Cette question mérite, à mon humble avis, d’être débattue au sein de l’Union Africaine. On
l’accueillait comme la promesse d’un progrès numérique. Contre toute attente, la 5G arrive et
alimente, plusieurs interrogations et beaucoup d’inquiétudes. Elle est effrayante pour certains,
surprenante et épatante pour d’autres. Des allégations suffisamment graves pour nous obliger à
nous demander si ces peurs sont elles bien fondées et en quoi la 5G va réellement changer dans
notre vie quotidienne.
Que l’on ne s’y trompe pas, la 5G n’est pas uniquement une continuité de la 4G, mais va au-delà
d’une révolution mobile. D’une part, elle est une technologie de rupture vers une société ultraconnectée qui va révolutionner nos économies notamment dans la défense, l’agriculture, la
distribution, le BTP, l’éducation, la santé, l’hôtellerie, la finance, l’industrie manufacturière, le
transport, les jeux vidéo etc. D’autre part, elle est une technologie disruptive dans plusieurs
secteurs sensibles tels que les infrastructures critiques, la recherche scientifique, la
cybersécurité, la cyberguerre, la cybercriminalité, la cyberattaque, la cyberdéfense, le cyberespionnage, le cyber-activisme (manipulation), la réalité augmentée…
En somme, la 5G va bien au-delà de la connectivité mobile. Elle englobe des services et des
applications diversifiées qui peuvent stimuler les progrès technologiques, promouvoir l’innovation
et accroitre le développement économique et industriel. Cette révolution est une impérieuse
nécessité et oblige nos Etats à avoir accès aux quatre bandes de fréquences indispensables qui assure la meilleure couverture mobile. La bande des 26 GHz est celle qui offrira les meilleurs
débits. Et, la bande des 3,5 GHz et celle des 2,1 GHz sont celles qui offrent le meilleur compromis
entre débit et portée du signal.
Toutefois, ne pas considérer la réservation stratégique de ces fréquences 5G dans nos Etats
constituent une lacune majeure, compromettant à la fois leur sécurité nationale et leur
développement économique et industriel. Parce que ces fréquences représentent bien plus que
des ressources commerciales pour les opérateurs de télécoms, elles sont aussi des atouts
stratégiques pour des intérêts nationaux. Ainsi, certains régulateurs des télécoms doivent
reconsidérer leur approche dans l’attribution de ces fréquences 5G pour protéger les intérêts
futurs de nos Etats afin de garantir une sécurité renforcée dans les domaines militaire et
sanitaire, une avancée technologique nationale et une prospérité économique durable. Ils ne
doivent en aucun cas considérer la 5G comme les générations mobiles précédentes. Plutôt que
de simplement adapter les règles existantes, ils doivent avoir une approche proactive pour mieux
appréhender les défis posés par la 5G en mettant en place une régulation adaptée pour favoriser
la sécurité, l’innovation, et la croissance économique et industrielle de nos pays.
Contexte géopolitique : Qui contrôlera la 5G, contrôlera le monde
La course au leadership autour de la 5G cristallise les tensions entre la Chine et les Etats-Unis. Washington restreint toujours l’utilisation des équipements 5G de Huawei aux USA et accuse
Pékin d’espionnage qui cherche à assoir l’hégémonie chinoise dans le monde (enjeux industriel,
économique et militaire). Selon eux, Huawei utilise les numéros IMIE, l’historique des e-mails et
des appels, la géolocalisation, la liste des contacts et les applications utilisées dans les
téléphones Huawei pour récupérer des informations personnelles des utilisateurs pour les
transmettre au gouvernement chinois ou d’autres pays alliés de Pékin. Les Américains ont une
peur bleue, celle du danger pour la cybersécurité de laisser Huawei infiltré des réseaux de
télécoms pour y installer des portes dérobées dans les appareils et équipements de marque
Huawei aux fins d’espionnage à grande échelle dans le monde entier. En tout cas, Huawei est très
proche du gouvernement chinois, en plus d’être financé par des banques d’Etat. Ce qui peut
s’avérer évident car l’Etat chinois se réserve le droit d’accéder aux données des entreprises en
tout moment pour des raisons de sécurité. Pour preuve, en 2018 au siège de l’Union Africaine, les
informaticiens du bâtiment construit en 2012 par les Chinois, avaient découvert que l’intégralité
du contenu des serveurs était transférée à Shanghai. Toutefois, les Américains sont les premiers
à installer des portes dérobées dans leurs équipements de télécoms. On se souvient du 5 juin
2013 ou Edward Snowden rendait publiques des informations classées top-secrètes de la NSA
concernant la captation des métadonnées des appels en révélant l’existence des portes
dérobées, installées par les services secrets américains dans les systèmes du fournisseur CISCO
avec le seul objectif d’avoir accès aux données les plus sensibles des utilisateurs. Par ailleurs, de nombreuses voix se font entendre contre la 5G du point de vue écologique
concernant l’augmentation de l’empreinte carbone par les effets des antennes pouvant impacter réchauffement climatique. Aussi, l’envoie prévu de 48 000 satellites en orbite qui vont cohabiter
avec les étoiles et la lune pouvant nuire à l’astronomie et provoquer une catastrophe planétaire.
