L’Autorité de régulation du secteur des communications du Ghana, la National Communication Authority (NCA) a publié le 8 juin 2020 sur son Site « une déclaration d’intention » classant l’opérateur MTN en « une puissance dominante significative » sur le marché national (Dominant/Significant Market Power ») des télécommunications.
Ce faisant, NCA est clairement dans son rôle de régulateur du secteur puisqu’ainsi que le rappelle l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), il s’agit à la fois de « limiter les abus de pouvoir sur le marché …pour empêcher qu’une firme toute puissante réussisse à évincer ses concurrents (et)… protéger les différents concurrents ».
MTN qui est une entreprise d’Afrique du Sud exerce effectivement une domination écrasante du marché dans tous ses segments avec 67.78% pour l’internet et 57.07 % pour la téléphonie contre respectivement 15.49% et 20.94% pour Vodafone et 15.81% et 20.25% pour AirtelTigo. Le quatrième opérateur Glo ne contrôle que 0.92% de l’internet et 1.74% de la téléphonie.
Cependant, selon Quartz Africa, l’autorité de régulation ghanéenne est préoccupée plus par la position dominante significative de MTN sur le « mobile money » que sur l’internet et la téléphonie voix.
Le développement du mobile money au Ghana est en effet le plus rapide de tous les pays d’Afrique : 40% des 58% des adultes bancarisés dans ce pays en 2017 l’ont été par le mobile money, indique Quartz Africa se référant aux statistiques publiées par le Global Findex Database de la Banque Mondiale.
Dès lors, les autorités du Ghana se font un devoir de réguler pour que tout en encourageant l’inclusion financière, empêcher que les flux financiers des plus pauvres ne soient contrôlée par une seule entreprise étrangère comme c’est le cas au Kenya.
Dans ce pays, l’opérateur Safaricom (appartenant aux groupes Vodacom (Afrique du Sud) et Vodafone (Grande Bretagne), grâce à son service de mobile money M-PESA assure des transactions représentant 40% à 50% du PIB du pays !
L’Agence de Régulation des Postes et Télécommunications du Sénégal (ARTP) ne devrait-elle pas émuler la NCA du Ghana et déclarer Orange qui contrôle 67.15% du marché tous segments confondus, en situation de « puissance dominante significative » pour réguler les opérations de mobile money de cet opérateur dont la plateforme revendique déjà 1.800.000 clients ?
D’autant que les responsables de Wari établi depuis 2008 sur le marché du transfert d’argent et du mobile money au Sénégal, unique challenger d’Orange Money font état depuis quelques temps de « problèmes de connexion au réseau » récurrents qui affectent régulièrement le bon fonctionnement de leurs services dans plusieurs parties du pays.
A cela s’ajoutent les exigences de certaines banques partenaires de Wari qui aboutissent « au blocage dans les IBAN des distributeurs qui par ricochet ne peuvent plus payer les retraits des clients Wari », indique le communiqué publié la semaine dernière par le Groupe et repris par Walf Net.
L’inclusion financière des populations pauvres et rurales est-elle vraiment une préoccupation du gouvernement du président Macky Sall ?
On pourrait en douter au vu non seulement de la liquidation apparemment programmée de Wari au profit d’Orange Money, mais aussi de l’occasion qu’on a refusé de saisir pour apporter l’appui aux populations face au Covid-19.
Au lieu d’acheter des denrées alimentaires à travers une procédure compliquées, de mettre en place une logistique, on aurait pu simplement envoyer de l’argent aux ayants droit par transfert d’argent via Wari et Orange Money.
C’est ce que le Togo a fait en créant de toutes pièces une plateforme numérique à laquelle 450 000 personnes (sur une population totale de 5 million) ont reçu leur aide à la mi-avril.
Le président du Togo, successeur de son père, dictateur s’il en fut, qui n’a pas hésité à couper les connections internet du pays lors des manifestions de 2017 contre son troisième mandant présidentiel successif, n’est donc ni un dirigeant éclairé ni un adepte des technologies numériques.
Il a seulement compris qu’il était indispensable pour la survie de son régime que les populations les plus pauvres reçoivent de l’argent dans les meilleurs délais.
Si on avait fait parvenir l’aide Covid-19 aux populations concernées par une des plateformes de transfert d’argent qui fonctionnent déjà dans ce pays depuis plusieurs années, on aurait non seulement permis aux bénéficiaires de recevoir une aide financière rapidement, on les aurait inclus dans le système financier et on aurait ce faisant, consolidé une base de données nationale indispensable à la planification nationale.
Alymana Bathily
(Source : SenePlus, 22 juin 2020)