Grace au numérique, les pays africains ont la possibilité de diversifier leurs économies, en investissant sans le e-commerce, en y intégrant les TICs dans secteur touristique, etc. Avec une part de 10% dans l’économie nationale, l’objectif des acteurs l’économie numérique, ambitionnent de porter cette part à 20% dans les 5 ans à venir. Mais les obstacles ne manquent pas. Dans cette interview, Ismaila Camara, Président du Réseau des journalistes en TIC, nous fait l’état des lieux. Entretien.
Quel est l’apport des Tic dans l’économie nationale ?
L’apport des Tic dans l’économie nationale est très considérable puisqu’ils contribuent à hauteur de 10% par an à l’économie nationale, ce qui équivaut à 3,3% du produit intérieur brut (PIB) du Sénégal depuis quelques années. Aujourd’hui, l’objectifs des acteurs notamment l’OPTIC qui est l’Organisation des professionnels des Tic et qui regroupe l’ensemble des entreprises du privé qui gravitent autour de ce secteur, c’est d’atteindre la barre des 20% en 2020.
Cet objectif est-il atteignable ?
Ce n’est pas une mince affaire quand on sait qu’aujourd’hui, véritablement il y a beaucoup de multinationales qui s’implantent de plus en plus dans le pays. Il y a davantage d’entreprises, de Pme et de start-up au niveau national qui se mettent en place dans ce secteur. Il faut noter que l’économie numérique est un secteur très divers parce qu’on trouve les télécoms, tous les services liés à l’informatique, ce sont des applications ainsi de suite. Donc il y a un large éventail activité des entreprises.
On note de réelles contraintes qui font que le secteur a du mal à décoller comme il faut. Certes, le Sénégal est en avance dans ce domaine quand on le compare à beaucoup de pays africains notamment de l’Afrique de l’Ouest, de l’Afrique Centrale et d’une bonne
Mais je pense que pour atteindre cet objectif, il faut davantage travailler, mettre en place et régler tout ce qui a trait au débit, à la connectivité et que le coût de la connexion baisse. A mon avis, il faut que les autorités aient une vision dans ce sens, qu’elles aient une stratégie et de la volonté politique. Et c’est de notre rôle également en tant qu’acteurs des médias de contribuer au développement des Tics en mettant ces sujets au cœur de l’actualité.
Sur le plan technique est-ce qu’il y a des aléas qui font que les opérateurs ne puissent pas fournir le service à des coûts beaucoup plus abordables ?
Aujourd’hui la boucle de la Sonatel est un véritable obstacle parce qu’elle empêche la quinzaine de fournisseurs d’accès à l’internet de pouvoir se déployer sur le territoire national.
Donc en réalité, on n’a qu’un seul fournisseur d’accès aujourd’hui, à part les opérateurs qui sont également des fournisseurs d’accès. Vous voyez un peu que le jeu est biaisé dès le départ. Alors que si les fournisseurs d’accès à l’internet, pouvaient opérer facilement, ce sont de nombreux emplois qui auraient été créés.
En clair, c’est que si on laisse les fournisseurs d’accès à l’internet faire leur travail dans de bonnes conditions, cela conduira à la réduction du coût de connectivité. Et quand, il y a réduction de coût de connectivité, forcément les gens vont aller davantage sur internet.
L’autre question, c’est que si les gens vont sur internet, il faut aussi qu’ils aient des applications locales avec des contenus locaux. Ce qu’on ne peut pas avoir quand le débit n’est pas des meilleurs. Donc il faut davantage mettre l’accent sur la qualité du niveau pour que la 3G soit disponible sur l’ensemble du territoire sénégalais. Je pense qu’il est important de surmonter ses contraintes.
Il se pose aussi un problème de financement dans le secteur. Comment résoudre cette question ?
En effet, beaucoup de Pme sénégalaises du secteur des Tic se plaignent de ne pas pouvoir accéder aux financements auprès des banques. L’Etat peut essayer d’amoindrir le coût de la fiscalité pour permettre à ces entreprises de pouvoir supporter le personnel et que les banques aient confiance en elles. Cela pourra faciliter la tâche à ces banques et Pme pour investir dans le cadre de la recherche - développement. On est dans un domaine où c’est l’innovation qui prime sur tout. Donc je pense qu’il faudra également régler cette situation. Il faudra que les pouvoirs publics facilitent la tâche aux Pme pour ce qui est de l’accès au financement.
Le Sénégal a des écoles de formations dédiées aux métiers d’internet, des écoles d’informatiques. La question de la recherche et d’innovation est-elle bien prise en charge ?
En ce qui concerne la formation, le Sénégal a d’excellentes écoles en Télécommunication et en informatique, mais force est de reconnaître aujourd’hui que ces écoles ne proposent pas une offre qui répond aux besoins de la demande. Certes, il y a certains qui le font mais, ce n’est pas à 100% pour la recherche- développement. Comme je l’ai dit, c’est une question d’innovation. Et, l’innovation demande des financements. Il faut que l’Etat puisse accompagner les acteurs des Tic et autres acteurs parce qu’il y a des incubateurs. Mais il faudra également qu’il y ait peut-être un fond de l’innovation numérique qui va permettre aux start-up et aux Pme du secteur de pouvoir disposer de fonds qui leur permettent de contourner un tout petit peu, le financement qui n’est pas disponible au niveau des banques pour x raisons.
En termes de chiffre quelle est la part des télécoms, notamment une grosse boite comme la Sonatel à l’économie numérique du Sénégal ?
En termes de fiscalité, la Sonatel contribue à hauteur de plus de 215 milliards de FCFA. C‘est quand même énorme. Et, je pense qu’à partir de ce niveau, on peut permettre aux entreprises qui sont dans le e-commerce de pouvoir développer leurs activités. Il faut que l’Etat facilite la tâche avec ses entreprises. Ce qu’il fera de même avec les nouveaux média. Il doit y avoir davantage de créativité. On parle de convergence. Pour qu’il y ait des développeurs dans vos entreprises, pour permettre de faire des vidéos de bonne qualité. Ce sont des réponses qui feront que les gens trouveront du bon contenu, un contenu local qui leur permettra de pouvoir rivaliser avec ce qui se fait ailleurs notamment dans les pays les plus développés. Mais également, je pense qu’à travers la gouvernance de l’internet, il faut que l’Etat du Sénégal puisse mettre en place son point d’échange sur l’internet. Cela permettra la réduction du coût élevé d’internet mais aussi cela permet à l’utilisateur de ne pas passer par Google internationale par ce qu’il y a une Google locale qui lui permet de pouvoir tout faire sur internet et à une fraction de seconde.
Qu’en est-il de la sécurité de la navigation ?
En termes de sécurité informatique, le point d’échange est une réponse parce qu’aujourd’hui les données sénégalais seront sauvegardées sur des moteurs qui se trouvent ici alors que ce n’est pas le cas actuellement. Quand on se connecte, on constate c’est lent parce que la commande passe par des centres qui se trouvent ailleurs et la réponse prend donc du temps pour venir. Si on arrive à mettre en place un point d’échange local, ça va résoudre ce problème et le contenu local va se développer et sera de meilleure qualité. Ensuite, il faudra mettre en place un conseil national du numérique comme l’avait annoncé le chef de l’Etat, il y a quelques mois.
Franck Atayodi
(Source : SenePlus, 26 octobre 2015)