Souvent cité en exemple pour la qualité de son réseau de télécommunications, pour certaines applications mises en œuvre et pour engagement dans la lutte contre la fracture numérique, le Sénégal est paradoxalement un des pays africains où le marché des télécommunications est le moins ouvert à la concurrence. Pourtant, depuis décembre 2003, l’Etat a clairement annoncé son intention de mettre fin au monopole garantit à la Sonatel sur la téléphonie fixe et internationale ainsi que le transport de données dans le cadre de la privatisation opérée en 1997. Or force est de constater que le processus d’ouverture du marché à la concurrence est pour le moins grippé. S’agissant de la téléphonie mobile, seuls deux opérateurs, Alizé et Tigo, sont en compétition ce qui a des incidences négatives sur les tarifs, la diversité de l’offre et la qualité de service. En matière de téléphonie fixe et internationale comme de transfert de données, la situation est pire puisqu’un monopole de facto a pris le relais du monopole de jure qui existait jusqu’alors. Annoncé en février 2005, le lancement de l’appel d’offre pour une licence globale de télécommunications (téléphonie fixe et mobile et Internet) a été reporté une première fois suite au limogeage du directeur de l’Agence de régulation des télécommunications (ART) en juin 2005. Lors de la session de Tunis du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) en novembre 2005, il a été procédé en grande pompe à la relance du processus mais depuis un silence de plomb est retombé sur cette opération qui devrait pourtant se faire au grand jour. Si l’on s’en tient aux propos tenus par les représentants de l’ARTP sur la nécessité de réformer le Code des télécommunications pour pouvoir enfin lancer cet appel d’offres on ne doit malheureusement pas s’attendre à ce que le marché sénégalais des communications s’ouvre rapidement à une large concurrence. Pourquoi de tels atermoiements alors que l’ouverture du marché est inscrite dans les textes depuis 1996 ? Comment peut-on raisonnablement expliquer que depuis dix ans le dispositif légal et réglementaire nécessaire n’ait pas été mis en place pour permettre l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché ? Question subsidiaire qui a intérêt à maintenir le monopole sur la téléphonie fixe et international ainsi que sur la fourniture de services de données dans un contexte de libéralisation de l’économie ? Sans attendre la réponse à ces questions essentielles, on peut affirmer sans ambages que cette situation va complètement à l’encontre des objectifs visés par la stratégie de croissance accélérée, notamment dans sa dimension TIC et téléservices. En effet, il ne saurait y avoir de développement conséquent du secteur des TIC et des téléservices sans la mise en place d’une concurrence large, saine, loyale et transparente entre l’ensemble des acteurs actuels et potentiels, nationaux comme étrangers. Il est donc grand temps de mettre fin à cette situation confuse et faire en sorte que le troisième opérateur de télécommunications ne soit pas synonyme d’arlésienne, cette chose dont tout le monde parle mais qui n’arrive jamais. Dans l’économie numérique qui se met en place à travers le monde, plus que dans tout autre processus, le temps perdu ne se rattrape pas et chaque jour qui passe hypothèque un peu plus les chances du Sénégal de se positionner sur un certain nombre de niches lui permettant de rejoindre rapidement le peloton des pays émergents.
Amadou Top
Président d’OSIRIS