Introduction d’une contribution sur la consommation des services de communication électronique fournis par les réseaux ouverts en République du Bénin
vendredi 24 août 2018
Depuis 24 heures, à peu près, un décret portant “introduction d’une contribution sur la consommation des services de communication électronique fournis par les réseaux ouverts en République du Bénin” a été rendu public.
Cette nouvelle disposition, introduit de nouveaux prélèvements sur le consommateur. On parle d’une contribution additionnelle de 5% sur le montant hors taxe des communications et d’une taxe de 5F par Méga Octet consommé par l’utilisateur des services Over The Top (Facebook, Whatsapp, Twitter, Viber, Telegram, etc..).
Si la nouvelle fait couler, à juste titre, beaucoup d’encre et de salives l’indignation doit aller au delà de l’émotion passagère car nous devons nous poser les vraies questions et exprimer de réelles inquiétudes.
Dans un double contexte où, d’une part, l’exécutif a misé tout son programme d’actions de “révélation du Bénin” sur le numérique et que les médias sociaux sont aujourd’hui de vrais médias d’opinion divergents qu’on ne retrouve plus dans les médias classiques, d’autre part, les enjeux et les implications de niveaux tout au moins.
D’abord, taxer l’usage des services OTT (réseaux sociaux) reviendrait tout simplement à restreindre la liberté d’expression des citoyens par la contrainte financière. Car, visiblement, le montant des taxes annoncées peut paraître dérisoire au vue de certains, mais en réalité, à y voir de plus près, c’est une vraie manière de stopper ou de décourager les gens, surtout les blogueurs et les journalistes d’utiliser ces réseaux sociaux tout comme les services de messagerie instantanés.
Il y a quelques mois, l’Ouganda a aussi introduit une mesure similaire. En instaurant la taxe, le gouvernement ougandais souhaitait lutter contre les conséquences du « bavardage » en ligne. Dans notre pays, les raisons de l’instauration des nouveaux prélèvements n’ont pas été énumérées, mais serait-ce t-on dans la même absurdité incohérente ?
Nous avons donc des raisons fondées de nous inquiéter par rapport à la la restriction de la liberté d’expression dans notre pays à la lumière de cette nouvelle disposition.
Ensuite, l’économie numérique que nous voulons tant promouvoir va être sérieusement affectée : l’emploi des jeunes, les apprentissages numériques, la formation à distance, l’entrepreneuriat, les startups et tous les usages numériques vont certainement prendre un coup. La question se pose de savoir quelle peut être la cohérence de cette décision au regard de tous les efforts que l’exécutif a fait depuis 2016 pour promouvoir l’économie numérique.
Je me souviens encore qu’il y a plus de trois ans, en 2015, le premier WasexoTweetup de l’Association des blogueurs du Bénin avait eu lieu sous le thème « Blogging au Bénin : entre défis et perspectives ». Au cours de cette rencontre, les intervenants étaient tombés d’accord sur le fait que, dans notre pays, le coût d’accès à la connexion Internet était un réel challenge à la fois pour les blogueurs mais aussi pour les journalistes web, les entrepreneurs et tout autre personne dont la matière première productive était l’Internet.
Si trois ans après, alors que les prix ont relativement baissé au cours des années, on vient nous arracher encore cet « acquis » là, nous devons avoir des inquiétudes. Car de toute évidence, ces décisions vont ralentir le taux pénétration de l’Internet et tous les avantages qui en découlent et qui sont désormais connus. C’est aussi une décision qui viole le principe de la neutralité du net car, pour s’adapter, les opérateurs GSM pourraient être amenés à avoir deux attitudes : créer des forfaits spécifiques et chers pour l’utilisation des réseaux sociaux et d’autres forfaits (tout Internet sauf les réseaux sociaux).
A l’heure où je mets en ligne cette publication, le décret est toujours introuvable sur le site web du Secrétariat général du gouvernement (beaucoup d’autres dispositions réglementaires manquent sur ce site d’ailleurs), et j’ose croire encore que c’est une mauvaise blague et que tout ceci n’est que “fake news”.
Maurice Thantan
(Source : Facebook, 24 août 2018)