Depuis le 11 octobre, la SONATEL a de nouveau revu à la baisse, pour la énième fois, ses tarifs internet haut débit ADSL. La nouvelle grille de tarification a vraiment subi, il faut le reconnaître, une baisse très importante. En outre, deux postes, coûteux pour le consommateur, ont été supprimés de l’offre haut débit : les frais directs d’accès à Sentoo (Sonatel Multimédia) et à la Sonatel : ces postes grevaient de 47.000 F ou de 79.000 F, selon la vitesse de débit choisie, le budget du candidat à l’internet haut débit. Maintenant, les internautes sénégalais qui veulent
accéder à l’ADSL ne payent plus, au départ, que 28.000 FCFA pour un
débit de 256 kilobits ou 512 kilobits, ou 71.000 FCFA pour un débit de 1 mégabits (1024 kbits). C’est là, respectivement, une réduction directe et palpable de 62% et de 47%. On peut donc dire que le haut débit commence à être « intéressant » pour la bourse des internautes
sénégalais.
Il faut cependant relativiser ces réductions. Il est parfois utile de lorgner du côté de ce qui se pratique ailleurs pour mieux apprécier la pertinence des offres. En France, c’est grâce au haut débit que ce pays a rattrapé son retard, par rapport à de nombreux pays européens, dans l’accès global à internet. Désormais, en effet, comme nous l’apprend une récente dépêche de l’Agence France Presse, la France se classe 7e, derrière certes la Belgique, les Pays-Bas et le Danemark, mais devant maintenant la Grande-Bretagne et l’Allemagne. La raison de cette progression est due à une baisse constante des tarifs de l’ADSL et du haut débit en général. La France compte maintenant 11 millions d’abonnés à Internet pour 60 millions d’habitants (approximativement un Français sur 6) et, dans ce lot, près de la moitié sot abonnés au haut débit, c’est-à-dire ont une connexion internet d’au moins 128 kilobits. Mais la moyenne de base du haut débit, en France, est plutôt de 512 kilobits. Il y a aussi des offres à 1 mégabit, 2 mégabits, 4, 5 et même 7 mégabits.
Mais le plus intéressant, par rapport au Sénégal, ce sont les niveaux de tarification pratiqués. On ne peut nier que la Sonatel ait fait un très gros effort pour réduire sensiblement, depuis le 11 octobre ses tarifs d’accès ainsi que ses « redevances mensuelles ». Pourtant, pour une entreprise qui vient d’affirmer que, pour le premier semestre 2004, elle a augmenté son chiffre d’affaires de 29,6% passant de 90,2 milliards à 117 milliards de francs CFA, il est permis de penser qu’elle aurait encore pu faire mieux. La société paraît si obèse aujourd’hui que ses propres employés, à travers leurs syndicats, réclament haut et fort une hausse substantielle de leurs salaires en arguant que ceux-ci doivent être revus à l’aune des performances de l’entreprise filiale de France Télécom.
Il est donc normal que les consommateurs ne se laissent pas non plus « abuser » par les baisses qui leur sont régulièrement annoncées, même si celles-ci sont les bienvenues. En réalité, au vu de ce qui se pratique ailleurs, les services du haut débit pourraient encore être beaucoup plus accessibles aux Sénégalais. Bien sûr, il y a toujours l’accès à internet par la ligne téléphonique traditionnelle pour ceux qui ne peuvent s’offrir des
vitesses d’au moins 256 kilobits, mais il y a si peu de choses qu’on peut faire de manière concrète avec les connexions RTC (en dehors de l’email et d’un web poussif) qu’il est sain d’encourager le maximum de personnes à faire le saut de l’internet rapide.
