L’explosion de la téléphonie mobile
mercredi 28 février 2007
Dans le courant du mois de février 2007, où l’attention des Sénégalais et des Sénégalaises était à juste titre polarisée par l’élection présidentielle, l’atteinte du seuil d’un million d’abonnés par Tigo, la marque commerciale de Sentel, est passée pratiquement inaperçue. En soit, ce n’était certes pas un évènement extraordinaire puisque en novembre 2005, Sonatel Mobiles avait déjà atteint ce seuil symbolique. Ce qui doit cependant retenir notre attention, c’est la progression impressionnante de la téléphonie mobile au Sénégal depuis son introduction par la Sonatel. Alors que la téléphonie fixe, introduite au Sénégal il y a près d’un siècle cumule difficilement 300.000 abonnés, la téléphonie mobile, lancée il y a tout juste dix ans, totalise quant à elle plus de trois millions d’abonnés. Le phénomène n’a rien de spécifique au Sénégal dans la mesure où la téléphonie mobile a partout progressé de manière importante, dans les pays développés d’abord et surtout dans les pays en développement dans lesquels la téléphonie fixe était généralement peu développée pour diverses raisons. Du point de vue des opérateurs de télécommunications, la téléphonie mobile est une technologie présentant beaucoup d’avantages en raison de la facilité de déploiement et de redimensionnement de ce type d’infrastructures et de coûts d’investissements nettement moins important que pour les réseaux fixes, le tout induisant un retour sur investissement beaucoup plus rapide. Pour les utilisateurs, elle apporte essentiellement la mobilité et au fil des ans, le ticket d’entrée est devenu particulièrement bon marché pour de larges secteurs de la société où plus du quart de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Aujourd’hui, il est bien loin le temps où la possession d’un téléphone portable était un signe extérieur de richesse tant cet outil s’est banalisé. Quelles que soient les explications avancées, le phénomène reste malgré tout surprenant lorsque l’on sait que, malgré les baisses tarifaires successives, le cout des communications mobiles reste, dans le meilleur des cas, au moins trois fois plus élevé que celui des communications fixes. A la lumière de cela, la progression de 72% enregistrée l’année dernière, avec un nombre d’abonnés passant de 1.730.106 en décembre 2005 à 2.982.623 en décembre 2006, est plus que remarquable. Exceptée la période 1996-2000, durant laquelle des taux de progression supérieurs à 200% avaient été observés, à une époque où le nombre d’abonnés se comptait en dizaines de milliers d’abonnés et où la marge de progression était par conséquent beaucoup plus importante, il faut remonter à l’année 2001, avec un taux de progression de 81%, pour observer une telle évolution du nombre d’abonnés. La population du Sénégal étant de onze millions d’habitants, si le actuel rythme de progression se maintient, le marché de la téléphonie mobile risque d’arriver à saturation dans les toutes prochaines années. Dans un tel contexte, il sera très difficile pour un nouvel entrant de s’y faire une place et par ailleurs les opérateurs actuels devront mettre de plus en plus l’accent sur la diversité et la qualité des services car l’enjeu majeur sera plus de conserver sa clientèle que de tenter de l‘élargir.
Amadou Top
Président d’OSIRIS