L’Association sénégalaise des utilisateurs des Tic (Asutic) recommande aux gouvernements africains de mettre fin au colonialisme numérique de Facebook, en interdisant le service Facebook Flex. Le plaidoyer a été fait à travers un communiqué transmis hier à ‘’EnQuête’’.
En Afrique, les usagers de Facebook sont estimés à 212 millions. C’est une opportunité commerciale que Facebook ‘’ne peut ignorer’’, selon l’Association sénégalaise des utilisateurs des Tic (Asutic) qui soutient que ce réseau social ‘’compte bien en profiter’’. ‘’Aussi, Facebook, en partenariat avec les opérateurs de téléphonie mobile du continent africain, a mis en service Facebook Flex, qui est une version gratuite de Facebook sans photos, vidéos ou liens externes. Ce que Facebook a décidé est ceci : permettre aux entreprises de téléphonie mobile utilisant les ressources rares de nos gouvernements de n’offrir que Facebook sans aucune autre option sur l’Internet ouvert, porteur d’opportunités de développement pour l’Afrique’’, lit-on dans un communiqué de l’Asutic reçu hier à ‘’EnQuête’’.
L’Asutic affirme que c’est cet Internet que Facebook met à la disposition des Africains qui peuvent se permettre un téléphone portable, mais pas une connexion Internet. ‘’Ce partenariat est dangereux. Il viole la neutralité du Net, l’égalité des chances, met en danger la liberté d’expression, la vie privée des utilisateurs et crée de nouvelles opportunités de censure répressive de l’État, mais surtout, il permet à Facebook d’espionner les données des clients des opérateurs de téléphonie mobile, car tout le trafic passe par ses serveurs’’, poursuit le document.
D’après la même source, Facebook construit, ainsi, ‘’un enclos numérique’’ dans lequel les Africains ‘’ne pourront accéder’’ qu’à un ensemble ‘’limité’’ de services que l’association sénégalaise juge ‘’inadaptés à leurs besoins’’. ‘’Un service intrinsèquement discriminatoire qu’on peut qualifier d’apartheid numérique de Facebook dans le continent africain. Contrairement à tous ceux qui ont la liberté sur Internet, étant en mesure d’accéder à un Internet ouvert ou tous les contenus, applications et services sont traités de manière égale, sans aucune discrimination, Facebook offre à nous, pauvres africains, une prison numérique’’, renchérit l’Asutic.
Dès lors, elle invite les populations africaines à se mobiliser aux côtés de leur gouvernement afin que cesse ‘’l’impérialisme numérique’’ de Facebook sur le continent africain. ‘’Notre détermination peut venir à bout de n’importe quel projet de milliardaire, fût-il Facebook. L’Asutic recommande aux gouvernements africains de mettre fin au colonialisme numérique de Facebook, en interdisant le service Facebook Flex, de garantir l’accès à un Internet ouvert et un traitement égal et non-discriminatoire du trafic par des outils réglementaires de protection de la neutralité du Net et d’encadrement des pratiques de gestion de trafic, de renforcer la transparence des offres’’, plaide-t-elle.
L’Association sénégalaise pour la défense de la cause des usagers des Tic milite aussi pour le développer des outils de diagnostic et de surveillance des réseaux sur le respect de la neutralité du Net par les fournisseurs d’accès à Internet. Et également pour la création d’un espace de signalement des manquements à la neutralité du Net.
Si l’Asutic adopte une telle position, c’est parce qu’elle pense que Facebook a principalement conçu ce service pour ‘’obtenir les données personnelles des pauvres de l’Afrique’’. ‘’Aussi, afin d’atteindre son objectif de contrôle et de domination numérique sur les populations démunies de l’Afrique, Facebook prétend que son objectif est plutôt de les aider. Si Facebook veut vraiment aider l’Afrique à sortir de la pauvreté, les préalables à l’accès à Internet sont l’accès à une éducation de qualité, aux soins de santé, à l’eau potable et à l’électricité’’, affirme-t-elle.
Pour l’Asutic, l’Afrique évoluera en un continent numériquement ‘’fracturé, incapable de se parler’’. Car les populations sont toutes sur des micro-réseaux ‘’compartimentés et déconnectés’’. D’ailleurs, l’association signale que l’enjeu social, politique et économique d’un écosystème numérique ‘’ouvert’’, est ‘’trop important’’ pour accepter sa transformation dans une collection de mini réseaux déconnectés.
Mariama Diémé
(Source : Enquête, 25 août 2020)