Considérons les prix en France en matière de haut débit. Pour un débit d’un mégabit, les tarifs tournent autour de 14,90 euros par mois, soit l’équivalent de 19.650 FCFA par bimestre. En comparaison, l’offre actuelle, pour la même vitesse, de la SONATEL, est facturée 400.316 FCFA au client. Soit …vingt fois plus cher ! Pour une vitesse de 2 mégabits (actuellement non disponible à la SONATEL, du moins pour le grand public), les fournisseurs français d’accès à internet proposent l’équivalent de 32.750FCFA par bimestre (24,90 euros par mois). On trouve même, en France, puisque les fournisseurs d’accès sont nombreux et la concurrence rude – ce n’est pas encore le cas du Sénégal mais on espère que cela arrivera bientôt – des offres de 4 mégabits à 24,90 euros par mois (32.750 FCFA par bimestre) et à 5 mégabits pour l’équivalent du même prix par bimestre (AOL). Bref, en termes d’incidence sur le porte-monnaie du consommateur, rien à voir avec ce que nous
connaissons ici avec notre principal fournisseur d’accès.
Aujourd’hui, même pour les abonnés sénégalais à l’ADSL 256 kilobits
(rares en France où le haut débit a tendance à démarrer à 512 kilobits), il leur faut débourser 58.000 par bimestre pour en bénéficier. Beaucoup plus que les abonnés français du 4, du 5 et même du 7 mégabits. C’est là l’expression d’une véritale fracture numérique. Pour une connexion à 5 mégabits, le Français débourse mois de 33.000 FCFFA par bimestre alors que pour une vitesse cinq fois moindre (théoriquement en tout cas), c’est-à-dire 1 mégabits, le Sénégalais devra débourser plus de 400.000 FCFA par bimestre. Qu’on ne nous parle pas, ici, de matériel à importer et
d’autres choses du genre. De toutes façons, l’internet n’a pas été inventé par les Français et, dans le domaine des Nouvelles technologies, on a l’habitude de nous dire qu’on part tous au même pied d’égalité. Difficile donc de comprendre de telles différences de prix. A moins de vouloir coûte que coûte engranger des bénéfices extraordinaires, ce qui semble être le cas, puisque la SONATEL est certainement aujourd’hui, avec, en 2003 des gains nets de plus de 40 milliards de FCFA,une des entreprises les plus lucratives du Sénégal.
Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour briser la fracture
numérique, côté « internet individuel », même si, pour « l’internet social », c’est-à-dire pour les prix pratiqués dans les structures d’accès public au réseau mondial, comme les cybercafés et les cybercentres (voir « Nouvel Horizon » de la semaine dernière), les choses semblent être à l’avantage de l’Afrique. Ceci dit, il n’est pas interdit de se réjouir quand même des baisses régulières des prix d’accès à l’ADSL. Comme on dit, avec le temps…
Cheikh Alioune Jaw
(Source : Nouvel horizon, 22 ocotbre 2004)
Tarifs : par mois ou par bimestre ?
Il y a une chose gêne. La SONATEL s’entête à toujours indiquer ses prix par mois, en parlant de « redevances mensuelles », alors que ses
facturations sont bimestrielles. Est-ce une façon de tromper la vigilance du consommateur ? En effet, lorsqu’on vous annonce, dans les publicités que la « redevance mensuelle » est de 29.000 FCFA, vous ne vous rendez pas compte toujours sur le champ, à moins d’être perspicace, qu’il faudra forcément multiplier cette somme par deux puisque c’est tous les deux mois que vous recevez votre facture. N’aurait-il pas été plus juste et plus "informatif de dire les choses exactement comme elles sont ? C’est-à-dire, décliner directement le prix de la redevance bimestrielle, soit
58.000 FCFA pour un débit de 256 kilobits (34.550 F pour la Sonatel et 23.450 F pour Sentoo), 96.000 FCFA pour 512 kilobits (67.302 pour la Sonatel et 28.700 pour Sentoo) et 400.316 FCFA pour 1 mégabits (305.916 F pour la Sonatel et 94.400 pour Sentoo). Les choses seraient ainsi bien plus transparentes pour le consommateur.
Cheikh Alioune Jaw