Ces risques liés à la multiplication des relais et la production de plusieurs milliers de mobiles
tendent vers un déclin de l’humanité. Pareillement, du point de vue de la santé, la 5G nous
interpelle sur beaucoup de questions. Pour preuve, le système de transport du vaccin à ARN
messager contre la pandémie COVID-19 est basé sur les nanoparticules. Les vaccins développés
par les laboratoires Pfizer, BioNTech et Moderna utilisent des nanoparticules lipidiques. Ainsi, des
théories selon lesquelles ces nanoparticules constitueraient une technologie dangereuse et un
instrument de contrôle des individus permettant de les « géolocaliser » grâce à la nouvelle
technologie de téléphonie « la 5G » circulent régulièrement sur les réseaux sociaux. Certains
disent qu’elles pourraient être activées à distance grâce à la 5G et nous suivre à la trace via nos
téléphones portables, une fois inoculées dans nos corps avec le vaccin à ARN messager. Ainsi,
nos moindre faits et gestes seraient ainsi traqués pour récolter des informations personnelles.
5G : Pourquoi les fréquences sont si importantes ?
Nos Etats ont un rôle clé à jouer dans la promotion de l’innovation et du progrès technologique.
Ainsi, ils doivent absolument conserver des fréquences dans la bande des 3,5 GHz (3,4 – 3,8
GHz), cœur de la 5G, pour des desseins stratégiques, sécuritaires, gouvernementaux et d’intérêts
publics pour innover et servir au mieux nos citoyens. En outre, cette bande de fréquences permet
d’avoir les meilleurs débits en 5G et à faible latence tout en ayant une bonne longueur d’ondes qui
permet des transferts de données très rapides. Toutefois, ces fréquences ont une portée
moyenne de 400 mètres en zone urbaine et 1,2 km en zone rurale. Comme la bande des 3,5 GHz,
la bande des 2,1 GHz pourrait aussi être utilisée car elle offre un très bon compromis entre
vitesse, couverture et pénétration à l’intérieur des bâtiments à des débits moindres.
En sus, pour assurer une meilleure couverture en 5G et une bonne pénétration à l’intérieur des
bâtiments, nos Etats doivent aussi être présents sur la bande de fréquences basses des 700 MHz
(694 – 790 MHz) qui une grande portée de 2 km en zone urbaine et 8 Km en zone rurale. En
revanche, la bande des 700 MHz n’est pas celle qui permet de délivrer les meilleurs débits, d’où
l’intérêt de conserver ses fréquences sur la 3,5 GHz. Enfin pour répondre à l’explosion de la
consommation de data, nos Etats doit également conserver des fréquences dans la bande des
26 GHz (24,25 – 27,5 GHz), pour avoir des débits comparables à ceux de la fibre. Néanmoins,
elles ont une portée limitée, de l’ordre de 150 mètres en zone urbaine, ce qui nécessite le
déploiement d’un grand nombre d’antennes.
Révolution Technologique : La 5G changera-t-elle notre quotidien ?
