Journée de boycott : Ce que les clients reprochent à Orange Sénégal
jeudi 1er octobre 2015
Depuis quelques semaines, un groupe de personnes a créé une page Facebook et l’a dénommée : « Journée boycott Orange ». Ces internautes invitent les abonnés de l’opérateur téléphonique de ne pas acheter du crédit de recharge ni émettre ou recevoir des appels toute la journée du 1er octobre. En sus, ils appellent les clients d’Orange Sénégal à une marche au siège de la Sonatel, filiale sénégalaise de l’opérateur français, « pour une réduction des tarifs de tous les services Orange internet compris, lever les restrictions mobiles comme les transferts d’appels et autres services ».
Vers 23h, les statistiques visibles sur la page très animée durant la journée avec de nombreuses réactions, on note 21 000 « participants » sur 84 000 personnes invitées par les promoteurs alors que 1 200 sont « intéressées ». A partir des réactions publiées des internautes, je me suis intéressé à ce qu’ils reprochent effectivement à Orange Sénégal. En voici quelques-uns :
Durée de validité du crédit
Certains clients voient en effet mal qu’après avoir rechargé du crédit que l’opérateur leur fixe un délai de consommation précis. Pendant longtemps, Orange Sénégal a repris du crédit téléphonique non consommé, mais depuis un certain temps l’opérateur le restitue dès la prochaine recharge.
Lenteur de la connexion
Parmi ces reproches adressés à Orange Sénégal, figure aussi la qualité de la connexion à Internet. Certains mécontents soulignent la lenteur de téléchargement.
La réactivité du service client
Dans les services de technologies, les pannes et autres dysfonctionnements techniques sont récurrents. Quand ils surviennent, les clients demandent une assistance, mais parfois les services clients ne sont pas réactifs ou n’apportent pas de solutions. De plus, cet appel était gratuit mais Orange Sénégal le facture à 25 francs depuis un certain temps. Ce que ce client dénonce non sans humour.
Service client
Boycotter un opérateur de télécoms dans un marché de concurrence avec une offre diversifiée paraît absurde. D’autant que la portabilité permet désormais à chaque abonné insatisfait de changer d’opérateur en gardant son numéro de téléphone. C’est parce qu’autant ce boycott est une agression à l’image d’Orange Sénégal autant c’est une défaite pour les autres concurrents, Tigo et Expresso. Même mécontents et très en colère contre le premier opérateur, ces abonnés préfèrent appeler au boycott que de quitter Orange Sénégal. C’est un sondage gratuit que les initiateurs de cette opération ont offert à la Sonatel et sa marque commerciale.
D’un autre côté, au-delà des nombreux messages et réactions négatifs sur Orange Sénégal postés sur Facebook (certains ont réagi sur leurs profils ou sur d’autres pages avec une série d’images dégradantes et non sur la page dédiée au boycott), il faudrait s’interroger sur l’efficacité des investissements en communication, surtout institutionnelle, de la Sonatel. La société publie régulièrement des campagnes sur ses actions sociales et dispose même d’une fondation. Si l’on admet que ces communications visent à se doter d’un capital de sympathie, c’est un échec. Et c’est la deuxième offense à cet opérateur sur le réseau social bleu-blanc. Une autre page dégradante a déjà atteint plus de 40 000 membres et se fixe un objectif de 60 000.
Réaction
Orange Sénégal n’a pas du tout été indifférent à la journée de boycott. En réaction, l’opérateur a dès le matin annoncé une promotion de 200% sur les recharges de crédit. A ma souvenance, ce taux de bonus n’a jamais été proposé par cet opérateur. Sans doute pour éviter une éventuelle léthargie de son réseau. Mais qui croyait que les « participants », même en trouvant l’idée « juste », allaient suivre le mot d’ordre à la lettre, au regard de la densité et des besoins de communications ?
Orange
La Sonatel semble avoir perçu un gros risque avec l’annonce de ce boycott en renforçant la sécurité autour de son siège. Elle a été peut-être hantée par le syndrome de la Senelec, la société nationale d’électricité qui, en 2011, fournissant plus d’obscurité que de lumière aux ménages et entreprises, a vu nombre de ses agences saccagées par des clients furieux.
Consomm’acteur
Les chercheurs sur les nouveaux médias n’ont de cesse de le souligner : avec l’Internet, le client est un consomm’acteur. Il dispose d’une capacité de nuisance redoutable pour les entreprises négligentes ou arrogantes. Le boycott a été relayé par peu de médias traditionnels (radio, TV et presse), mais cela n’a pas empêché que cette journée soit mémorable pour Orange Sénégal. Parce qu’avec les réseaux sociaux, ils disposent désormais d’un espace puissant pour exprimer leurs mécontentements. Un groupe de clients insatisfaits dans une quête vaine (pour l’instant) de mieux. En attendant la suite.
Abdoulaye Niass
(Source : Infos et analyses sur l’économie sénégalaise, 1er octobre 2015)