L’entrée du géant américain des technologies Facebook sur le marché de l’Internet kényan a provoqué une guerre des prix sans précédent entre les compagnies.
Quand le patron de Facebook, Marc Zuckerberg, s’est rendu compte de l’énorme potentiel qu’offrait l’Afrique (la population devrait doubler d’ici à 2050, passant de 1,2 à 2,4 milliards d’habitants, selon les Nations unies), il s’est bien entendu lancé sans plus attendre à l’assaut de ces marchés. À la clé : un milliard de clients potentiels. La sixième fortune mondiale (44,6 milliards de dollars, selon le magazine Forbes) affichait clairement sa préférence pour le Nigeria et le Kenya, n’hésitant pas à se montrer auprès des dirigeants de ces deux pays. Selon Facebook, le Nigeria et le Kenya sont les deux pays qui comptent le plus grand nombre d’abonnés en Afrique subsaharienne. Au Nigeria, 16 millions de personnes sont connectées au réseau social tous les mois.
Facebook à la conquête du low-cost
Photos à l’appui. Contrôlant son image d’une main de maître, le fondateur de Facebook a posté des photos de son voyage sur le continent africain sur sa page, rassemblant plus de 80 millions d’abonnés. Déclarant en juin dernier être « satisfait de ses rencontres avec les jeunes entrepreneurs du continent » et « impressionné par les talents » et « l’énergie » à Lagos, la ville la plus peuplée du continent. Il compte y développer son service Free Basics ou Internet.org. L’idée de ce service est de fournir Internet gratuitement aux plus démunis.
Il y a tout juste un mois, la compagnie américaine a donc introduit son Internet low cost au Kenya. D’après l’autorité kényane des communications, en septembre dernier, Internet comptait 27 millions d’abonnés et le pays avait 38 millions d’utilisateurs, la pénétration d’Internet au Kenya représentant ainsi 85,3 %. Conséquence : la concurrence déjà féroce a atteint un niveau jamais vu. Comment cela s’est-il passé ? À la suite d’un partenariat avec une compagnie locale, Facebook a introduit ses paquets de données Express Wifi, qui coûtent 0,10 dollar pour 40 Mb, 0,20 dollar pour 100 Mb, 0,50 dollar pour 300 Mb, 2 dollars pour 25 Gb et 5 dollars pour 3 Gb.
Bien que ce service ne soit disponible que dans quelques banlieues de Nairobi et ses environs, l’offre de Facebook a déclenché une guerre de prix féroce sur le marché kényan, faisant chuter le prix de l’Internet. En effet, sur le terrain, les recettes issues des services de transmission de la voix ont atteint un seuil critique et le marché du mobile-money reste entre les mains du principal groupe du pays : Safaricom. Les données sont désormais la nouvelle frontière pour accroître les recettes. Près de 75 % de la population subsaharienne ne dispose d’aucune connexion, selon l’Union internationale des télécommunications (UIT), soit un potentiel de près de 800 millions d’utilisateurs.
L’Afrique, dernière frontière pour les données
Mais Facebook n’en est pas à son premier coup d’essai sur le terrain du low-cost. Déjà contesté en Inde, sous la pression des populations et d’une partie des géants des télécommunications, sur le principe que Free Basics, le service de Facebook ne respectait pas l’essence même de la Toile puisqu’il ne proposait qu’une version réduite de l’Internet et une version plutôt orientée, selon les associations de défenseurs des droits individuels. Eh bien, pour ce type d’accusation, Marc Zuckerberg a une ligne de défense et un discours tout prêt : « Dans toutes les sociétés, il existe des services de base si importants pour les gens que l’on peut y accéder gratuitement. Nous avons accès à certains ouvrages fondamentaux : on appelle cela des bibliothèques. Vous n’y trouvez pas tous les livres, mais un bon nombre d’entre eux », assène-t-il. Sauf que, selon les spécialistes, se pose le problème de la confidentialité des données des usagers, mais encore faut-il connaître les partenaires avec lesquels Facebook va partager ces informations. C’est ce qui inquiète au Kenya, où l’État ne s’est pas encore exprimé sur la question. Car, évidemment, cela interroge aussi sur le rôle de l’État et la régularisation de l’économie digitale.
Jante Akinyové
(Source : Le Point Afrique, 9 mars 2017)