Publication sur la place publique de PV d’enquête de la gendarmerie. Diffusion dans les réseaux sociaux d’une vidéo prise par la Gendarmerie. De hautes personnalités publiques victimes de chantage de la part des individus qui ont réussi à obtenir des images compromettantes contre elles. Des influenceurs du Web publient des images à caractère pornographique incriminant des individus, bénéficient d’une impunité du fait de l’incompétence des juridictions sénégalaises à agir en dehors du territoire. Les agressions verbales des insulteurs du net hors de portée des juridictions nationales. Des données personnelles de santé balancées dans les réseaux sociaux sans souci. Des audio intimes de couples légalement mariés partagés dans les groupes Whatshapp repris par des sites internet. Des gens filmés à leur insu puis vilipendés dans le média social. Des entreprises victimes d’intrusions extérieures dans leur système informatique. La sécurité intérieure des pays menacée par le risque élevé de cyberjihad ou de cyberEtat. Le décor est fait…
Voilà le mal qui plane au-dessus de notre tête, malgré les sanctions prévues par la loi sénégalaise. Il ne passe pas un jour sans que la Division de la cybercriminalité ou la Section Recherches ne reçoive des plaintes portant sur des données personnelles divulguées : chantage suivi d’extorsion de fonds, menace de diffusion d’images compromettantes, etc. Des hommes ou des femmes mariés souffrent de ce fléau, au moment où vous lisez ces lignes.
Nous ne sommes pas préparés à l’utilisation des outils numériques et aujourd’hui, nous sommes incapables d’éliminer notre identité numérique dans les plateformes informatiques. Car, il va falloir d’abord se débarrasser du téléphone portable pour retourner à l’ère du fixe. Difficile lorsque cet outil nous sert pour faire des opérations sur des plateformes telles que OM, Wave ou autres.
Au-delà des individus, des entreprises ont vu leurs données confidentielles tombées entre les mains d’autres entreprises concurrentes. Des Etats comme l’Iran, le Japon, la Corée, l’Ukraine ont été victimes d’une intrusion malveillante dans leur écosystème numérique perturbant le fonctionnement des structures vitales de l’Etat. La question est prégnante et mérite l’attention de tous les Etats mais aussi la responsabilité des individus souvent malveillants.
La guerre est ouverte et les obus peuvent atterrir dans la cour de n’importe quelle famille. Oui ! Des femmes ont été répudiées à cause de leurs données personnelles et confidentielles diffusées dans les réseaux sociaux. Des individus fuient le regard des gens parce que victimes d’une mauvaise propagande dans les réseaux sociaux.
L’on constate dans le média social, une course à la destruction de l’autrui. Tous les moyens sont bons pour salir l’image, annihiler la carrière ou la situation sociale d’un proche. Souvent, ce sont vos connaissances qui vous détruisent. Il y a une peur ambiante dans la société sénégalaise du fait des réseaux sociaux et des téléphones portables. Vos Smartphones, mêmes vieux, ne les réparez pas, ne les prêtez pas, ne les offrez pas en cadeau, même pas à vos enfants, car vous y laissez vos données qui peuvent tomber demain, entre les mains d’une autre personne. Et, s’ils sont volés ou perdus, vous êtes exposés au danger.
Aujourd’hui, nul n’est à l’abri de cette méchanceté subie par Kilifeu, Simon et Boughazeli, en dehors du délit réprimé. On se rappelle aussi, qu’un audio du président Macky Sall était partagé dans les groupes whatshapp au mois de Mars dernier. Des tenants du pouvoir étaient allés jusqu’à jeter dans les réseaux sociaux, un audio d’Ousmane Sonko. Voilà les pratiques malsaines qu’il faut bannir, sanctionner et punir comme l’exigent les lois nationales. La chanteuse Amy Collé Dieng n’avait-elle souffert de ces mêmes pratiques abjectes ?
Les réseaux sociaux sont devenus un mur de lamentation et une bombe de destruction massive. Les données personnelles circulent à une vitesse exponentielle et elles peuvent tomber entre les mains de personnes malintentionnées. Certains Sénégalais semblent avoir perdu la raison et chacun cherche à dénuder son prochain, souvent sans raison juste. Si certains le font pour la recherche du buzz, certains pour la collecte de nombre de « vue », d’autres le font par simple plaisir méchant.
