Internet de plus en plus perçu comme un service essentiel
vendredi 23 décembre 2016
Alors que le Canada vient de prendre des mesures pour assurer un accès universel au haut débit, de nombreuses autres initiatives en ce sens voient le jour en France et dans le monde.
Disposer d’Internet est devenu, aux yeux de nombreux politiques, aussi important l’accès à l’eau ou à l’électricité. Les applications et autres services numériques ont pris une telle place dans la vie de tous les jours qu’à travers le monde, les décideurs souhaitent de plus en plus garantir un « service de base » à leurs concitoyens. C’est le cas du Canada, qui a annoncé mardi la création d’un fonds pour assurer l’accès universel à une connexion Internet haut débit dans le pays. Concrètement, comme le rapporte l’AFP, le gouvernement investira 750 millions de dollars canadiens (535 millions d’euros) sur cinq ans pour garantir 50 Mbits/s pour tous les habitants. Dans un communiqué, Jean-Pierre Blais, le président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), a jugé qu’une telle connexion était « vitale » pour accéder aux services publics liés à la santé ou à l’éducation, mais aussi aux services bancaires et aux boutiques en ligne. Or aujourd’hui, constate le CRTC, près d’un Canadien sur cinq, dans les zones rurales notamment, ne dispose pas encore d’un débit satisfaisant.
Sur ce créneau, l’initiative canadienne en rejoint de nombreuses autres, qui, à différents niveaux, souhaitent garantir des services télécoms de base aux citoyens. En France, c’est la raison pour laquelle de nombreux élus mettent régulièrement la pression sur les opérateurs pour qu’ils en finissent avec les « zones blanches », ces communes où le mobile ne passe toujours pas.
Sur ce front, le gouvernement a porté un programme « zones blanches - centres-bourgs », où les Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom se sont engagés à couvrir près de 3.600 villages en voix et en SMS d’ici à la fin de l’année. De même, les opérateurs ont convenu d’apporter la 3G, le haut débit mobile, à tous, d’ici juin 2017. Côté Internet fixe, l’Etat s’est financièrement beaucoup impliqué dans le plan France Très haut débit, qui vise à déployer la fibre dans les territoires, et justement éviter que certaines zones rurales et peu peuplées se retrouvent lésées.
Toujours en France, deux département, la Seine-Saint-Denis et la Haute-Saône, vont expérimenter à compter du 1er janvier et pendant un an « l’aide au maintien de la connexion Internet ». Cette nouvelle disposition de la loi sur le numérique crée un droit pour les foyers en difficulté (notamment les bénéficiaires du RSA), qui ne verront plus leur ligne Internet fixe coupée s’ils n’ont pas payé. Concrètement, les abonnés qui n’ont plus les moyens de payer leur facture pourront se tourner vers le Fonds social pour le logement (FSL) de leur département pour demander, selon les cas, un échelonnement ou un effacement de leur créance. Après ce galop d’essai, le gouvernement souhaite étendre ce dispositif mis en place avec les grands opérateurs nationaux à d’autres départements.
En Grande-Bretagne, la lutte contre la fracture numérique est aujourd’hui un sujet majeur dans les débats publics. Mi-décembre, l’Ofcom, le régulateur des télécoms, a tiré la sonnette d’alarme, soulignant que 1,4 millions de foyers outre-Manche ont une connexion Internet fixe inférieure à 10 Mbits/s. Une situation tout bonnement « inacceptable » pour l’institution, qui, d’après le Financial Times, milite auprès du gouvernement pour introduire une « obligation de service universel » pour garantir un Internet à 10 Mbit/s pour tous.
« La connectivité est un droit de l’homme »
A côté des gouvernants soucieux de la connectivité de leurs administrés, certains entrepreneurs surfent sur cette tendance pour accélérer leur business. A ce petit jeu, Mark Zuckerberg, le créateur et dirigeant de Facebook, n’est pas un novice. Lancé en 2013, son projet Free Basics (anciennement Internet.org) vise à connecter les populations qui n’ont pas accès à Internet. Présente dans plusieurs dizaines de pays en développement grâce à des partenariats avec des opérateurs mobiles, cette appli offre tout un éventail de services gratuits dans la santé, l’emploi ou les informations locales.
Aux yeux de Mark Zuckerberg, il s’agit d’une activité philanthropique. « La connectivité est un droit de l’homme », affirme-t-il. Sauf que beaucoup n’y voient pas un acte charitable, mais plutôt un moyen de ferrer de nouveaux abonnés à Facebook, dont une version allégée est proposée à travers l’appli. Le fait, au passage, que le réseau social décide des services disponibles - ou pas - fait jaser. C’est la raison pour laquelle Free Basics a été retoqué en Inde il y a tout juste un an.
Pierre Manière
(Source : La Tribune, 23 décembre 2016)