Implantation de la multinationale France Télécoms au Sénégal : Les “Sonateliens” refusent l’Orange
vendredi 9 décembre 2005
« Les colons de France Télécoms reviennent par le cheval de Troie Orange », ou encore... « France Télécoms veut essouffler Alizé comme Air France a essoufflé Air Afrique. » Les slogans ne manquent pas à l’Intersyndicale des travailleurs de la Sonatel pour dénoncer les velléités d’implantation au Sénégal de la marque de téléphonie Orange. Sous la houlette du Syndicat national des travailleurs de la Poste et des télécommunications (Sntpt), un sit-in tenu, hier, à la Sonatel du boulevard de la République a permis aux syndicalistes de cette société nationale, de manifester leur désaccord à l’endroit de leurs hauts responsables.
A quelques heures de la réunion d’un conseil chargé de statuer sur la décision à prendre dans cette affaire, les camarades du secrétaire général du Sntpt, Gabou Guèye, ont battu le rappel des troupes pour sensibiliser leurs collègues ainsi que l’opinion nationale sur les conséquences néfastes d’une éventuelle approbation par l’Etat de changer la marque Alizé par Orange. Surtout, au vu de la manne financière d’un milliard de dollars que coûterait au pays ce changement de marque. Pour preuve, l’exemple de l’opérateur de téléphonie polonais Ideal/Centerer, qui a remplacé sa propre marque par Orange, et qui est voué à l’échec, est brandi. Une opération qui, selon le Sntpt a vu l’opérateur polonais perdre près de 750 millions d’euros. Se basant sur le dernier rapport du Centre d’analyses économiques Adam-Smith de Varsovie, ils avancent que le lancement de cette marque a suscité d’énormes dépenses de la part de ce pays, qui regrette aujourd’hui cette décision qui a vu le potentiel financier de son ancien opérateur de téléphonie être pillé par la marque proposée par France Telecom. Un scénario dramatique dont les velléités d’implantation de la marque Orange laissent apparaître des signes manifestes, selon M. Guèye.
En effet, dit-il : « Nous sommes avec une multinationale qui n’a d’œil que pour définir une politique servant à prélever des sous à la Sonatel qu’elle considère comme sa vache laitière. Car, elle exige à ce que 1,6 % du chiffre d’affaires de la Sonatel soit versé à France Telecoms après l’implantation de la marque Orange, une somme équivalent à 5 milliards de francs Cfa de nos ressources. » Selon le secrétaire général du Sntpt qui sonne l’alerte, à cet effet, l’expérience de la direction commerciale de la Sonatel, qui avait été confiée à France Télécoms pour son expertise et qui a abouti au licenciement de tous les techniciens de cette multinationale pour incompétence, doit servir d’exemple pour refuser l’infiltration de cette nouvelle marque. Aussi dans ce cadre, la multinationale française, une fois approuvée, imposerait ses propres fournisseurs de matériaux qui de l’avis des travailleurs de la Sonatel ne sont pas les meilleurs dans ce secteur.
L’autre paramètre, selon Gabou Guèye, est que la marque Alizé est devenue au Sénégal l’appellation de base de l’outil téléphonique. « Le terme Alizé est utilisé pour désigner le téléphone. Ce qui est un acquis de taille qui disparaîtrait avec l’arrivée d’Orange », tranche-t-il.
Aliou SANE
(Source : Le Quotidien, 9 décembre 2005)
Pour l’étude d’un changement de marque : La Sonatel va solliciter un cabinet de consultance
A l’issue de la réunion tenue par le conseil d’administration de la Sonatel jusque tard dans la nuit d’hier, la décision du remplacement ou non de la marque Alizé par Orange a été renvoyée aux calendres grecques. Après un débat très passionné qui a regroupé des représentants de France Télécoms, de l’Etat et des travailleurs de la Sonatel, la poire a été coupée en deux, vu l’impossibilité par les acteurs du dialogue à épuiser certaines questions essentielles. Selon Ibrahima Konté, le secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la Sonatel (Syts) qui défendait les intérêts de ses camarades, la solution de prendre l’attache d’un cabinet international pour l’étude de ce dossier a été arrêtée. Il s’agira, selon lui, de voire l’opportunité de la nouvelle marque Orange et le coût réclamé par les responsables de France Télécoms pour son implantation. « Le débat entre les différentes parties a été très passionné, mais je pense que c’est la meilleure des solutions qui pouvait être prise, à part celle du refus catégorique que nous avons défendu pour l’intérêt du pays et de la Sonatel », lâche M. Konté qui rappelle la poursuite des actions syndicales avec un point de presse qui sera incessamment convoqué dans ce sens.