C’est connu, l’Afrique n’est pas championne du monde quand il s’agit d’anticipation et de stratégie.
Et en « bon africain », malgré le fait que j’aie pris conscience de ce fait il y a maintenant quelque temps, il aura fallu que le câble sous marin assurant la connectivité internationale (SAT3) se rompe pour que je songe beaucoup plus sérieusement à ce que mon business allait devenir sans internet.
Pour la petite histoire, je suis un entrepreneur de 27ans qui a choisi de lancer son agence de solutions digitales le 12-12-12, une date canonico-mystique qui n’aura au finish aucune incidence sur aucune vie humaine s’il est avéré que la fin du monde surviendra le 21-12-12, ou bien, moins ironiquement, si cette foutue connectivité ne revenait plus jamais ! Mais ce sera certes d’un moindre mal, pour moi et mon entourage proche, je pourrai me reconvertir dans la vente de ces tapis massants électriques que ma mère m’a fait convoyer il n’y a pas longtemps depuis la France, et que je n’ai même pas eu le temps d’écouler tellement j’étais Focus à trouver mes premiers clients dans cet environnement pas encore si concurrentiel que ça, mais qu’une fournée de Start Up se partage joyeusement.
Je disais donc que ce serait d’un moindre mal, comparé à ces milliards que les banques et autres institutions financières de transferts d’argent perdent quand de pareils incidents se produisent car faut-il le rappeler, il ne s’agit pas de la première fois que ça arrive. Je pense notamment à Westen Union, MoneyGram et autres RIA Ndeysaan [1] qui, au fil des minutes et des heures, ont vu les chiffres de leur manque à gagner grimper en flèche, surtout en cette période de veille de fêtes, où les envois d’argent sont très fréquents.
Naturellement, si vous lisez ces lignes, cela voudra dire que vous et moi avons retrouvé l’usage de cet internet dont nous n’avions peut être pas encore mesuré l’impact dans notre quotidien, et que nous sommes mine de rien 400.000 à partager, selon des chiffres récents de l’ ARTP.
Pourtant, force est de constater que des acteurs de l’internet ont eu à tirer la sonnette d’alarme quant à la démocratisation des services de l’internet, dont le monopole est détenu par la SONATEL. Dans une étude publiée en Septembre 2012 par l’agence Balancing ACT et commanditée par Google (disponible en ligne), on peut y noter que l’hégémonie qu’exerce la SONATEL de bout en bout sur la chaîne de valeurs des services internet au Sénégal annihilait quasiment toute alternative pouvant être proposée aux entreprises qui n’ont pour ainsi dire nul autre choix que de s’en remettre aux services fournis par l’opérateur historique. D’ailleurs, il en est de même pour l’approvisionnement en EAU par la Sénégalaise des Eaux (S.D.E) ou encore de celui en Electricité par la SENELEC.
Mais vu que cet état de fait ne semble pas déranger grand monde, ce coup de gueule qui n’a rien de sensationnel, passera sans doute inaperçu. Mais au moins, prendre le temps de le rédiger, m’aura fait goûter aux délices oubliés de la vie sans internet, en attendant qu’internet revienne !
Demba Guèye
(Source : Demba Guèye, 20 décembre 2012)
[1] expression pouvant être traduite par « les pauvres »