L’Afrique se trouve être un marché attractif qui s’explique par sa démographie galopante marquée par la jeunesse de sa population, et une croissance en nette évolution qui est inexorablement due à la richesse de ses ressources humaines et énergétiques.
C’est l’une des raisons qui justifient la convoitise qu’elle suscite auprès des investisseurs étrangers, qui prétextent l’argumentaire selon lequel ils veulent combler le gap technologique et numérique afin de hisser ce jeune continent au même niveau que les puissances économiques.
Il est vrai que le nivellement par le haut a été presque assuré à ce niveau, ce qui rend l’écart beaucoup moins considérable même si par ailleurs, il y a beaucoup d’améliorations à faire.
Il n’en demeure pas moins que c’est la maturité de certains pays par l’entremise d’un processus démocratique, qui attire les capitaux étrangers surtout dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
En réalité, les multinationales conditionnent leurs investissements à la stabilité politique et sociale des pays d’accueil, du coup l’Afrique ou une partie de celle-ci semble être la seule alternative face à un marché occidental en phase de saturation. Dès lors, elle devient sans le vouloir un théâtre où ses anciens colonisateurs et les nouvelles puissances se livrent une bataille de charme.
Le Sénégal n’est pas en reste avec un secteur des télécommunications qui est contrôlé par son ancienne puissance coloniale la France (Sonatel dont France Télécoms est l’actionnaire majoritaire) et des sociétés étrangères telles que Tigo (filiale du grand groupe Millicom) ainsi que Expresso du géant soudanais Sudatel.
Ce secteur est plus que porteur au vu des revenus réalisés par les entreprises qui y opèrent, nonobstant les difficultés économiques du moment. Ces trois unités regroupées, génèrent des milliers d’emplois dont plus de 90% de nationaux, compte non tenu des centaines de structures privées qui gravitent autour de cette activité.
C’est vous dire combien ce secteur est pesant sur l’économie du pays (10,6% du Produit intérieur brut (Pib) et 12,6% des recettes fiscales du pays, tandis qu’il génère environ 60 000 emplois soit 0,7% de l’emploi », révèle l’étude menée par le Pr Raul Katz en 2013).
« Cependant, les industries de télécoms adoptent une pratique qui consiste à confier leur corps de métier (toute la partie du réseau) à des équipementiers étrangers (Ericsson, Huawei, Helios et Nokia Siemens Networks entre autres).
Cette nouvelle approche appelée outsourcing (externalisation en français) est expliquée comme étant une solution d’efficacité et de performance en ce qu’elle garantit une meilleure qualité du réseau et à moindre coût, ceci leur permet par ricochet de se focaliser uniquement sur l’aspect commercial.
Ce procédé entraîne de facto le reversement du personnel technique à qui revenait la charge contractuelle de s’occuper des opérations, chez les fournisseurs d’exploitation cités ci-dessus en leur promettant les meilleures conditions de travail.
Ce qui est paradoxal dans cet exercice, c’est que ces mêmes équipementiers à qui on veut confier le sort de ces milliers d’employés, ont toujours brillé partout où ils sont installés par leur talent de compresser leurs travailleurs pour motif économique ou réorganisation.
Cet impérialisme voilé favorise à bien des égards la précarité de l’emploi, alors que l’Etat sénégalais s’évertue tant bien que mal à promouvoir la politique de l’emploi.
Il a été prouvé que l’Etat a créé un environnement favorable à l’investissement par la suppression de certaines taxes (surtout celles liées aux appels entrants) et lourdeurs administratives au motif de permettre l’insertion des jeunes diplômés dans le marché du travail. Cette nouvelle donne s’inscrit en faux contre cette volonté et en constitue par ailleurs une menace très grave. »
Face à ces dérives, il est de la responsabilité des autorités publiques au premier chef de protéger les milliers de travailleurs de ce secteur-clé.
Dans les pays de la sous-région où l’externalisation a été initiée, les autorités étatiques n’ont plus les coudées franches et continuent malheureusement à constater avec impuissance les dégâts énormes qui résultent des manquements, quant aux résolutions des problèmes techniques, bref de toutes les clauses contractuelles en général.
La performance ou mieux le développement, ne tire pas sa source d’un mimétisme qui est en soi l’approche la plus simpliste et la moins efficace qui consiste à reproduire exactement ce qui se fait ailleurs.
Mais plutôt par la préconisation de solutions durables qui adhèrent parfaitement aux aspirations des peuples en prenant en considération les facteurs sociologiques, culturels et même religieux.
Mafally Ndiaye
(Source : Le Quotidien, 21 octobre 2014)