Pour les uns comme pour les autres, le salut passera par une appréhension exhaustive des enjeux de la sécurisation de la transition numérique en cours et un volontarisme sans faille dans la mise en œuvre des moyens nécessaires pour l’assurer.
Aziz Saïdi
(Source : La Tribune Afrique, 22bfévrier 2019)