De nos jours, le téléphone portable est maintenant plus dangereux qu’une Kalachnikov. Dans certains bureaux, il est interdit d’y accéder avec cet outil. Les gens ont peur d’être enregistrés ou filmés. Chacun se débarrasse de son téléphone au cours des réunions secrètes. La confiance est devenue une denrée rare dans les relations humaines. Même entre conjoints, on s’évite parce que craignant d’être dans une posture compromettante lorsque le couple vole en éclat un jour. Combien de fois avons-nous vu des images d’un couple divorcé, tombées sur la place publique ?
Le Sénégal est méconnaissable à cause de la perte effrénée de nos valeurs traditionnelles. Cette déliquescence de nos valeurs ancestrales a démarré d’abord dans nos foyers, dans le quartier avant d’envahir les réseaux sociaux. Diombass Diaw a été l’une des premières victimes et aujourd’hui la liste s’allonge. Osons dire que l’internet a généré un nouveau type de sénégalais.
Ce phénomène n’est pas exclusivement sénégalais. En France, à la veille des élections locales, l’ancien Ministre de la Santé et candidat de la République en Marche à la Maire de Paris, Benjamin Griveaux, était obligé de retirer sa candidature, lorsqu’un activiste avait publié dans les réseaux sociaux, des messages intimes qu’il avait adressés à sa maitresse.
Ne faudrait-il pas craindre dans l’avenir, un bug à dimension planétaire qui mettrait sur la place publique, des images, des vidéos ou des audio compromettants de grands dirigeants de ce monde ? Ce bug pourrait être provoqué par une puissance internationale dans cette guerre d’influence interétatique. Ce serait alors un phénomène apocalyptique, un « déluge » informatique avec des répercussions qui pourraient toucher les Bourses.
En dehors des puissances internationales en conflit qui pourraient en être les actrices, il y a aussi des risques de jaillissement de failles dans les systèmes informations des grandes entreprises spécialisées dans le stockage des données telles que les GAFAM : Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft.
Ce qui était arrivé à Benjamin Griveaux, peut arriver à n’importe quel Chef d’Etat de ce monde et ce serait certainement la fin de son règne, surtout ici en Afrique. Il faut d’ailleurs reconnaître que tous les Chefs d’Etat africains sont en sursis, car ne disposant pas d’un cloud hautement sécurisé, ni d’un système de protection des données de l’Etat. Au Sénégal, certains courriers confidentiels cryptés de l’Etat, sont facilement décryptables avec les outils informatiques vendus sur le marché.
C’est la fin de la vie privée et du secret dans les relations humaines, dans la société et même dans l’Administration sénégalaise. Edward Snowden était accusé d’avoir rendu public des télégrammes diplomatiques émanant des représentations diplomatiques américaines. Mais aujourd’hui, la situation a empiré et a connu une mutation pour devenir une menace réelle pour tout le monde. Savez-vous que d’autres Snowden, travailleurs chez Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft (GAFAM), possèdent les données (vidéos, messages, audio, photos, documents secrets) des Etats, des entreprises, des Armées et des Chefs d’Etat ? Comme le virus de Covid-19, ces données sensibles, secrètes, confidentielles peuvent leur échapper un jour pour envahir les réseaux sociaux.
Disons le maintenant, l’Etat du Sénégal devrait revenir sur le contrat signé avec la société malaisienne Iris Corporation qui détient toutes les données personnelles des citoyens inscrits sur les listes électorales et le fichier des passeports.
Avec cette folie à laquelle se livrent certains Sénégalais dans les réseaux sociaux, que sera le Sénégal d’ici les 20 prochaines années ? Quel type de Sénégalais les réseaux sociaux vont-ils produire d’ici 2041 ? La bombe risque de nous exploser en pleine figure. Veillons sur nos enfants alors…
Mouhamadou Mouth Bane
(Source : Sénégo, 21 septembre 2021)