L’harmonisation des politiques réglementaires se joue à l’international
dimanche 18 novembre 2012
Le secteur des télécommunications pourraient jouer un formidable rôle dans le processus d’intégration des peuples en Afrique. Depuis maintenant une décennie, les accords de coopérations entre régulateurs, se multiplient pour promouvoir la bonne mise en application des textes réglementaires et surtout favoriser et mutualiser les bonnes pratiques. Plusieurs niveaux d’accords existent à jour, à commencer par ceux de l’OMC.
Le premier niveau concerne les négociations au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Ces accords ont permis d’établir la base d’une réforme structurelle du secteur des télécommunications dont l’objectif consiste à supprimer les inhibitions comme les barrières à l’entrée et à la concurrence. La relation qui subsiste entre législation sectorielle et politique de concurrence varie selon les pays. Il dépend aussi naturellement du niveau de développement économique et de la maturité du secteur et du marché. Le processus de réforme réglementaire entrepris par les pays peut être plus rapide dans les pays qui s’orientent résolument vers l’ouverture de leurs marchés des télécommunications aux investisseurs étrangers. Auparavant, il est toutefois important de rendre cohérente la politique réglementaire par l’harmonisation de la législation locale avec celles d’autres pays aux situations géographiques ou économiques semblables. D’ailleurs, cette recommandation figure parmi les priorités fixées par la banque mondiale ainsi que les autres organismes de financement multilatéraux pour encourager la coopération entre régulateurs.
Accord général sur le commerce des services
Ces politiques de coopérations visent à favoriser l’harmonisation des politiques sectorielles et impactent la mise en place de bonnes pratiques mondiales ou régionales pour assurer aux investisseurs du secteur des télécommunications un niveau de certitude et de prévisibilité.
Les pays africains sont très ouverts dans le cadre de ces accords de coopérations. D’abord au niveau de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), il existe plusieurs accords juridiques qui lient les pays membres dont un très grand nombre est africain. Ces mécanises sont exécutoires par le biais de la procédure obligatoire de règlements des différents de l’OMC à laquelle adhère la quasi-totalité des Etats africains. Faisant figure d’instrument majeur au sein des autres dispositifs de l’OMC, l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) dont relève le secteur des télécommunications propose un arsenal d’accords applicables à tous les Etats membres. Il s’agit entre autres de textes reconnaissant que « l’accès et l’utilisation des réseaux de télécommunications publics sont essentiels à une prestation efficace des services couverts par l’AGCS ». Ces textes contraignent les Etats membres à apporter des garanties afin que les fournisseurs de services réguliers puissent accéder aux réseaux et services publics de transport des télécommunications à des conditions dites raisonnables et non discriminatoires. Afin d’actualiser les textes et suivre l’évolution du secteur, des cycles périodiques de négociations permettent d’améliorer et d’étendre progressivement les obligations et les engagements. A ce jour, près de 105 Etats membres sont signataires de ces accords dont la plupart résultent des négociations sur les télécommunications de base établies pour la période (1994-1997). Ces négociations ont posé la base d’une réforme structurelle du secteur des télécommunications aboutissant à la levée des barrières à l’entrée et au respect des règles de la concurrence. Parmi les principes fondamentaux explicités dans le document de référence de l’AGCS, servant aussi de base de contrôle, figurent entre autres des points comme l’indépendance des régulateurs, les mécanismes de service universel transparent ou encore de garanties d’interconnexion, etc.
Organisations de régulateurs sous régionaux
Au-delà de cet accord sur le libre échange, il existe aussi des engagements au niveau régional et sous-régional qui constituent en soi un important moteur de libéralisation et d’harmonisation des cadres réglementaires de télécommunications. En Afrique, avec l’uniformisation du droit au sein de groupes de pays comme l’UEMOA, les organisations régionales s’ouvrent ainsi la voie aux réformes réglementaires pour créer des environnements propices à l’essor du secteur. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a été avant-gardiste dans ce domaine en lançant, dès le début des années 2000, en collaboration avec l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), un projet d’harmonisation de la réglementation sur les télécommunications. Objectif : concevoir une stratégie en vue de l’harmonisation des politiques relatives aux télécommunications dans la CEDEAO. Aujourd’hui, les résultats sont là : les lois sur les télécommunications promulguées à la fin des années 90 et au début des années 2000 disparaissent peu à peu pour être remplacées par des directives communautaires en vue de couvrir l’intégralité des communications électroniques et leur évolution (voire RTN 51, interview de Florence Guthfreund-Roland).
Ces initiatives favorisent la coopération et l’intégration dans le domaine des TIC en s’appuyant sur les travaux de l’Association des régulateurs des télécommunications d’Afrique de l’Ouest (ARTAO - WATRA en anglais) pour définir les lignes directrices de la CEDEAO. Toutefois, il existe une grande similitude entre le modèle ouest africain et les autres modèles existants pour la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) qui regroupe une quinzaine de pays avec l’Afrique du Sud comme tête de pont. A l’instar de l’ARTOA pour l’Afrique du l’Ouest, la SADC s’appuie sur la Telecommunications Regulators Association of Southern Africa (TRASA). Il en est de même pour le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) et la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) qui s’appuient respectivement sur l’Association des régulateurs de l’information et de la communication en Afrique de l’Est et australe (ARICEA) et l’Association des régulateurs d’Afrique centrale (ARTAC).
Auditer l’efficacité opérationnelle des organisations
Au niveau du Commonwealth et de l’Organisation Internationale de la Francophonie, il existe aussi des cadres de coopération internationaux qui ont été initiés pour renforcer le dialogue entre pays ayant l’usage de l’anglais ou du français en partage. En tout état de cause, il ne serait pas inutile de procéder à l’audit de ces différentes organisations pour tenter de mesurer leur efficacité opérationnelle afin d’éviter les redondances. Il est déjà démontré qu’il existait en Afrique autant de sources juridiques que d’organisations régionales.
Pour ne pas entraver le développement équilibré de la réglementation des télécommunications en Afrique, il devient urgent de procéder à un audit global de ces associations régionales et sous régionales par un cabinet indépendant. Cela permettrait de rationnaliser leur mode de fonctionnement et d’éviter des blocages structurels comme le régionalisme. Il est aussi important de faire face au vide juridique qui entoure la protection des données à caractère personnel et la cybersécurité. A ce jour, aucun pays africain n’a entrepris de mesure pour aborder ces questions cruciales qui appellent à la coopération au niveau international. Il serait alors temps de poser le débat pour la mise en place de directives communautaires sur la cybersécurité et la data-protection avant l’arrivée effective de technologies avancées comme le cloud computing, le mobile banking, l’e-santé, etc. Il s’agit d’enjeux relevant à la fois de la loi sur les communications électronique pour la partie réseau et de la loi sur la cybercriminalité pour la partie contenu.
Mohamadou Diallo
Réflexion parue dans le magazine Réseau Télécom N° 57.
(Source : Agence Ecofin, 18 novembre 2012)