De licence, les Mvno (opérateurs virtuels de réseau), sont passés à un régime d’autorisation avec le nouveau code de télécommunications. Si à première vue, cette nouvelle donne peut être perçue comme une aubaine, la configuration du marché des télécommunications laisse planer le doute quant à la capacité des Mvno à se faire une place. Entre des opérateurs classiques qui se livrent une bataille sans merci, un taux de pénétration mobile de près de 116%, la saturation n’est pas loin.
Aujourd’hui, avec les trois opérateurs classiques déjà présents au Sénégal, la bataille des offres a fait baisser drastiquement les coûts. Entre les voix et les données, on rivalise d’arguments. La question qui se pose avec insistance est de savoir si les Mvno ont encore de la marge. Aujourd’hui, You mobile de Youssou Ndour, Sirius télécoms Afrique de Mbackiyou Faye et Origines SA d’El Hadj Ndiaye sont les trois structures qui ont été retenues pour disposer d’une licence MNVO (avant qu’on ne passe à un régime d’autorisation). Pour ceux qui ne le savent pas, un Mvno est un opérateur qui ne dispose pas de son propre réseau. Il se fait héberger par un opérateur classique. Mais de tous les trois, seuls Promobile de Mbackiou Faye a donné l’impression de démarrer. Alors que tous pensaient que le Mvno allait être hébergé par Free, le long feuilleton finit par capoter. Promobile épouse Orange.
Malgré des investissements assez conséquents (on parle de plus de trois milliards de francs cfa), Promobile ronge son frein. « Nous étions prêts depuis décembre 2018. Mais les offres de prix que Free proposait à Promobile étaient excessivement chères. Il était impossible de s’en sortir avec cette configuration », explique une source proche du dossier. Aujourd’hui, même s’il a déclaré en conférence de presse avoir signé avec Orange, Promobile n’a toujours pas démarré. Pour Galaye Sène, expert en Télécoms, il n’y a pas à chercher loin, la marge a complètement diminué. « Sur quels leviers doivent-ils s’appuyer ? Peuvent-ils être moins chers que les opérateurs classiques ? Ce sont autant de questions que les Mvno se posent actuellement », dit-il. Et selon lui, si Promobile tente de faire bouger les lignes, c’est parce qu’ils avaient commencé à passer des commandes en puces et autres objets de communication. Pour lui, les deux autres sont dans une profonde réflexion.
Les effets de la guerre des opérateurs
Ancien de Tigo et de Orange, cet ingénieur des télécommunications, sous le couvert de l’anonymat, est catégorique. Selon lui, depuis que Free a débarqué avec des offres relativement faibles, les autres opérateurs étaient obligés de suivre. Ce qui a eu comme conséquence une baisse drastique des offres. « Aujourd’hui, on parle de fibre. C’est presque dans toutes les régions, la connexion mobile est devenue très accessible. Qui peut faire mieux ? Est-ce qu’on peut acheter chez un grossiste et être moins cher ? » analyse-t-il. Selon des informations, même du côté de Promobile, on se pose beaucoup de questions. En effet, selon des indiscrétions, le très influent homme d’affaires mouride comptait sur la ferveur du Magal deTouba pour un lancement en grandes pompes. Mais à moins de trois semaines de l’événement, rien n’a encore bougé.
Des fils de … aux commandes
Aujourd’hui, si Promobile a commencé timidement, on ne peut en dire autant des deux autres. En effet, 2S Mobile et You Mobile ont la particularité d’être dirigés par des fils des deux promoteurs : El hadji Ndiaye (Abdoul Ndiaye) et Youssou Ndour (Birane Ndour) respectivement. Mais rien de plus. Même si des informations faisaient état d’une entrée en grandes pompes de You Mobile avec de grandes affiches de lutte décrochées par la structure du même groupe, en interne, la réflexion serait encore de mise. Mais Ndiaga Guèye, Président de l’association sénégalaise des usagers des Tic (Asutic), veut encore y croire.
« L’entrée des Mvno peut tirer les prix vers le bas, sur un marché longtemps resté oligopolistique. Même les opérateurs de réseau ont un intérêt à l’existence des MVNO. En leur louant leur réseau, et en offrant certains de leurs services comme les répondeurs et les services clients, ils optimisent l’utilisation de leurs infrastructures », estime-t-il. Selon Mountaga Cissé, consultant en numérique, pour qu’un Mvno puisse s’en sortir aujourd’hui, il faut qu’il soit très innovant surtout dans les offres de services multimédias pour se démarquer des offres des opérateurs classiques. Quoi qu’il en soit, il va falloir être très innovant.
Des centaines de millions en question
Avec le nouveau code des télécommunications, les Mvno n’ont plus besoin de payer la licence. Il suffit d’une simple autorisation de l’Autorité de régulation des télécommunications et des Postes (Artp) et d’un opérateur classique qui puisse l’héberger pour avoir l’autorisation, après validation par l’Artp. Une décision qui intervient après que les trois opérateurs ont déjà payé leur licence. You Mobile avait déboursé 400 millions de francs cfa, 2S Mobile et Promobile 300 millions chacun. Alors seront-ils remboursés ? Selon un responsable de l’Artp, il y a une concertation avec les acteurs concernés pour voir s’il faut étaler le remboursement ou le remplacer pour les impôts.
Malick Tine L’AS
(Source : Social Net Link, 20 septembre 2020)