L’Ecole sénégalaise, les technologies de l’information et de la communication et la société de l’information : quelles influences »
mardi 7 décembre 2004
Les TIC ont fait leur apparition hors du milieu éducatif. Toutefois, la question de leur utilisation dans le processus d’enseignement/apprentissage, et plus singulièrement dans l’apprentissage du savoir, notamment dans notre système éducatif s’est très vite posée.
En effet, les inventions technologiques mettent souvent beaucoup de temps pour s’intégrer dans le système éducatif. Rappelons, à cet égard, qu’il a fallu 500 ans pour que l’imprimerie soit utilisée à l’école alors qu’il ne s’est écoulé que 50 ans entre l’invention de l’ordinateur et son utilisation dans les écoles.
Au Sénégal, à l’instar des Sociétés modernes qui estiment que le développement passe aussi par l’éducation et la formation, l’on a compris que l’éducation de l’enfant par l’école est un enjeu majeur pour notre société, notamment dans les domaines sociologique, économique, culturel et technologique.
C’est pourquoi, une des missions du service public de notre éducation devra permettre l’adaptation et l’intégration de l’apprenant, notamment dans la société de l’information qui est en train de structurer progressivement nos modes de transmissions des savoirs. Les TIC sont au cœur de ce processus.
Car ce sont elles qui favoriseront l’adaptation des apprenants aux évolutions de la société.
Cependant, la question qui est posée et celle de savoir si l’utilisation des TIC dans notre système éducatif est de nature à remettre en cause une des missions essentielles de l’éducation qui est l’acquisition des valeurs fondatrices de notre société dans le respect des principes généraux de l’éducation, tels que définis dans le code de l’éducation.
L’aptitude à manier les TIC doit être considérée comme une compétence de premier ordre au même titre que l’aptitude à lire, écrire et compter. Donc, le rôle des TIC dans le processus d’enseignement /apprentissage est une question essentielle.
Car, elles peuvent élargir et enrichir l’apprentissage, ce qui constitue un moyen d’améliorer les relations entre l’élève et l’école. C’est fort de cette compréhension que le système éducatif sénégalais s’est employée ces dernières décennies à s’approprier des TIC, soit en matière expérimentale, soit en matière pilote. En tout état de cause, les portes de l’Ecole sénégalaise sont ouvertes à cette technologie de notre époque.
C’est pour prendre à bras le corps cette problématique de l’intégration des TIC dans le système éducatif, qu’il a été créé par le Ministère de l’Education Nationale, par arrêté du 13 mas 2003, la commission nationale pour l’intégration des technologies de l’Information et de la Communication à l’Ecole “COMNITECE”.
Cette commission conduit la réflexion sur les aspects pédagogiques et didactiques des apprentissages liés à l’utilisation de l’outil informatique à l’école.
Par ailleurs, le Sénégal occupe la première place après l’Afrique du Sud dans le développement, l’utilisation et la réflexion sur les TIC.
Il est donc claire que ce “début d’automatisation conduit à une plus grande évolution des comportements d’apprentissage, car l’enseignement par le multimédias, la formation à distance et la recherche à distance de l’information scientifique représentent des atouts énormes pour tous ceux qui cherchent à connaître toujours davantage” (cf BATIK) dans son article intitulé : “Sénégal légaliser les technologies numériques à l’école”.
Aujourd’hui avec l’irruption des TIC à l’école, tous les pays se posent la même question et le Sénégal ne fait pas exception ; celle de savoir si les TIC peuvent influencer les principes de l’éducation.
En effet, les TIC à l’école peuvent être considérées à la fois comme un objet d’apprentissage et comme un outil de tous les apprentissages.
C’est pourquoi, au Sénégal comme ailleurs, l’ont doit poser des questions ; que voici :
– L’utilisation des TIC est-elle compatible avec les principes généraux de l’éducation ?
– L’école est-elle adaptée à la société de l’information ?
– Quelles sont les compétences nécessaires que le citoyen de demain doit acquérir dès à présent ?
– L’utilisation de ces nouveaux outils induit-elle de nouvelles méthodes d’apprentissage ?
– Quelle est la place des techniques d’information et de la communication dans notre école aujourd’hui ?
En particulier, il nous faudra être plus regardant sur trois principes généraux de l’éducation avec les TIC à l’école et avec de la société de l’information :
– L’obligation scolaire, ou le droit à l’éducation tout simplement :
– La gratuité de l’enseignement public ;
– Les principes de laïcité et de liberté dans l’enseignement apportés aux élèves.
Avec l’utilisation des TIC dans le processus d’enseignement/ apprentissage, il y a sans doute une double exigence qui s’impose si l’ont veut que le principe de l’obligation scolaire soit respecté.
Il s’agit de faire en sorte que notre réglementation participe au renforcement du contrôle de l’obligation scolaire.
Et il ne faudrait pas que l’utilisation des TIC occulte le caractère présentiel de l’enseignement car l’enseignement scolaire doit être dispensé en établissement ; avec les TIC ce principe n’est plus évident.
Le principe de gratuité de l’enseignement public pourrait se voir évoluer avec les TIC, sachant que ce principe exige que les activités d’enseignement qui se déroulent à l’école sont à la charge de l’état.
C’est pourquoi, en dépit du coût financier élevé qu’entraînera l’utilisation des TIC à l’école, l’attachement aux valeurs républicaines oblige l’Etat à rester le promoteur de l’école.
Face au développement du marché du multimédia, devons-nous considérer l’éducation comme un service rendu et l’apprenant comme client ? La réponse est non, car l’école ne saurait être considérée comme un marché, les TIC ne doivent pas créer un marché du savoir au sein de l’école. La gratuité doit demeurer un principe absolu. Sur le principe de laïcité, retenons tout simplement que la république et la citoyenneté constituent le prétexte, la volonté et la nécessité du “vivre ensemble ” et la laïcité en constitue le ciment.
Sous ce rapport, la vigilance doit être de mise, notamment, de la part de l’Etat avec l’introduction des TIC au niveau du système éducatif pour préserver la laïcité.
Parce qu’elles doivent donc pouvoir être au cœur de la construction de l’identité et de la cohésion nationale, notamment par le biais de leur introduction dans le service public de l’éducation.
Les TIC tendent à devenir une des valeurs de notre époque, or l’école est le lieu par excellence de la transmission de ces valeurs.
Il y a donc lieu d’être anticipatif pour que l’école et les TIC permettent à notre pays de se tailler une place d’honneur dans la société de l’information.
En revanche, l’Etat et les professionnels de l’éducation et des TIC doivent répondre à cette double question : les TIC doivent-elle être une discipline scolaire qu’il faut enseigner de l’élémentaire au supérieur ou un simple support pédagogique ?
Répondre avec pertinence à cette double question nous aidera au mieux à intégrer les TIC dans notre système éducatif et nous positionner convenablement dans la Société de l’Information.
Seydou TOURE
Email seydou_toure@hotmail.com
(Source : Le soleil, 7 décembre 2004)