Le rôle de Twitter dans les révolutions égyptiennes et tunisiennes il y a un an a déjà été abondamment commenté. Les jeunes ont embrassé avec ferveur l’immédiateté et la liberté d’expression de ce réseau social pour échapper aux contraintes de la censure et s’organiser, communiquer. Le rôle que Twitter a joué dans la chute de ces autocraties est étudié aujourd’hui à travers le monde. Néanmoins, il a plutôt éclipsé l’explosion de son utilisation dans le reste de l’Afrique.
Car Twitter n’est, en aucun cas, l’apanage exclusif des militants d’Afrique du Nord. Il a été adopté avec enthousiasme à travers le continent notamment par les jeunes, qui sont en train d’adapter son utilisation à leurs propres besoins.
Telles sont les conclusions de la première étude tentant d’effectuer une cartographie complète de Twitter à travers l’Afrique. La révolution dont twitter fait partie - celle d’internet et des réseaux sociaux - présente de nombreux défis, non seulement pour les gouvernements ou les entreprises, mais aussi pour tous ceux société civile, ONGs et citoyens, qui s’intéressent à la communication.
Twitter, certes, n’existe que depuis six ans. Mais il a balayé le globe. Plus de 300 millions de personnes ont, l’année dernière, utilisé leurs téléphones portables ou leurs ordinateurs pour poster et lire ces micro-blogs, ou « tweets ». Parmi eux, une personne sur trois l’utilise tous les jours, et près de 250 millions de « tweets » sont postés quotidiennement.
Au delà de l’importance attachée à Twitter dans les révolutions d’Afrique du Nord, le continent dans son ensemble est souvent totalement ignoré des enquêtes internationales sur le sujet. Elles sont beaucoup plus susceptibles de mentionner que la chanteuse américaine Lady Gaga a le plus de followers au monde (18 millions) - six millions de plus que le président américain Barack Obama.
Comme le révèle cette étude de Portland Communications, c’est une erreur de ne pas s’y intéresser. En examinant uniquement les « tweets » qui indiquaient clairement que leurs auteurs vivaient en Afrique - qui représentent une partie seulement du volume total de « tweets » envoyés - elle a conclu que bien plus de 11 millions de ces messages avaient été postés dans les trois derniers mois de 2011 à travers le continent.
Ces « tweets » ne se limitent pas seulement à quelques pays. Certes, l’Afrique Sud arrive en tête du classement, avec plus de 5 millions de tweets sur cette période. Les géants que sont le Kenya, le Nigeria et l’Egypte sont aussi bien représentés. Mais le reste du continent n’est pas en reste. Les pays francophones sont bien montés dans le train de cette révolution des communications, cinq pays se trouvant dans les dix premiers du classement - Maroc, Algérie, Tunisie, Mali et Cameroun.
L’étude a également révélé des différences intéressantes dans l’utilisation de Twitter. Alors qu’à l’Ouest, il est utilisé largement par les trentenaires, son adoption en Afrique a été plutôt conduite par un public jeune, avec 60% des utilisateurs entre vingt et trente ans. C’est certainement le cas de mes amis ici à Nairobi, et de ceux de ma ville natale, en Ouganda.
Les Tweeters africains sont aussi beaucoup plus susceptibles d’utiliser leurs téléphones mobiles, plutôt que des ordinateurs, pour afficher et lire ces messages. Compte tenu de l’explosion de l’usage du téléphone portable à travers le continent, de la baisse des prix des smartphones et de leur disponibilité grandissante, la révolution Twitter ne fait probablement que commencer.
On l’utilise ici aussi pour les loisirs, avec plus de deux utilisateurs sur trois qui admettent l’utiliser pour discuter avec leurs amis. Mais il est encore plus utilisé pour suivre les nouvelles internationales et presque autant pour se tenir au courant des nouvelles locales.
Compte tenu de sa croissance et de son importance, il est surprenant de voir qu’un nombre réduit de personnalités de premier plan, aussi bien dans le monde politique qu’économique, ont déjà utilisé Twitter pour communiquer. Le Président Paul Kagame au Rwanda a plus de 44 000 followers, Le PDG de Safari.com, Bob Collymore, l’utilise pour informer ses 38 000 followers des activités de son entreprise et dialoguer avec eux, demandant souvent des retours sur leurs expériences de consommateur.
Il est clair que la révolution Twitter ne fait que commencer. Peu de personnes pourront se permettre de rester exclues d’un espace de débat et de dialogue en pleine expansion. Il sera de plus en plus utilisé par les citoyens et les consommateurs pour échanger informations et points de vue ce qui, on peut l’espérer, conduira à davantage de transparence et limitera les abus. Avec Twitter, vous n’avez plus besoin d’être un patron de presse pour exprimer votre opinion. Et pour l’Afrique, comme pour le reste du monde, c’est une bonne nouvelle.
Beatrice Karanja dirige Portland Nairobi. Portland est une agence de communication stratégique qui a mené de nombreuses campagnes panafricaines. ‘How Africa Tweets’ peut être téléchargé sur http://www.portland-communications.com.
Beatrice Karanja
(Source : Arfik.com, 26 janvier 2012)