L’ancien capitaine de l’Armée russe et ingénieur en Communication tombe à Dakar
mercredi 29 octobre 2014
Sergei Eledimov, ancien capitaine de l’Armée russe, est depuis quelques jours dans les liens de la prévention. Ingénieur en Communication en tout genre, le mis en cause serait le cerveau de la bande de malfaiteurs épinglés dans la fraude des appels internationaux entrants. Il a été déféré hier avec ses deux supposés complices français. Le trio a passé la nuit au Commissariat central à la faveur d’un retour de parquet.
Dernièrement, les plaintes de la Sonatel contre les fraudeurs sur les terminaisons d’appels sur son réseau ont conduit à l’arrestation de plusieurs individus. Seulement, les policiers peinaient à mettre la main sur le cerveau de cette bande de malfaiteurs au Sénégal. C’est désormais chose faite. Les hommes du commissaire Pape Guèye de la Brigade spéciale de lutte contre la cybercriminalité de la Division des investigations (Dic) ont mis aux arrêts celui qui est, sans nul doute, le cerveau de cette organisation mafieuse, Sergei Eledimov. L’homme est un ancien capitaine de l’Armée russe qui a été sous les ordres pendant 13 ans, durant lesquels il a servi dans l’Armée de l’Air de sa patrie. Seulement, l’homme, âgé de 47 ans, ne connaît pas seulement les armes et les fronts. Le soldat russe est surtout un surdoué en communication. Sergei Eledimov est en réalité un spécialiste en communication en tout genre. L’homme a la parfaite maîtrise des communications quelles qu’elles soient (satellite, radio, la communication via Internet). La maîtrise de son domaine le conduit dans les campagnes de l’Armée russe en Bosnie, Yougoslavie et Tadjikistan en tant qu’expert en Communication.
Après ses bons et loyaux services au sein de l’Armée russe, Sergei Eledimov devient un mercenaire travaillant pour son propre compte. Ses activités le conduisent au Sénégal en 2005 où il devient entrepreneur. Il met sur pied la société Convoi Africa, spécialisée dans la sécurité et la consignation de bateaux. Seulement, ces activités lui servaient de couverture pour lui permettre de s’activer sans souci au trafic des appels entrants. En garde à vue depuis quelques jours, le mis en cause a été arrêté par les policiers de la Brigade spéciale de lutte contre la cybercriminalité. Deux de ses supposés complices, E. Lemasson et E. Gaspoz, tous des Français, ont aussi été arrêtés. Les mis en cause ont été déférés hier par les policiers enquêteurs.
Le processus de la fraude sur les appels entrants a été détaillé dans la lettre-plainte qui a saisi les hommes du commissaire Pape Guèye de la Brigade spéciale de lutte contre la cybercriminalité. Le chef du service Contentieux de la Sonatel, Abdoulaye Sall, expliquait que la société de téléphonie a constaté une pratique frauduleuse de terminaison d’appels sur son réseau. Les fraudeurs, poursuit-il, se servent d’une technologie haut de gamme en utilisant une ligne Adsl. Ce qui les permet de faire apparaître les appels venant de l’étranger comme des appels émis depuis le territoire sénégalais. Pour contrecarrer cette pratique illicite, les autorités de la Sonatel mettent sur pied un dispositif de surveillance. Ceci les permet de détecter d’où venaient les signaux frauduleux. Plusieurs signaux ont été interceptés. Toutefois, les fraudeurs établis au Sénégal avaient des complices à l’étranger qui leur remettaient le trafic des appels. Avec l’aide de Simbox, les fraudeurs arrivent aisément à détourner les appels venant de l’étranger. Lorsque les autorités de la Sonatel ont détecté un signal à Mariste 2, elles informent les policiers enquêteurs. La descente sur les lieux permet aux limiers de procéder à l’arrestation de E. Lemasson et la saisine d’un matériel servant à détourner les appels entrants. Le Français leur indique qu’il appartient au Russe. Celui-ci est arrêté, dans les heures qui ont suivi, chez lui, à Liberté 6. Deux autres installations, une chez la femme sénégalaise de l’ancien militaire russe et l’autre chez son autre ami français, E. Gaspoz, ont été découvertes. En plus de celle qui était chez lui.
Soumis à un interrogatoire intense, l’ancien soldat fait preuve de bonne foi. Il reconnaît les faits en bloc. Sur la provenance du matériel, Sergei Eledimov dit l’avoir eu d’une société dont il ignore le nom. Au début, c’était pour un essai. Il l’a installé en premier chez son ami français E. Lemasson. Sur les détails du matériel, l’ancien capitaine de l’Armée russe juge qu’il permet de changer les appels internationaux entrants en appels nationaux. Qu’il ne s’agit pas d’appels de téléphone à téléphone, mais d’ordinateur téléphone. Le trafic du réseau autorise les appels à passer sur n’importe quel réseau, que ce soit Orange, Tigo ou Expresso. Sergei Eledimov renseigne, par ailleurs, que le dispositif est composé de plusieurs groupes. Certains s’activent à l’installation du matériel, tandis que d’autres qui travaillent dans les sociétés de téléphonie ou de communication se chargent de vendre les appels en proposant des prix faibles. L’ancien soldat russe estime que la minute de communication se vend au Sénégal entre 5 à 10 FCfa. Sergei Eledimov jure qu’il ne s’occupe que des installations et que les serveurs se trouveraient hors du Sénégal, dans la sous-région. Bien que les installations sont interconnectées à ces serveurs. Mais tous les appels fraudés passent forcément par les installations de Sergei Eledimov. Pour les deux Français, le soldat russe jure qu’ils n’y sont pour rien dans cette affaire. Il leur a fait croire qu’il avait besoin de leur aide dans le cadre de ses activités et qu’il ne pouvait installer ce matériel chez lui.
Mais ce n’est pas seulement le matériel servant à frauder les appels internationaux entrants qui a été trouvé chez Sergei Eledimov. Les policiers enquêteurs y ont trouvé des badges et emblèmes de l’Armée française et un galon de Commandant de la Marine française. Il y avait aussi trois badges de la Marine américaine et un autre du Service secret des Etats-Unis, des badges du Danemark et de l’Italie. Aussi, un galon d’agent de police sénégalais et de la police du Port autonome de Dakar a été trouvé chez l’ancien capitaine russe. En plus de sept (7) galons internationaux de Commandant d’avion et badge de la Marine internationale. Des casquettes des corps militaires et paramilitaires de plusieurs nations du monde entier. Quatorze au total. En plus d’autres uniformes militaires. Sergei Eledimov juge qu’il s’agit juste d’une collection.
Les deux Français nient avoir connu les intentions de leur ami militaire. Ils lui rendaient juste service. Cependant, le trio a été déféré hier au parquet. Ils ont fait l’objet de retour de parquet. Sûrement parce que ce dossier fera l’objet d’ouverture d’une information judiciaire.
Makhaly Ndiack Ndoye
(Source : L’Observateur, 29 octobre 2014)