Kabirou Mbodj risque 6 mois ferme et 75 milliards F CFA de dommages et intérêts
jeudi 12 août 2021
Deux ans d’emprisonnement dont six mois ferme. C’est la peine qu’encourt Kabirou Mbodj, pour abus de biens sociaux. Le procès qui oppose le directeur général de Wari à ses anciens collaborateurs, s’est poursuivi, hier, à la barre de la Chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Dakar. Les parties civiles Malick Fall, Cheikh Tagué et Seyni Camara réclament, en guise de dédommagement, 75 milliards de francs CFA.
Le procès opposant Kabirou Mbodj à ses ex-associés Malick Fall, Seyni Camara et Cheikh Tagué, a été évoquée, hier, à la barre de la Chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Dakar. Le directeur général de Wari, qui a bénéficié d’un non-lieu pour le délit d’augmentation de capitaux, a été renvoyé devant cette juridiction pour répondre du chef d’abus de confiance.
Selon ses anciens collaborateurs, le montant du préjudice s’élève à 22 milliards de francs CFA. Il est réparti comme suit : 16 milliards de francs CFA pour Wari et 6 milliards de francs CFA pour Interactive.
Evoquée le 11 mai dernier, l’affaire avait été renvoyée pour étudier les rapports que le juge a empruntés au témoin Louis Gérald Gari. Documents que ce dernier, Commissaire aux comptes, avait hésité à remettre au magistrat qui a dû lui promettre qu’il les récupérerait dans un bref délai.
En outre, le commissaire aux comptes est accusé par les parties civiles d’être de mèche avec le patron de Wari. Selon les plaignants, Gérald Gari, après avoir effectué le contrôle, a refusé de leur remettre les rapports. ‘’Cela fait 10 ans qu’on court derrière ces documents. Le commissaire aux comptes était resté introuvable’’, s’était désolé Seyni Camara, lors de l’audience du 11 mai dernier.
Pour sa défense, le commissaire aux comptes avait déclaré à l’audience qu’il n’avait pas répondu à l’interpellation des plaignants, car, disait-il, ils lui indiquaient ce qu’il devait faire. ‘’J’ai noté des incertitudes que j’ai mises dans mon rapport d’opinion. Les incertitudes concernent le transfert de fonds vers d’autres filiales’’, avait-il soutenu.
Hier, il a précisé à la barre qu’il n’a décelé aucun détournement. Malick Fall de revenir à la charge pour dire : ‘’Nous avons porté plainte contre lui depuis 2018, mais l’ordre des experts a mis le coude sur le dossier. Nous avons constaté qu’il n’y a pas de document à partir de 2016, car sa mission a pris fin en 2015 dans le rapport. C’est de la complicité active, ce que le commissaire a fait. Il n’a pas réagi, lors des transferts de fonds. Il devait alerter.’’
Pour démontrer sa bonne foi, le témoin dit avoir alerté le gérant. Désigné par le commissaire aux comptes comme ayant validé certains mouvements, Cheikh Tagué soutient qu’il ne valide pas certaines dépenses.
Maitre Serigne Babacar Kamara, qui voulait prendre la parole dès l’ouverture de l’audience, a vu sa demande rejetée par le juge, car son client ne s’est pas présenté à l’audience. Durant les débats, Me Seydou Diagne, qui a remarqué qu’il soufflait des réponses au témoin, l’a invité à arrêter ses agissements. ‘’Arrêtez de souffler des réponses au témoin qui est votre employeur’’, a lancé la robe noire.
‘’Ce délinquant à col blanc a caché tout l’argent volé à Hong Kong’’
Prenant la parole pour faire sa plaidoirie, Me Seydou Diagne a déclaré que le magistrat instructeur s’est trompé sur la qualification des faits. Ainsi, il a sollicité de les requalifier en détournement de biens sociaux. ‘’Nos clients sont des cadres de banque qui ne s’y connaissent pas en informatique. Ils l’ont invité, en l’associant’’, a plaidé Me Diagne qui réclame 25 milliards au principal et 50 milliards de dédommagements, pour le compte de ses clients.
La robe noire de poursuivre : ‘’Après l’expulsion de nos clients, ce monsieur de délinquant à col blanc a caché tout l’argent volé à Hong Kong.’’
Plus virulent les uns les autres, les avocats des parties civiles n’ont pas épargné le prévenu. ‘’Il a sacrifié ces personnes pendant huit ans, en donnant des milliards partout. Ils n’ont jamais reçu de dividendes, car il a transféré la société au Togo. Par des manœuvres frauduleuses, il a mis la main sur le pactole. Ils ont travaillé pendant 20 ans. Leurs parents croient qu’ils sont milliardaires, mais depuis 10 ans, ils courent derrière une décision de justice’’, a tonné Me Cheikh Faye.
Espérant que le combat de leur défunt confrère Me Khassimou Touré, qui représentait les plaignants, ne sera pas vain, Me Abou Dialy Kane a déclaré : ‘’Ce que ces personnes réclament est bien légitime. Il est de votre responsabilité de mettre fin à cette délinquance à col blanc. On s’occupe toujours des petits escrocs. Ces escrocs à col blanc causent un préjudice à l’économie. Nous espérons que justice sera faite.’’
Du même avis que Me Kane dont le raisonnement a abouti à un abus de confiance, le représentant du ministère public a ajouté : ‘’L’expert a parlé de sommes indument perçues. Il dit qu’il y a remises volontaires. Mais le prévenu n’a pas pu justifier leur utilisation. Donc, le détournement est établi. L’abus de confiance a été commis. Il s’agit d’abus de biens sociaux, car les faits sont commis dans le cadre d’une gestion. On ne peut pas éclater l’infraction pour laquelle il est renvoyé en deux, notamment abus de confiance et escroquerie.’’
Pour la peine, le maître des poursuites a requis 2 ans dont 6 mois ferme pour abus de biens sociaux, contre Kabirou Mbodj.
Le verdict sera prononcé le 8 septembre prochain.
Maguette Nado
(Source : Enquête, 12 août 2021)