Dans quelques semaines débutera l’installation d’un câble à fibre optique qui permettra de raccorder le continent au reste de la Toile mondiale. Objectif : faire baisser le coût des connexions Internet dans une des régions les plus pauvres du monde.
Ce sont les artères de notre monde moderne. S’étendant sur des milliers de kilomètres au fond des océans, les câbles sous-marins intercontinentaux tissent leur toile pour permettre l’accès à l’Internet haut débit et à des liaisons téléphoniques longue distance à bon marché dans toutes les régions du monde. Toutes sauf une.
L’Afrique de l’Est reste la seule grande région côtière habitée n’étant pas reliée au réseau mondial de fibre optique. N’ayant accès qu’à des connexions satellites coûteuses, les habitants du continent le plus pauvre de la planète paient l’un des prix les plus élevés pour surfer sur Internet ou téléphoner. Le coût des connexions des universités locales est jusqu’à cinquante fois plus élevé que pour leurs homologues américaines, une situation qui rend les recherches sur Internet particulièrement lentes, voire impossibles. « Imaginez que tous les étudiants d’Oxford essaient de se connecter depuis une seule connexion domestique », explique Calestous Juma, professeur kenyan responsable du projet Science, Technologie et Mondialisation à Harvard. « C’est comme ça pour presque tous les étudiants africains. »
Mais tout cela pourrait bientôt changer avec l’installation de la dernière pièce du réseau mondial de fibre optique. En octobre prochain, les premiers des 17 000 kilomètres du câble sous-marin devant relier l’Afrique de l’Est au réseau mondial seront déroulés au fond de l’océan Indien.
Le câble Seacom, dont le coût de 400 millions d’euros sera essentiellement financé par des investisseurs africains, partira d’Afrique du Sud en direction du nord, et fera escale au Mozambique, à Madagascar, en Tanzanie et au Kenya avant de se diviser en deux pour rejoindre le réseau international en France et en Inde. Prévu pour être opérationnel en 2009, ce câble sera suivi de deux autres, dont l’ambitieux EASSy (Eastern Africa Submarine Cable System), qui devrait relier vingt et un pays d’Afrique de l’Est entre eux et au reste du monde.
Une révolution éducative
En matière de connexion, ce sont les infrastructures physiques, plutôt que les technologies satellites qui offrent des moyens de communication rapides et bon marché. Les câbles intercontinentaux de fibre optique, qui utilisent l’énergie solaire pour la transmission de données, représentent plus de 95 % du trafic téléphonique et Internet mondial. Bon nombre des réseaux sous-marins existants ont vu le jour pendant l’essor des télécommunications, à la fin des années 1990, mais une deuxième génération de réseaux de câbles est à présent en chantier, avec près de 4,4 milliards d’euros investis dans de nouveaux projets prévus pour être achevés d’ici à 2010.
C’est en Afrique de l’Est que ces câbles sont attendus avec le plus d’impatience. Au Kenya, une connexion lente et généralement instable avec le principal opérateur de télécommunications du pays coûte 95 euros par mois. Dans les pays voisins, non côtiers, les prix peuvent atteindre le double. Selon l’International Financial Corporation, qui participe avec vingt-cinq autres compagnies téléphoniques régionales au financement de l’EASSy, estimé à 215 millions d’euros, la seule installation de ce câble pourrait réduire de deux tiers le prix d’une connexion Internet en Afrique orientale et multiplier par trois le nombre d’utilisateurs.
L’EASSy devrait entrer en service au début de l’année 2010, juste avant la Coupe du monde de football. L’Afrique du Sud, pays hôte de l’événement, est connectée à l’unique câble sous-marin reliant la côte africaine occidentale à l’Europe, mais sa capacité est insuffisante pour répondre aux besoins anticipés en matière de diffusion et de connexion Internet.
Selon Juma, les conséquences d’un accès à Internet rapide et bon marché dans la région pourraient être « phénoménales » pour le commerce. Mais les principaux bénéfices sont attendus dans l’éducation, notamment si les écoles et les universités obtiennent des connexions subventionnées. Au lieu de dépenser leur argent dans la construction de bibliothèques ou dans l’achat de manuels scolaires, avec Internet les écoles et les étudiants pourraient avoir accès aux mêmes informations gratuitement.
Xan Rice
The Guardian
(Source : Courrier international, 19 aout 2008)