Incarcéré pour terrorisme depuis quatre ans : Saër Kébé écope du sursis et recouvre la liberté
jeudi 11 avril 2019
ncarcéré pour terrorisme et apologie au terrorisme depuis quatre ans, Saër Kébé est libre, car la Chambre criminelle spéciale l’a condamné à trois mois assortis du sursis pour menace.
‘’Vous soutenez Israël, nous jeunes révolutionnaires sénégalais, préparons des attentats contre l’ambassade des Usa et d’Israël. Nous attaquerons tous vos intérêts. Nous préparons des attaques courant mai 2015 et vous serez détruits. Vive le Hamas.’’ C’est, en substance, ce message, posté sur la page Facebook de l’ambassade des Usa au Sénégal et d’autres pages (ambassade Israël, armée israélienne et West Radio Democracy), qui avait conduit Saër Kébé en prison depuis avril 2015. Quatre ans après, ce message est analysé comme une simple menace par la justice. ‘’De simples menaces sans ordre, ni condition’’, a relevé le président de la Chambre criminelle spéciale en prononçant son verdict hier. Par conséquent, la chambre a disqualifié le crime d’apologie au terrorisme en délit de menace. Pour sa sanction, le jeune a écopé de 3 mois assortis du sursis. Ainsi, l’ex-élève en terminale S au lycée Demba Diop recouvre la liberté et, ce, au grand bonheur de ses camarades et proches.
Cependant, si cela ne tenait qu’au parquet, Saër Kébé allait rester en prison pour une année encore. Sa représentante, lors du procès tenu le 27 mars dernier, avait requis 5 ans de travaux forcés au motif que ‘’quelles que soient les motivations de l’accusé, les faits sont établis’’. Car, disait-elle, ‘’les publications de Saër Kébé ont suscité un sentiment de terreur. Dès lors qu’il a rédigé des menaces, le délit d’acte de terrorisme est établi’’.
Pourtant, lors de son interrogatoire, l’accusé avait clamé son innocence. ‘’Je ne reconnais pas les faits. Je ne suis pas un terroriste et je suis contre le terrorisme’’, déclarait l’accusé qui se dit ‘’moustarchidine’’ et décrit comme un brillant élève. Sur les raisons de ses publications, Saër Kébé a expliqué qu’il avait été choqué par des images qu’il a vues sur YouTube, en faisant des recherches pour un exposé sur le rôle des Américains dans le processus de décolonisation au Proche-Orient. ‘’J’ai vu des femmes enceintes et des enfants massacrés comme des mouches, lors d’un bombardement à Gaza. Cela m’a choqué. Ainsi, j’ai fait les post pour dénoncer cette injustice. J’ai agi sous la colère, mais les menaces d’attentat n’étaient pas réelles, mais juste pour défendre la cause palestinienne’’, s’est-il défendu, tout en disant qu’il était jeune et immature, au moment des faits.
Aussi, Saër Kébé s’était confondu en excuses. ‘’Je regrette ce qui s’est passé. Mes études sont perdues, ma famille souffre’’, disait-il en larmes.
Pour la représentante du parquet, quelles que soient les motivations de l’accusé, les faits sont établis. Car les publications de Saër Kébé ont suscité un sentiment de terreur. ‘’Dès lors qu’il a rédigé des menaces, le délit d’acte de terrorisme est établi’’, soutenait la parquetière. Pour qui l’apologie est constante avec l’usage de l’outil informatique pour diffuser les messages. Toutefois, la parquetière considère que l’accusé de 24 ans mérite des circonstances atténuantes. C’est pourquoi elle avait requis 5 ans de travaux forcés.
La Chambre criminelle spéciale a plutôt suivi la défense qui avait plaidé l’acquittement.
(Source : Enquête, 11 avril 2019)
Me Moussa Sarr, Avocat de Saer Kébé : ‘’Ce dossier relève d’une arrestation préventive qui est illégale’’
’’C’est une décision extrêmement satisfaisante qui permet au jeune Saër Kébé de rentrer à Mbour et puis de reprendre ses études, même s’il est relativement tard, mais de s’organiser pour le faire. Parce que sa place est l’école. La chambre criminelle n’a pas suivi le ministère public, parce que, comme nous l’avions démontré lors de la plaidoirie, il n’y a pas eu d’infraction terroriste. Elle l’a confirmé, en l’acquittant pour les deux chefs d’infraction de terrorisme. Maintenant, ce qu’on lui reproche, c’est juste une menace et il a été condamné à 3 mois de sursis. Aujourd’hui, il sort de prison et personne ne pourra le regarder pour lui dire que c’est un terroriste. Nous sommes satisfaits, tout en regrettant sa longue détention de 4 ans qui est un des fléaux de notre système judiciaire sur lequel le nouveau gouvernement, plus particulièrement le nouveau ministre de la Justice doit s’atteler pour régler cette situation-là.
Il est inadmissible, dans un Etat de droit, qu’en détention provisoire, on reste 3, voire 5 ans en prison ou plus. Je crois que le Sénégal doit légiférer dans ce sens pour se conformer au standard international. Notre client est un brillant élève. Il a été arrêté au mois de mai, c’est-à-dire trois mois avant les examens. Cela veut dire que s’il n’avait pas été mis sous détention provisoire, aujourd’hui, il aurait obtenu son Master. C’est un gâchis et aujourd’hui il serait parmi les plus brillants fils de ce pays en train de servir son pays. Ce dossier-là relève d’une arrestation préventive qui est illégale. Quand on soupçonne quelqu’un de quelque chose qui violerait la loi, on doit le surveiller et non pas l’arrêter. Il prouve que le parquet, la police et la gendarmerie doivent faire preuve de discernement et de lucidité dans la lutte contre le terrorisme.’’