A première vue, on dirait une étudiante à peine sortie de l’université, avec ses cheveux tout courts, blonds comme les blés, qui rappellent ses ascendances hollandaises. Et puis, quand on parle avec elle, qu’on apprend à mieux la connaître, on la sent décidée, mûre, ayant déjà pas mal bourlingué, travaillé, appris.
C’est d’une partie de cette expérience personnelle que parle Karen Dermineur (comme elle l’a déjà fait en France, en Colombie, aux Etats-Unis...) : le parcours professionnel qu’elle a accompli, depuis une dizaine d’années, au sein du collectif d’art numérique incident.net.
Karen connaît, sur le bout des ongles, l’art en général et toutes ses nouvelles formes, autres technologies et aspects les plus pointus.
D’une part la création artistique a trouvé avec le Net un nouveau créneau, la possibilité d’être diffusée à travers le monde, sans limitations géographiques, financières ou quelles qu’elles soient.
D’autre part, depuis 1993, s’est développée une (des ?) nouvelle(s) forme(s) d’art, des œuvres ont vu le jour, spécifiques au réseau, permettant une intervention totalement nouvelle du spectateur, grâce à l’interactivité et à la notion de participation. Outre la question de la diffusion de toutes formes d’art via le réseau Internet, il s’agit de présenter la spécificité des œuvres ayant marqué depuis 1993 la création contemporaine sur le Net.
En quoi le réseau offre-t-il aux artistes des nouveaux médias d’autres formes de narration, dans lesquelles l’interactivité, la participation active des internautes et la mémorisation de celles-ci jouent un rôle prépondérant ?
Karen Dermineur explique les mécanismes de créer et de diffuser des œuvres d’art sur Internet : outils techniques simples (logiciels, etc.) et formations à ces outils. Elle détaille aussi des programmes de développement mis en place par des institutions comme l’Unesco, grâce auxquels peut émerger une nouvelle génération d’artistes africains au sein de ces nouveaux médias.
Enfin, Karen propose aux néophytes de suivre un cycle de 10 ateliers pratiques autour de cette question de création en ligne, ponctués par des exemples précis d’œuvres sur Internet et d’exercices pratiques à réaliser en ligne. Ce afin de se familiariser avec les techniques, les buts et les possibilités, loin d’avoir à ce jour tous été découverts, qu’offre ce nouveau médias.
Ainsi, Karen Dermineur guide dans cette espèce de vaste monde, encore nouveau voire inconnu pour beaucoup, cet univers cybernétique de blogs et de sites, de netart et de réseaux, autant de concepts, de termes, à la fois fascinants et mystérieux, paraissant très abstraits, mais existant pourtant bel et bien, depuis des années, et ayant de plus en plus d’adeptes, certains, actifs, créatifs, d’autres qui regardent, écoutent, interagissent, tchattent, échangent, entrant volontairement, plus ou moins par hasard au début, dans ces mondes hors du monde et pourtant bien ancrés dans la réalité, à la fois virtuels et concrets.
Karen Dermineur vogue à travers des thèmes aussi classiques que le nu, le drapé ou le paysage dans l’art, mais revus et corrigés par cette nouvelle forme et approche de l’art permise, créée par le Net.
Ce netart ou art du réseau, serait-on tenté de demander, est-il viable, rémunérateur, et comment ?
Certaines œuvres sont exposées dans des festivals, des galeries, etc. Elles sont sorties du réseau et de l’intimité pour être vécues en public, de manière différente (dispositifs interactifs, projections, spatialisation), ce qui ne les empêche pas de conserver leur caractère propre : l’appartenance à ce réseau de machines connectées et interdépendantes, l’interactivité ou la participation de l’internaute, la mémorisation des traces de ces participations (notion de temporalité).
Il existe un marché, naissant et encore relativement limité, du Netart, des œuvres ont été achetées, mais la question est plus complexe que ça, l’art ayant toujours été, par définition, à contre-courant. Par contre, il existe de nombreux produits dérivés : impressions sur papier, tee-shirts, etc. à partir d’œuvres présentées sur le Net.
L. GAVRON
(Source : Le Quotidien, 25 mars 2006)