L’ART déjà fragilisée...
samedi 31 mai 2003
Créée par l’article 42 de la loi n° 2001-15 du 27 décembre 2001 portant Code des Télécommunications, l’Agence de régulation des télécommunications (ART) qui commençait à devenir réellement opérationnelle après la signature du décret n° 2003-63 du 17 février 2003 fixant ses règles d’organisation et de fonctionnement et la nomination le 17 avril 2003 des membres du Conseil de la régulation, vient d’être sérieusement fragilisée par le remplacement inopiné de son Directeur général. Certes, cette décision est tout à fait légale puisque au vu de l’article 48 de la Loi n° 2001-15 du 27 décembre 2001 portant Code des Télécommunications, il est simplement mentionné que le Directeur général est nommé par décret contrairement à ce qui se fait en France ou les membres du collège de l’ART sont désignés pour un mandat de six ans de manière irrévocable et non reconductible. Cette décision pour le moins surprenante fragilise cette institution destinée à jouer un rôle central dans le paysage sénégalais des télécommunications puisque l’Etat s’est engagé, dans le cadre de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), à mettre fin au monopole dans les domaines de la téléphonie vocale, nationale et internationale, de la transmissions de données, le télex, la télécopie, les services de liaisons spécialisées privées et les services fixes par satellite entre 2003 et 2006. Pire, les contentieux qui opposent déjà régulièrement la Sonatel avec les fournisseurs d’accès Internet, l’opérateur de téléphonie mobile, les gérants de télécentres, les opérateurs de terminaison d’appels, les consommateurs, etc., font qu’il est indispensable que le Sénégal dispose d’un organe de régulation en mesure d’exercer ses prérogatives dans l’indépendance, la transparence et l’impartialité les plus totales. Or, la valse des responsables à la tête d’un organe aussi important que l’Agence de régulation des télécommunications et le fait de nommer à la tête de l’ART, comme au sein du Conseil de la régulation, des personnes dont la durée du mandat n’est pas fixée et qui peuvent être révoquées du jour au lendemain sur une simple décision du Président de la République ne contribuent guère à apaiser les craintes de ceux qui ont décidé d’investir dans ce secteur prometteur. En effet, les conditions et les rumeurs qui entourent le remplacement de Mactar Seck par Malick Guèye à la tête de l’ART font craindre à beaucoup une volonté d’instrumentalisation de l’organe régulateur qui augure mal du climat de transparence qui devrait normalement prévaloir tant pour l’attribution des licences, autorisations et autres agréments que pour l’instauration d’une concurrence saine et loyale sur le marché des services de télécommunications. Déclarer urbi et orbi que la clé du développement réside dans l’investissement privé est une chose mais être en mesure de mettre en place les mécanismes capables de sécuriser les investisseurs potentiels et d’instaurer un climat de confiance en est une autre. Espérons simplement que cette nouvelle affaire ne sera pas un élément de plus qui viendra renforcer le mur d’obstacles qui entrave depuis des années le développement du secteur malgré l’existence d’une infrastructure adéquate, de promoteurs ambitieux et de projets innovants.
Amadou Top
Président d’OSIRIS