L’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp) est plus que jamais décidée à normaliser le secteur des télécommunications. Elle a infligé une sanction d’un peu moins de 14 milliards à la Sonatel pour manquements sur l’information des consommateurs. D’autres amendes de 8,9 milliards et 6,6 milliards ont été appliquées respectivement à Orange et Tigo pour fraude sur les liaisons FH.
La période où le secteur des télécommunications était hors du contrôle de l’Etat semble bien révolue. Après le bras de fer autour de la 4G, c’est le temps des constations de manquements ou fraudes suivis de sanctions. En effet, l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes vient d’infliger à la Sonatel une sanction de 13 milliards 959 millions représentant 3% de son chiffre d’affaires 2015 à verser au Trésor public. Son Directeur général Abdou Karim Sall l’a fait savoir hier à travers un point de presse dans les locaux de la structure. Cette sanction notifiée hier au concerné fait suite à une série de violations des obligations relatives à l’information des consommateurs.
Par ailleurs, le décret 2014-770 du 14 juin 2014 fait obligation à chaque opérateur de rendre gratuits pour ses clients les appels d’urgence et les appels téléphoniques à l’intérieur du territoire national qui concernent les demandes d’informations commerciales ou techniques. Cette mesure doit être effective à partir de la date de sa notification à la compagnie téléphonique. L’Artp assure que Sonatel a été informée par lettre numéro 2285 du 14 octobre 2014. Ce même décret interdit aux opérateurs ‘l’utilisation de tout système de filtrage de réception des appels vers le service client commercial ou technique’’.
Autrement dit, l’opérateur n’a pas le droit de diriger les consommateurs vers des serveurs vocaux. Les appels de ces derniers doivent être reçus directement au centre d’appel. Et pour cela, le Directeur général de l’Artp, Abdou Karim Sall, précise que la Sonatel devait augmenter ses effectifs pour répondre à cette exigence. Il s’y ajoute que ce service doit également être disponible 24h/24. Or, après contrôle, le gendarme des télécoms a constaté qu’Orange ne s’est acquittée à aucune de ces obligations. D’où cette sanction.
Mais avant que celle-ci ne soit prononcée, le patron de l’autorité précise que toute la procédure a été suivie. ‘’Voyant que Sonatel ne respectait pas le décret, l’Artp lui a adressé une lettre de mise en demeure n°2679 du 21 novembre 2014’’, souligne M. Sall. Face au statu quo, une autre a été envoyée le 28 juillet 2015. D’autres courriers allant dans le sens d’un rappel à l’ordre seront encore expédiés, sans qu’il y ait une suite favorable. ‘’De guerre lasse’’, l’Artp a mobilisé ses agents assermentés les 6 et 7 juillet 2015 pour mener plusieurs autres contrôles afin de s’assurer de l’application stricte des dispositions du décret. Ses agents seront suivis plus tard par Me Issa Mamadou Dia, huissier, qui, le 02 novembre 2015, a effectué le dernier contrôle en la matière.
‘’Après avoir analysé les conclusions du procès-verbal interpellatif dressé par Maître Dia, huissier de justice, l’Artp a adressé à la Sonatel le courrier (…) du 02 novembre 2015, portant notification de grief (…)’’. La direction générale de l’Autorité a, par la suite, transmis le dossier au Collège des délégués pour sanction. Mais avant de prendre une sanction, le Collège a d’abord écouté la Sonatel. ‘’L’opérateur a apporté des arguments par rapport à sa compréhension du décret qui était différente de celle de l’Artp’’, relève Abdou Karim Sall. C’est seulement après ‘’cette longue et laborieuse procédure’’ que la sanction est tombée.
Tigo aussi a triché
Outre cette affaire de manquement au décret de 2014, il y a eu d’autres sanctions cette fois relatives à de la fraude. Précisons d’abord que pendant longtemps, l’Artp, sans moyens, se contentait des déclarations des opérateurs pour faire ses facturations. Depuis plus d’une année maintenant, elle fait ses contrôles elle-même. Les premiers résultats indiquent ‘’une énorme différence entre ce que les opérateurs ont déclaré et ce que nous avons réellement trouvé sur le terrain en ce qui concerne les liaisons FH’’. En effet, avant l’installation de toute nouvelle station radioélectrique, les opérateurs doivent demander l’autorisation de l’Artp.
Ce qui n’est pas le cas souvent, puisque plusieurs sites existaient à l’insu de l’Autorité. La Sonatel à elle seule avait 435 sites non déclarés. Tigo aussi a triché. Une fraude qui ne se limite pas uniquement à l’installation. Il y a aussi les débits. Par exemple, il peut arriver que l’Artp facture sur la base d’un débit de niveau 10, alors que le débit a été augmenté entre-temps à 15. Ce qui devait nécessiter un réajustement. Pour toutes ces raisons, une facture de 8,9 milliards représentant les liaisons non facturées a été envoyée à la Sonatel. Tigo quant à lui doit régler une note de 6,6 milliards pour les mêmes raisons. Une pénalité de 10 millions par jour est prévue en cas de non-paiement après la date échue. Les contrôles auprès de Expresso qui sont en cours seront bouclés avant la fin du mois d’août, promet Abdou Karim Sall.
La Sonatel n’exclut pas de faire un recours
Quelques heures après la conférence de presse de l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes annonçant les sanctions infligées à l’opérateur de téléphonie mobile, Sonatel, ce dernier a sorti un communiqué pour apporter des précisions. Dans la note, la Sonatel rappelle "qu’elle a procédé à la mise en conformité progressive de l’ensemble des points soulevés par l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes depuis décembre 2014’’, c’est-à-dire 5 mois après avoir reçu la notification du gendarme des télécommunications. Elle précise toujours dans la source qu’elle a régulièrement tenu des réunions d’information avec l’ARTP ‘’durant toute la période de mise en conformité’’. Face à la détermination de l’ARTP de lui faire payer cette amende, la Sonatel informe qu’elle ‘’envisage de faire un recours hiérarchique à cette décision’’, car elle considère que seul le ‘’dialogue permettra de résoudre cette incompréhension’’.
Babacar Willane
(Source : L’Enquête, 15 juillet 2016)
Momar Ndao félicite et en redemande
Le président de l’Association des consommateurs du Sénégal (Ascosen), Momar Ndao, présent hier au point de presse du Directeur général de l’Artp, a exprimé toute sa satisfaction quant à la nouvelle posture de la structure de régulation. ‘’C’est une autorité qui vient d’exprimer rigueur et engagement. Ce qui a été fait nous rassure. Le rôle d’un gendarme est de réguler. Le travail que l’autorité est censée faire est en train d’être fait’’, se réjouit-il. Ainsi, il dit attendre l’Artp sur d’autres chantiers, notamment la détermination du nombre de minutes exactes que les opérateurs ont vendu aux consommateurs sénégalais.