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"L’ARTP ne fait pas son travail"

dimanche 3 juillet 2011

On peut dire sans risque de se tromper que depuis 2009, la Régulation du secteur des Télécoms/TIC est en déphasage par rapport aux enjeux de développement des Télécoms. En effet, l’ARTP, engluée dans une série de scandales à n’en pas finir, est passée à côté de sa mission principale. Au lieu de veiller à ce que la concurrence soit effective au bénéfice des consommateurs, elle prend des mesures qui déroutent plus d’un.

Le scandale de Global Voice n’est rien d’autre que la preuve d’un amateurisme et d’un pilotage à vue. Pour un observateur averti, il n’y a rien qui justifie la précipitation dans laquelle l’ARTP a voulu faire passer ce projet. Le coup de force de l’ARTP n’était en réalité motivé que par les aspects financiers et pécuniaires, que d’aucuns ont soupçonnés à juste titre. Pour ce que Global Voice allait faire, les techniciens de l’ARTP peuvent le faire. Il suffit juste d’acquérir les équipements et de former des ressources humaines capables d’effectuer le travail de contrôle et de mesure du trafic international entrant.

Par ailleurs, depuis sa création, l’ARTP n’a pas réussi à asseoir une régulation efficace de la concurrence. En effet, la SONATEL, qui a encore des velléités d’opérateur monopolistique, s’accroche jalousement à son cahier des charges, qui est aujourd’hui obsolète, dépassé, inadapté à l’environnement actuel et qui empêche toute ouverture réelle du secteur à la concurrence. La faiblesse de l’ARTP et son échec sur ce dossier est patent. Par ailleurs, la SONATEL qui se targue d’avoir un chiffre d’affaires (CA) en croissance depuis au moins 5 ans, n’a aucune politique dynamique de recrutement. La RSE, derrière laquelle elle se cache ne peut justifier les milliards qu’elle engrange, et dont pratiquement rien n’est réinvesti dans le secteur, que cela soit en termes de renouvellement des infrastructures, ou de recrutement.

Des milliers de jeunes ingénieurs, sortent chaque années de l’Ecole Supérieure Multinationale des Télécommunications (ESMT), et très peu trouve un emploi chez les opérateurs. TIGO a cessé de recruter et a organisé sa faillite en réponse au contentieux qui l’oppose depuis des années à l’Etat du Sénégal. Aujourd’hui, pratiquement, dans cette entreprise, si les cartes de recharge ne sont pas vendues mensuellement, les salaires ne sont pas payés. Certes, c’est une des meilleures entreprises en termes d’innovation des produits, mais aucune politique sociale digne de ce nom n’est appliquée au sein de cette entreprise. Les employés n’ont presque pas de droit, ils travaillent comme des forçats, et leur DG se sent très peu impliqué quant au développement du secteur. Et pourtant, bon an, mal an, il engrange des milliards de bénéfices sur le dos des pauvres Sénégalais.

Expresso, depuis son arrivée, est passée à côté de la réalité du marché sénégalais. En effet, elle a eu une mauvaise politique de marketing au début de son lancement, en vendant un pack téléphone et puce comprise à 15.000 FCFA, et en utilisant une technologie fermée (CDMA). Par ailleurs, l’Etat est en train de se jouer d’elle en ne respectant pas son engagement de ne pas lancer une autre licence dans les 5 ans à venir. Depuis quelques temps, on entend partout que le dossier d’appel d’offres est dans les starting-blocks de l’Etat et que le processus va démarrer au mois de septembre. Quel Etat sommes-nous ? Si nous ne respectons plus notre parole et nos engagements ? Quel investisseur va risquer de se lancer sur un marché où l’Etat ne respecte pas ses engagements ? A moins que ce ne soit un investisseur aventurier dont l’origine des fonds est douteuse. En plus, qu’elle est la vision de l’Etat sur ce secteur ? Elle ressemble à un pilotage à vue, comme dans beaucoup d’autres secteurs d’ailleurs. Quel dommage et quelle perte pour notre pays, car comment lancer une licence alors qu’on n’a même pas de lettre de politique sectorielle qui renseigne de la vision et de les objectifs majeurs de l’Etat sur le secteur. Que fait le Ministère ? Le Ministre, il parle bien... pour ne rien dire... bref du vent quoi... Ses conseillers, quant à eux, ils sont déconnectés depuis longtemps, préoccupés par leur rente mensuelle... c’est la course à la survie..., la DQ attend et il faut faire face.

L’ARTP elle, dort sur les dossiers importants, tels que dégroupage de la boucle locale, essentielle pour le développement d’Internet dans notre pays. Car le dégroupage va engendrer une concurrence dans les fournisseurs de services à Internet. Mais au fait, entre 2004 et 2007, il y avait au moins une dizaine de Fournisseurs d’Accès à Internet au Sénégal ; aujourd’hui, il n’en existe plus qu’un (1). Pourquoi ? Eh bien la réponse est simple : SONATEL les a tous tué, comme elle a d’ailleurs tué les télés centres - avec son SEDDO et le IZI de TIGO - et comme un ogre, elle a mangé ses enfants au détriment du secteur, avec comme conséquence des milliers d’emplois perdus. Et qu’a fait l’ARTP, rien sinon qu’elle n’a pas vu venir le drame ? Bref, un Régulateur qui a besoin d’être régulé, car elle passe son temps à financer des activités hors du champ de sa compétence et de sa mission... Les scandales en la matière sont légion... financement de la lutte,

Et le Service Universel Téléphonique et le Fonds crée à cet effet. Qu’en est-il ? Après avoir payé une étude commandité pour plus de 2 milliards auprès de McKinsey - tiens c’est bizarre, c’est le même cabinet qui vient de faire la pseudo étude sur la crise de l’Energie au Sénégal - la stratégie, qui était retenue, n’a jamais été mise en œuvre. Au contraire, un projet pilote est lancé à Matam et avant son démarrage, il a été plombé car la SONATEL s’est dépêchée de couvrir toute la zone en réseau... C’est à mourir de rire... En 2010, cette phase-pilote enfin a été lancée en grande pompe par le DG de l’ARTP et le Ministre des Télécoms. Et depuis, que s’est-t-il passé ? Rien, sinon que pendant une journée ça a été la bamboula à Matam, avec discours dithyrambiques et laudateurs à la gloire du maitre des céans...

En somme, il est urgent de prendre le taureau par les cornes, de s’attaquer aux véritables questions de développement et de régulation, d’avoir une vision stratégique, des objectifs et d’évaluer le travail du régulateur sur des objectifs précis. A défaut, ce sera toujours scandale sur scandale... et la récréation risque de durer encore longtemps.

Mamadou Diop
Consultant en TIC

(Source : Réussir business, 3 juillet 2011)

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