L’intégration des Tice dans nos programmes scolaires est une nécessité pédagogique
mardi 23 septembre 2008
Le 21e siècle est marqué par un développement prodigieux du numérique : ‘L’Humanité et le progrès des nations sont aujourd’hui conditionnés en autres par l’accès aux Technologies de l’information et de la communication (Tic), outils indispensables pour l’accès au savoir, clé de voûte de tout développement économique et social durale.’ En effet les Tic, deviennent de plus en plus indispensables à notre vie quotidienne où on assiste chaque jour ‘à ce qui n’a jamais été’ Paul Valery.
L’homme moderne est appelé à s’adapter de façon incessante et permanente à ces innombrables transformations et mutations technologiques qui changent incontestablement notre manière de vivre, de penser, de communiquer, de travailler, d’appréhender le futur... Aussi, l’outil informatique se substitue-t-il aux tâches manuelles et répétitives de production, de gestion et d’administration. Il a donc sa place dans toutes les professions. Ils représentent une aide et un gain de temps précieux voire un ‘auxiliaire docile et efficace’ :
Pour réduire la fracture numérique
Mais peut-on alors paraphraser Axelle Kabou en se demandant pourquoi l’école sénégalaise refuse-t-elle le développement informatique au moment où, partout, s’érige en règle, l’utilisation maximale et rationnelle des Tic pour l’enseignement ? On peut citer, par exemple, en Afrique, les enseignants ougandais qui expérimentent avec succès leur CurriculumNet, l’Afrique du Sud qui a déjà pris son envol depuis longtemps, la plupart des écoles tunisiennes ont réussi le pari de l’intégration des Tic dans leurs activités de classe ; la liste est longue... Qu’attend donc notre pays, chargé du volet Ntic (Nouvelles technologies de l’information et de la communication) dans le Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique) pour entrer dans cette révolution numérique qui évolue à une vitesse exponentielle ?
Il faut d’abord rappeler que l’analyse de différents rapports du Pnud (Programme des Nations unies pour le développement) laisse entendre qu’il y a ‘plus de téléphones à Manhattan (Etats-unis) ou à Tokyo (Japon) que dans l’Afrique tout entière... Pour l’heure, moins de 1 % du contenu du web est d’essence africaine’. Le retard à combler reste énorme même si l’on constate que les Nouvelles technologies de l’information et de la communication offrent une opportunité sans précédent dans la lutte contre la pauvreté, une chance nouvelle pour ne pas dire un raccourci exceptionnel vers l’accès au développement économique et social.
D’aucuns, comme le président Abdoulaye Wade, coordonnateur du volet Ntic du Nepad, rêvent même de voir ‘l’Afrique sauter des étapes que les pays du Nord ont mis des siècles à franchir, pour faire l’économie de la phase d’industrialisation’ qui, déjà concentre 80 % des richesses de ce monde entre les mains de 20 % de sa population et ‘cueillir dès maintenant les fruits d’une société de l’information en plein expansion’.
Ainsi, déclarait-il lors d’une interview exclusive, accordée au journaliste sénégalais Mame Less Camara, le 2 décembre 2003 : ‘Si l’Afrique devait se développer en suivant le cursus de l’Europe, des Etats-unis ou du Canada, cela demanderait au moins un siècle et demi. Nous sommes pressés et nous allons copier le Canada et les Etats-unis pour entrer directement dans la société de l’information. Au lieu de passer par le développement de l’agriculture, la transformation, l’industrialisation du XIXe siècle, nous sautons à pieds joints dans le numérique. A partir de là, par un effet de feed back, nous allons agir sur le reste. Nous allons utiliser le numérique dans la lutte contre la pauvreté’.
De ce point de vue, nous avons la ferme conviction que la mise en place d’une société numérique, pour être efficace et efficiente, doit s’appuyer sur le secteur éducatif car, aujourd’hui, ‘le monde des Tic et de l’éducation ne peuvent plus se côtoyer en s’ignorant, ils doivent s’interpénétrer et se féconder mutuellement’.
Pour ce faire, il urge d’abord de mettre en place une politique volontariste, globale et cohérente, des stratégies opérationnelles clairement définies, des structures capables d’innover et de produire et de relever enfin le défit de la connaissance et de l’accès à la société de l’information pour répondre aux Objectifs du millénaire pour le développement (Omd) d’ici 2015 : ‘l’éducation primaire pour tous’, ’lutte contre l’extrême pauvreté’, etc.
Pour réduire l’échec scolaire
De ce fait, l’Etat doit jouer donc un rôle d’anticipation et de catalyseur en suscitant la réflexion autour de ces pertinentes questions pour leur donner des réponses claires et beaucoup plus précises, car l’appropriation de ces nouveaux outils didactiques à l’école est aujourd’hui un impératif lié à une évolution technologique comme on est passé de la plume au stylo, et la fracture numérique qui est à la fois culturelle, technique, économique, et générationnelle doit être comblée notamment par les enseignants. Cela nécessite d’abord le règlement des problèmes, liés au coût élevé de l’accès, la maintenance et le renouvellement des équipements, l’absence de formation adéquate des enseignants et des élèves, de solutions informatiques, de création locale de contenus éducatifs et surtout une réforme fondamentale de nos systèmes éducatifs confrontés à une insuffisance du matériel didactique et des résultats scolaires, à la faiblesse du parc informatique face à la demande massive du monde scolaire, au manque de pertinence des programmes scolaires.
