C’est certainement une nouvelle manière de téléphoner qui commence à poindre, tout comme se dessine une nouvelle manière de consommer la musique avec les fichiers de musique numérique et la possibilité de commander des chansons ou des albums en les téléchargeant
directement et instantanément à partir de plate-formes de type i-Tunes d’Apple. Cette nouvelle manière de téléphoner va sans doute inquiéter les opérateurs téléphoniques traditionnels maintenant que la téléphonie sur internet ou « voix sur IP » – car c’est d’elle qu’il s’agit – se met lentement et sûrement en place. Skype, l’un des fers de lance de ce nouveau style de téléphonie, n’était pas vraiment dangereux tant que ses possibilités se limitaient a téléphoner de PC à PC et qu’il exigeait que les interlocuteurs aient tous deux le logiciel Skype installé dans leur disque
dur. Les possibilités du logiciel ont évolué.
Lorsqu’il a été lancé il y a environ un an et demi, les limites de Skype n’en faisaient pas vraiment un concurrent sérieux pour les opérateurs traditionnels, même si les créateurs du logiciel ne cachaient pas leur intention d’en découdre à l’avenir avec ces opérateurs qu’ils considéraient déjà comme leurs véritables concurrents. A présent, de nouvelles fonctionnalités sont disponibles dans le logiciel. Skype ne se limite plus à ne fonctionner qu’avec les PC-Windows. On peut en télécharger une version Mac OS X, une version Linux et même une version Pocket PC sur le site skype.com. Mais la mue la plus importante est sans conteste la possibilité de converser avec des correspondants
sans ordinateur et sans Skype, simplement dotés d’un poste traditionnel de téléphone voire d’un téléphone mobile. C’était là l’évolution attendue, elle est là.
Dès à présent, les internautes peuvent acheter en ligne des temps de communication (10 euros, 25 euros) pour joindre leurs correspondants. Le fournisseur de services revendique des prix très attractifs puisqu’il affirme que les appels vers l’étranger se font au prix local du destinataire, et permettent donc d’économiser des sommes substantielles sur les factures téléphoniques, tandis que les appels d’un ordinateur à un autre demeurent, eux, toujours gratuits. Appeler quelqu’un à Dakar, à New York ou à Pékin ne coûte donc rien (en dehors de la connexion internet) si le correspondant est doté d’un ordinateur et qu’il a pris soin de télécharger
et d’installer le logiciel gratuit Skype. Seuls coûtent de l’argent les appels vers des interlocuteurs dotés de postes fixes ou portables. Logiquement, un tel service devrait séduire particulier et entreprises.
Skype revendique actuellement quelque 22 millions d’utilisateurs. La société, basée au Luxembourg, tente maintenant de séduire les
entreprises, seul moyen probablement de pérenniser ses services. En
mars dernier, elle a négocié l’acquisition de 19 millions e dollars auprès de deux capitaux-risqueurs américains. Elle a également signé un contrat avec Siemens dans le cadre de la pénétration du marché des entreprises. Le groupe allemand a créé un adaptateur USB qui sert de passerelle entre un ordinateur et sa gamme de téléphones Gigaset.
Même si Skype n’est pas la première entreprise à se lancer dans la
téléphonie sur Internet (on connaît des sociétés comme Net2Phone,
entre autres), son service a apporté une nette amélioration à ce qui existait (qualité du son, simplicité d’utilisation, gratuité pour les appels de PC à PC, etc.) et beaucoup estiment que c’est maintenant que la téléphonie sur internet pourrait décoller, après plusieurs années d’errements.
Cheikh Alioune Jaw
(Source : Nouvelm Horizon, 15 octobre 2004)