La 5G est assimilée à la fibre Optique sans fil et apporte des changements indéniables, avec
un débit théorique de 1Tbit/s au km2 et 100 Mbit/s de débit (assuré par l’utilisateur
contrairement à celui de 4G qui offre 1 Gbit/s par cellule partagé entre les habitants couverts
par la cellule, soit 30Mb/s), une vitesse 100 fois supérieure à celle de la 4G, une latence 10 fois inférieure à celle de la 4G, un nombre d’appareils 100 fois supérieur à celui de la 4G (densité), une
consommation d’énergie 90% inférieure à celle de la 4G et 10 fois plus d’objets connectés au
même réseau simultanément. Ainsi, ces 4 grandes fonctionnalités offrent de belles opportunités,
entre autres sur les plans :
Militaire : La 5G, est une arme fatale pour les batailles du futur car alliée aux algorithmes de
l’intelligence artificielle, elle permettra de connecter à grande vitesse des soldats, des
véhicules, des drones militaires, robots…, de coordonner des opérations militaires en
temps réel, l’usage de la réalité augmentée pour l’entrainement des corps armés,
l’automatisation des systèmes d’armes et défenses antimissiles et de développer des armes
hypersoniques pour les téléguidages. Elle est extrêmement importante pour les services
secrets et les forces spéciales : elle rend possibles des systèmes d’espionnage beaucoup plus
efficaces et accroître la létalité des drones tueurs.
Industriel : grâce au temps de latence réduit et une meilleure bande passante, la 5G développe
via des IOT des réseaux manufacturés (voitures autonomes, usines intelligentes…), jeux vidéo
etc.
Révolution Mobile : 5G octroi-t-elle un confort jamais égalé ?
La 5G est à la base, la cinquième génération des standards de téléphonie mobile qui succède à la
4G. Pour comprendre son fonctionnement, il est important de rappeler les différentes générations
des standards de la téléphonie mobile qu’elle succède :
La 1G analogique a été introduite en 1880 : il s’agissait d’un système analogique qui servait
surtout pour des téléphones de voitures ; Elle n’était compatible qu’avec les appels vocaux
avec une Bande passante max de 1,9 kbps. Elle avait beaucoup de défauts : Des normes
incompatibles d’une région à une autre, une transmission analogique non sécurisée (on
pouvait écouter les appels), pas de roaming vers l’international (roaming est la possibilité de
conserver son numéro sur un réseau autre que celui de son opérateur).
La 2G numérique arriva en 1992 : il s’agissait du passage du système analogique en système
numérique. Elle permettait aux téléphonies de passer des coups de fils et des sms. La
transmission de données à très bas débits se faisait sur des modems internet. L’apparition
des téléphones numériques avec la 2G a rendu possible la communication en déplacement. Et
l’envoi des textes, des images et messages multimédia (SMS, MMS). Le débit de la bande passante était entre 14,4 kbps à 384 kbps.
La 3G sera utilisée 2000 à 2010 : elle a amélioré la transmission de données et a permis une
navigation fluide sur Internet. Grace à elle, apparaîtront les premiers écrans tactiles qui
révolutionnent l’usage et l’utilisation des données sur les réseaux mobiles. Elle a permis de se
connecter en ligne grâce au haut débit mobile (Bande passante : 2 Mbps) intégrant la voix, la
vidéo et les données. Depuis n’importe quel endroit et à tout moment.
La 4G, apparue à partir de 2010 : Elle a considérablement augmenté la vitesse et la capacité
des réseaux cellulaires et a donné naissance à une toute nouvelle génération d’applications, covoiturage, de la vidéo en direct, du télé-enseignement, de la télémédecine, du télétravail…
Années 2020 : 5G, l’ère du smartphone : Le débit théorique validé des réseaux 5G est de 1
Tbit/s au km2 et 100 Mbit/s de débit assuré pour l’utilisateur. À titre de comparaison, la 4G
offre 1 Gbit/s par cellule, un débit qui est donc partagé entre les habitants couverts par cette
cellule, soit en pratique aux alentours de 30Mb/s. Ce sera 10 à 100 fois plus rapide que la 4G.
Voilà, S.E M. le Président, la note que je tenais vous à soumettre, avec l’espoir que cette
proposition soit débattue au sein de l’UA afin qu’une initiative panafricaine se fasse jour pour que
l’Afrique profite bien des opportunités offertes par la 5G et se prémunisse de ses menaces et
dangers.
Wack NDIAYE
Expert du numérique, 25 ans d’expériences
(Source : Le Techobservateur, le 16 novembre 2023)
Lettre ouverte adressée à A S.E. Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’Union Africaine le 16 novembre 2023