Ces considérations doivent naturellement déboucher sur la nécessité voire l’ardente obligation de mettre en œuvre ‘un nouveau modèle éducatif qui permettrait d’améliorer la formation technique et didactique des enseignants en mettant à leur disposition des outils logiciels, des guides et des contenus pédagogiques très rentables et adaptés aux réalités socio-économiques actuelles. Cette formation pratique s’orientera davantage sur des matières très demandées sur le marché du travail’ comme le préconisaient déjà deux éminents chercheurs sénégalais Serigne Mbacké Seck et Cheikh Guèye dans ‘Les nouvelles technologies de l’information et de la communication et le système éducatif sénégalais’, Unrisd, mai 2002.
Cela se traduira dans les faits par une utilisation intensive et rationnelle des ressources technologiques dans les différents domaines de l’apprentissage dans le cadre des projets d’écoles ou d’établissements qui, de ce fait, se chargeront de définir les objectifs pédagogiques spécifiques à atteindre, les actions prioritaires à entreprendre, les résultats attendus et les modalités de leur évaluation. Ainsi, ‘l’outil informatique s’imposera comme un instrument incontournable pour l’amélioration de la qualité et de la modernisation du système éducatif’.
Il ne s’agira pas seulement de multiplier les ordinateurs dans les institutions scolaires et universitaires comme on peut le constater aujourd’hui, mais il faudrait surtout investir en solutions informatiques, soit en achetant des logiciels éducatifs de qualité à des prix généralement forfaitaires soit en se ruant directement sur les freewares (logiciels libres) qui restent encore un mystère pour l’Afrique.
Mais comment intégrer raisonnablement ces nouveaux outils didactiques dans nos activités d’enseignement-apprentissage sans nuire aux missions traditionnelles de l’école ?
C’est tout le sens qu’il faut donner à la publication de mes fascicules : ‘L’ordinateur à l’école : de l’Eao au Tice ’ Référentiel théorique, ‘Projet de mise en place d’une école virtuelle’, conçu sous forme de guide pratique, ‘Les livrets de Présentation des logiciels d’appoint contenus dans les Cédéroms de la classe virtuelle ’ (plus de 1 800 logiciels libres sélectionnés et classés par compétence, par discipline scolaire et par cours (de la maternelle au collège) conformément aux instructions officielles en vigueur.
Ces programmes, testés avec succès par des praticiens chevronnés dans leurs cours particuliers, ne cessent d’enthousiasmer bon nombre de parents d’élèves qui ont soif de voir enfin leurs enfants, livrés à eux-mêmes dans les cyber-cafés avec tous les risques de perversion, profiter à la fois de la formation classique et celle du tutorat informatique pour améliorer leurs performances scolaires. Ce qui leur facilitera ainsi la compréhension de leurs leçons et la possibilité d’avoir plus d’informations pour trouver du travail, des réponses et des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent dans la vie quotidienne et surtout de ne pas être parmi ‘les analphabètes des temps modernes.’
Avant de terminer, je tiens à signaler que je n’ai nullement la prétention de critiquer par simple esprit d’opposition ou encore moins de prendre le contre-pied de tout ce qui a été réalisé par le ministère de l’Education et les différents partenaires pour doter certaines écoles de matériels informatiques. Ce qui m’exaspère, c’est le retard dans la mise en œuvre d’une véritable politique d’intégration des Tice [1] dans nos programmes scolaires, c’est l’absence de structures capables de coordonner toutes les initiatives informatiques, c’est la non-exploitation à des fins pédagogiques et didactiques de ces innombrables salles informatiques qui sont très vite transformées en ’cybercafé’ faute de programmes adaptés, de logiciels éducatifs en lien direct avec les activités de classe et surtout de formation adéquate des enseignants.
Si dans les faits c’est grâce à l’auto-formation que certains ont goûté aux vertus de l’ordinateur dans les centres de formation privés, peut-on alors imposer décemment ce parcours de formation à tous les enseignants du Sénégal ? Réduire la fracture numérique à l’école est peut-être un défi de taille, mais qu’on peut relever tout de même en commençant par l’expérimentation et la mise en place des classes virtuelles, paliers essentiels de l’école du futur africain, qui, à coup sûr, apporteront aux enseignants et aux élèves tout le soutien de base qu’ils attendent en matière de formation minimum et de ressources pédagogiques et technologiques dans l’appropriation des nouveaux programmes (Curricula) sans compter les économies de personnel, de fournitures scolaires et de matériels pédagogiques qu’engendreraient une éducation et une administration scolaire numérisées. Donc ‘pourquoi affronter les désagréments de la vie réelle alors que le monde virtuel nous offre sa définitive perfection’ ?
Makhtar Diop
Ecole Aby Kane Diallo
Saint-Louis
Tel : 774055715
makhtardiop5@yahoo.fr
(Source : Wal Fadjri, 23 septembre 2008)
[1] Technologie de l’information et de la communication pour l’éducation