L’Afrique doit participer à la gestion des ressources d’Internet. entretien avec Malick Ndiaye, Ingénieur en informatique, intelligence artificielle et robotique, Ingénieur en informatique, intelligence artificielle et robotique, Dakar (Sénégal)
samedi 29 août 1998
L’un des débats qui animent l’actualité autour d’Internet au cours de ces derniers mois est la mise en place de la nouvelle structure chargée de gérer les
noms de domaine et les adresses IP dans l’intérêt de tous les acteurs de l’Internet.
Tout ordinateur du réseau Internet possède une adresse unique. Ces adresses sont gérées au niveau international. Chaque adresse est écrite sous
forme de 4 nombres allant de 0 à 255 séparés par un point. Exemple : 206.155.163.211.
Devant la difficulté de retenir de tels nombres, il existe un mécanisme de conversion qui permet de transformer le nombre en un nom logique. Exemple :
primature.sn, correspondant à l’adresse 207.50.228.162. Ce programme est appelé Domaine Name Server (DNS).
Il existe plus de 190 domaines nationaux, un domaine pour les organisations internationales (.int), et six domaines dits « génériques » pour désigner
l’activité de son propriétaire plutôt que sa localisation géographique :
.com pour les sites commerciaux,
.org pour les organisations à but non lucratif,
.net pour les organisations liées à Internet,
Les trois derniers (.edu, .gov, et .mil) sont réservés à des sites américains éducatifs, gouvernementaux, et militaires.
La société Network Solution Inc (NSI), par un contrat qui le lie au gouvernement américain, détient le monopole de la gestion de l’enregistrement de ces
noms de domaine, ce qui lui permet d’encaisser un pactole pour le nombre de transactions que cela représente. Ce contrat arrive à terme au printemps
1998, et une lutte acharnée s’est engagée entre le gouvernement américain et les Occidentaux sur le choix de la prochaine structure chargée de gérer
les noms de domaines et les adresses IP.
Après plusieurs mois de polémique, le gouvernement américain a décidé de se décharger tout simplement du problème et se déclare prêt à remettre
son autorité sur l’attribution des noms de domaines à un organisme privé international que la communauté des internautes doit mettre en place. Cette
structure dénommée IANA (Internet Assigned Numbers Authority) aura en charge, la gestion des adresses IP et des noms de domaines.
La rencontre annuelle de l’Internet Society organisée cette année à Genève a d’ailleurs permis de débattre sur les attributions et la composition de cette
nouvelle structure qui devra être mise en place dès septembre 1998
Elle se chargera d’allouer au plus haut niveau les blocs d’adresses IP à des organismes régionaux d’enregistrement en vue d’une redistribution aux
organismes locaux d’enregistrement et aux fournisseurs d’accès
Chaque organisme régional en question s’occupe d’un continent sauf pour l’Afrique qui dépend tantôt de RIPE NCC (Réseaux IP Européens Network
Coordination Centre) qui couvre l’Europe, l’Afrique du Nord et le la région du milieu Est, tantôt d’ARIN (American Registry for Internet Number) qui couvre
l’Amérique du Nord et du Sud, l’Afrique sub-saharienne et la région des Caraïbes.
Concrètement, les adresses destinées à l’Afrique ne sont pas gérées par des Africains mais par des structures extérieures à qui elles ont été cédées
gratuitement par l’ IANA.
La conférence mondiale d’Internet Society a permis aux Africains présents et particulièrement à la délégation sénégalaise, d’impulser la création d’une
structure africaine non-gouvernementale chargée de gérer l’attribution des adresses IP en Afrique. Cette initiative, adoptée par tous les représentants, a
été suivie par l’installation d’un comité de pilotage composé d’un représentant de chaque région en tenant compte des différentes langues. Notre
compatriote Tidjane Seck de l’UCAD a été désigné comme l’un des deux coordinateurs du comité.
A l’heure de la mise en place d’une nouvelle structure qui va gérer l’une des ressources les plus convoitées à la veille du troisième millénaire, l’Afrique
doit prendre sa place et se faire représenter pour la défense de ses intérêts.
Cette absence de notre continent dans les grandes organisations de gestion des ressources d’Internet se traduit aussi dans nos pays par un manque de
stratégie cohérente face au développement d’Internet.
La participation de tous les acteurs confondus est à la base de l’évolution rapide du réseau et de ses services, d’un coté, les professionnels du métier de
l’informatique et des télécommunications, et de l’autre les utilisateurs impulsent chacun à sa manière le développement d’Internet.
Il est important aujourd’hui que dans nos pays, les utilisateurs se regroupent en association pour veiller au respect de leur droit face aux fournisseurs
d’accès, les structures de gestion des noms de domaine et exiger d’être informés sur l’état du réseau, les tarifs appliqués et les services disponibles. Il
est encore plus urgent que tous les acteurs se mobilisent pour créer des structures affiliées aux organisations internationales telles que Internet Society
et de participer aux réflexions organisées par les structures de normalisation et de gestion des ressources d’Internet.
Cette participation est d’autant plus facilitée par l’existence de groupes de travail virtuels et des forums de discussions sur Internet.
L’exemple de la création de cette nouvelle IANA qui s’est basée sur des discussions consensuelles à partir d’un site WEB mis en place montre une fois
de plus les possibilités qu’offre Internet dans la lutte contre l’isolement.
(Le Soleil 29 août 1998)