L’économie africaine à l’ère de la mondialisation Quelques observations d’un non-initié intéressé par la cause africaine
mercredi 20 août 2008
Comment bâtir une Silicon Valley en Afrique ? Une politique d’innovation efficace facilite la sérendipité
Dans le supplément ‘Innovation’ de ‘The Economist’ du 7 octobre 2007 (The fading luster of clusters), des opposants à la politique des grappes fustigent les investissements dans un nombre limité de ‘zones d’innovation spécifiques’ ou ‘grappes sectorielles gagnantes’, estimant qu’il s’agit de ‘recettes fiscales gaspillées’. Ils soulignent également que ‘‘ce ne sont pas des régions qui se font concurrence, mais des entreprises’’ et que ‘‘plus d’argent endort.’’ Ces opposants soutiennent que seuls les entrepreneurs prenant des risques peuvent poser les jalons de la réussite future. ‘‘Comment garantir le succès futur si nous continuons de nous concentrer sur des points forts actuels ? La sélection de ‘lauréats’ va à l’encontre du caractère imprévisible du succès futur. Le succès fait souvent suite à des périodes de crise’’, poursuivent-ils.
Empêcher l’émergence de nouveaux acteurs et de PME
Ou encore : ‘‘Pourquoi le contribuable doit-il privilégier des activités déjà lucratives et, par la même occasion, empêcher l’émergence de nouvelles visions et nouveaux acteurs ? Qui dit ‘intervention des autorités’ dit ‘tracasseries administratives’, ‘retards’ et ‘frustrations’.’’ Les défenseurs des ‘grappes’ insistent sur le fait que, pour sélectionner les zones d’innovation spécifiques, l’UE doit faire appel à un conseil d’experts-délégués de l’industrie. Or, les PME n’ont pas le temps de siéger au sein de commissions, elles se concentrent à temps plein sur leurs produits et leurs clients. Conclusion : l’apport créatif des petites entreprises, proches du marché, fait défaut.
La sérendipité : l’ouverture à l’imprévisibilité
Le message des défenseurs est très ‘pro-européen’, très ‘nationaliste’, très ‘traditionnel’. Aujourd’hui - à l’ère de la mondialisation - l’innovation, longtemps réservée à une élite technocrate, se démocratise et peut puiser dans un réservoir de connaissances immense, constitué par des personnes aux quatre coins de la Terre. Dès lors, des chercheurs de l’université d’Amsterdam avancent qu’une politique d’innovation de qualité doit viser l’ouverture et la diversité : l’ouverture à l’imprévisibilité du processus d’innovation, à la coopération avec autrui, de préférence à une distance cognitive fructueuse (multisectorielle), l’ouverture aux nouvelles introductions et au monde extérieur. Au lieu de sélectionner à l’avance des domaines clés ou prioritaires, les politiques d’innovation efficaces facilitent surtout la sérendipité, des processus sources de surprises.
Un chef d’orchestre ‘entrepreneur et avide’
A l’ère de la mondialisation, tant les grappes sectorielles que les grappes géographiques sont prises de vitesse par les alliances ‘ouvertes’, ‘fixes-souples’, entre des PME-PMI : les écosystèmes PME-PMI d’innovation multisectoriels et internationaux. Aucun gouvernement (Singapour, Dubaï, Cambridge-Angleterre, France, Belgique) n’est parvenu à copier l’écosystème - fondé sur le risque et l’entrepreneuriat international - de la Silicon Valley et des pays scandinaves. Ce sont les alliances interentreprises, multisectorielles et internationales, placées sous la direction d’un chef d’orchestre ‘entrepreneur et avide’, qui introduisent rapidement, sur les marchés internationaux, de nouveaux produits et/ou services. Ce sont elles qui parviendront à rendre la PME-PMI africaine plus grande qu’elle n’est. Ce sont elles aussi qui font progresser l’économie et sont pourvoyeuses d’emploi.
Le rôle des autorités
Dans une économie mondiale définitivement mise en réseau, le rôle des autorités se limite donc à garantir un vivier (à travers l’enseignement, les soins de santé, etc.) à partir duquel les entreprises locales peuvent progresser et devenir des acteurs mondiaux. Ces autorités peuvent, toutefois, lancer des projets spécifiques avec un besoin sociétal local clair et peuvent spéculer sur le fait que les entreprises locales rentabiliseront également les connaissances accumulées à l’étranger. eHealth, le projet belge de partage de dossiers médicaux électroniques, l’illustre. Des gouvernements du monde entier recherchent des moyens pour réduire les frais liés aux soins de santé. Les autorités européennes se doivent donc de créer une infrastructure ‘permettant à des milliers d’acteurs de s’épanouir’ et, éventuellement, - comme en Belgique avec ‘eHealth’ - d’accélérer l’implémentation d’un grand projet d’intérêt général.
Par le passé, l’innovation consistait à exploiter les économies d’échelle et les connaissances. Les activités innovantes étaient étroitement contrôlées au sein de grandes sociétés. Aujourd’hui, l’innovation met l’accent sur l’interconnexion, la flexibilité et la décentralisation de la recherche et du développement. En s’appuyant sur une diversification de la recherche ainsi que sur des réseaux de collaboration ouverts et interdisciplinaires.
Karel Uyttendaele
Ancien chef de cabinet du Secrétaire d’Etat à l’Informatisation de l’Etat belge
Ex-directeur d’Agoria (fédération belge de l’industrie technologique) et de Hewlett-Packard
karel.uyttendaele@yahoo.fr