L’Afrique, terre promise pour les opérateurs en quête de croissance
mercredi 24 février 2016
Les investissements des géants de la téléphonie qui se retrouvent cette semaine en Congrès à Barcelone convergent vers l’El Dorado africain, où croissance économique, manque d’infrastructures et jeunesse de la population ouvrent d’alléchantes perspectives, freinées cependant par le nombre insuffisant des smartphones.
Marchés locaux à la concurrence féroce - jusqu’à huit opérateurs dans certains pays -, difficultés de sécurisation des installations, revenus par abonné (ARPU) encore faibles et absence d’harmonisation des fréquences : à première vue, les obstacles sont nombreux pour les opérateurs tentés par l’aventure africaine.
« D’une manière générale, comme partout ailleurs, si vous êtes numéro un ou deux vous gagnez de l’argent, pour le troisième, c’est déjà plus difficile et au-delà ce n’est vraiment pas facile. Les coûts de déploiement d’un réseau sont les mêmes partout mais vous l’amortirez plus ou moins facilement selon votre part de marché », explique Victor Marçais, analyste au cabinet Kurt Salmond.
Derrière le Sud-Africain MTN, un numéro un bien campé sur ses positions regroupant plus de 200 millions de clients en Afrique et au Moyen-Orient, une demi-douzaine d’opérateurs mondiaux, parmi lesquels le Britannique Vodafone, le Français Orange ou encore l’Emirati Etisalat et l’Indien Bharti Airtel, luttent pour avoir une part du gâteau africain.
Le chiffre d’affaires global du marché devrait croître de 15,5 milliards d’euros d’ici à 2019 et alors passer au-dessus de la barre des 110 milliards d’euros (111 milliards), contre 95,5 milliards en 2014, selon le Digiworld Yearbook Africa de l’Institut de conseil Idate.
« MTN n’a pas besoin de batailler, disposant là où il est implanté d’importantes parts de marché, qu’il tente encore de renforcer. Derrière, le plus offensif est Orange, qui a une stratégie sur cinq ans visant à faire de l’Afrique une de ses principales régions », explique Amy Cameron, analyste auprès de BMI Research.
L’opérateur français ne cache pas ses ambitions. Sur un continent où près d’un Africain sur deux n’a pas de téléphone portable malgré un parc de cartes SIM atteignant 1,2 milliard pour 1,4 milliard d’habitants, et des consommateurs cumulant plusieurs lignes, les opportunités sont considérables.
Banque, première brique de la diversification
Au moment de la présentation des résultats du groupe, mi-février, son PDG Stéphane Richard avait rappelé que l’Afrique était « un territoire de croissance (...) C’est pour cela que nous sommes heureux d’y être et que nous continuons à y grandir en faisant des acquisitions ciblées ».
A l’occasion du Congrès mondial de la téléphonie mobile (MWC) de Barcelone, Orange a ainsi présenté une offre d’abonnement à 40 dollars par mois pour smartphone avec forfait voix, SMS et données à destination des marchés africains, une manière d’amener les consommateurs vers les abonnements, plus rémunérateurs que les cartes pré-payées, et les services, en particulier bancaires, principal axe de création de valeur pour les opérateurs.
Le Français est clairement le plus acharné sur le continent, profitant notamment des difficultés de son concurrent indien, Bharti Airtel, auquel il a acheté plusieurs filiales, au Liberia, en Sierra Leone ou au Burkina Faso.
« Bharti a fait baisser les prix en Afrique, avec une stratégie lowcost. Mais il est en difficulté depuis qu’ils a acheté des filiales du Soudanais Zain, très endettées (...) Ses activités sont très rentables en Inde et il semble en avoir assez de payer pour l’Afrique », explique Sophie Lubrano consultante à l’Idate spécialiste de l’Afrique et du Moyen-Orient.
Pour tous, la stratégie consiste à développer des services créateurs de valeur compensant ainsi le faible revenu par abonné, et à fidéliser des clients habitués au pré-payé.
« La banque et le paiement sont un élément fondamental, surtout à moyen terme, car les opérateurs sont en train de bancariser la population africaine. C’est en soit une petite révolution pour ces pays. Au Sénégal par exemple, sur 14 millions d’habitants, vous n’avez que 200.000 comptes bancaires ouverts », relève Victor Marçais.
L’arrivée de la 4G permettra la fourniture de nouveaux services et une plus grande concentration du secteur. « Beaucoup d’opérateurs locaux n’auront pas les moyens de payer une licence 4G dans les prochaines années. Les petits, incapables de réaliser des bénéfices et les investissements nécessaires dans le réseau et les services, disparaîtront, ce n’est qu’une question de temps », conclut Amy Cameron.
(Source : Tendances, 24 février 2016)