L’économie Numérique au Sénégal : Ce qu’il faut retenir de 2014
samedi 3 janvier 2015
Le Sénégal fait partie des pays africains qui se distinguent par leur dynamisme et leur engagement dans la révolution numérique. Cela se traduit par une longue tradition des politiques publiques de l’État ainsi que l’engagement des partenaires au développement pour faire le secteur un levier de développement durable.
Aujourd’hui, perpétuer les pratiques et les stratégies de développement importées de l’économie numérique équivaudrait à passer à côté des potentiels mutations vers la société de l’information. Les politiques publiques en cours seraient aussi condamnées à copier des visions, des processus et des approches caduques qui n’ont pas fait leurs preuves en termes d’efficacité, d’inclusion de toutes les franges de la population vers des changements sociaux espérés.
Ainsi, il urge d’engager la réflexion sur la pertinence des indicateurs de performance afin de mieux apprécier l’efficacité des actions au lieu de mesurer la performance en terme de taux de pénétration, de nombre de mobiles vendus ou d’abonnements. D’autant que l’atteinte des OMD exige l’implication davantage des acteurs non étatiques dans la lutte contre les pandémies, l’analphabétisme, la mortalité infantile, du chômage des jeunes etc. Aussi, n’est-il pas nécessaire de mettre en adéquation les besoins en formation Tic avec les réalités du marché du travail. C’est la solution pour promouvoir l’auto-emploi et la création de richesse au Sénégal. Non sans laisser en rade la dimension genre qui favoriserait une discrimination positive en réservant à la gent féminine une place de choix dans les stratégies et politiques nouvelles en termes d’usage des TICs.
Par ailleurs, le Sénégal a fait durant ces dernières années un grand bon en avant en matière de Tics. Il y a eu le lancement de projets qui pourraient booster l’économie numérique. On peut en citer entre autres projets :
L’Université virtuelle du Sénégal (UVS)
C’est la sixième université publique sénégalaise. Elle est, toutefois, spécifique de par son système d’enseignement qui fait essentiellement appel aux Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) avec des services innovants comme L’E.N.T qui est un portail de services en ligne. L’E.N.T est un site web sécurisé offrant un point d’accès unique où l’enseignant, l’étudiant et l’ensemble du personnel de l’établissement peuvent trouver des informations, outils et services numériques en rapport avec leurs activités éducatives.
Le TéléDAC avec SAFI (Système administratif des formalités informatisées)
C’est un portail internet permettant d’effectuer des formalités administratives directement en ligne.
Le Mirador
C’est un Portail de Management Intégré des Ressources Axé sur une Dotation Rationnelle du Ministère de l’Éducation Nationale (MEN) / Ministère de la Formation Professionnelle etc.
- Le passage de l’analogie vers le numérique avec le lancement de la TNT
- La Semaine Nation de la Solidarité Numérique SNSN organisée par l’ADIE
- L’agence Nation de Protection des Données Personnelles
Cependant, l’État et certains acteurs tentent de poser des jalons pour mettre en œuvre leur vision de l’économie numérique. Mais leurs démarches sont empreintes d’incohérences et d’approches politiciennes.
Le fonds de développement du service universel des télécommunications (FDSUT) pour la promotion des tic dans le monde rural en est une parfaite illustration. C’est pourquoi, d’ailleurs, le journaliste de l’hebdomadaire la Gazette du Sénégal, Baye Makebe Sarr dans un de ses articles le qualifie : « d’une vaste entreprise d’escroquerie ».
Fort de ce constat, le plan Sénégal émergent (PSE) devrait en tirer la leçon pour mettre l’accent sur la politique organisationnelle des Tic en produisant une législation en la matière qui produirait des résultats probants dans le court, moyen et long terme. Il est aussi important d’inciter les organes de régulation du secteur à veiller sur les cahiers de charges des opérateurs de télécommunications afin d’avoir plus de qualité et d’équité dans les services de télécommunications.
Car, le paradoxe est que la capitale, Dakar est bien servie, alors que l’intérieur du pays réclame l’accès à la connectivité. En guise d’exemple, au moment ou on teste la 4G à Dakar et à Saly (Mbour), des chefs lieux d’arrondissement comme Méouane (Thies), Tattaguine (Fatick), Makacoulibantang (Tambacounda) n’ont pas accès à l’ADSL. En outre, dans le département de Bignona (Djibidionne, Suel, Sindian), les populations utilisent plus les réseaux de télécommunications gambiens que ceux sénégalais. Tirez-en une conclusion !
Par ailleurs, l’État devrait également veiller sur les activités des acteurs non étatiques qui captent des fonds au nom du développement et l’accompagnement des start-up et, qui, en réalité depuis deux ans trainent les pieds. Elles tardent à poser des actes allant dans le sens de produire des résultats concluants dans la lutte contre le chômage des jeunes diplômés du secteur des TIC. Car, de notre avis, le management axé sur les résultats ne doit pas se limiter au PSE. Il doit être étendu à l’ensemble des champs d’actions.
En somme, on peut retenir sans trop se tromper, qu’au Sénégal la voie n’est pas encore tracée pour définir une base solide en Tic sur laquelle les acteurs pourraient s’appuyer pour propulser leurs visions.
Car, les activités déroulées sont hétérogènes et ne produisent quasiment pas des synergies multi-acteurs. Un des freins à ces dynamiques est le cloisonnement des acteurs et de leurs activités. Les psodo-spécialistes de l’économie numérique connaissent encore assez mal les potentialités des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour atteindre les OMD et à l’inverse, les acteurs des TIC ignorent les problématiques du développement.
Le besoin en renforcement des capacités ne peut être appréhendé par les acteurs s’il n’y a pas au préalable une prise de conscience de l’impact de la fracture numérique dans les pays comme le nôtre. Dans ce contexte de la globalisation des échanges et du développement mondial de la « société de la connaissance », au Sénégal, de nombreuses questions restent sans réponse (absence de législation du secteur, de l’usage, de la création de contenus).
Ces maux restent un facteur bloquant à l’atteinte des OMD et accentuent les inégalités. Pourtant, il est reconnu que les Tic constituent un levier important pour le développement socio-économique des pays en voie de développement. Mais, que sera, vraiment, la mise en œuvre de l’économie numérique au Sénégal en 2015 ?
Malick Faye, Informaticien , Chef de Projet Multimédia
Manager de m6informatique
(Source : Social Net Link , 3 janvier 2014)