Ibrahima Nour Eddine Diagne, Administrateur général de GAINDE 2000 : “Dans l’univers douanier, la généralisation de la DPI va permettre à la Douane d’être une vraie Douane qui anticipe sur la base des données qui lui sont fournies en amont”
mardi 7 mai 2024
Administrateur général de GAINDE 2000, économiste de formation, initiateur des “Mardis Numériques” puis de la “Rentrée Numérique”, Ibrahima Nour Eddine Diagne aborde, pour Le Tech Observateur, les enjeux autour de la Déclaration préalable d’Importation entrée en vigueur depuis le 1er mai 2024. Elle est devenue obligatoire pour toute importation de marchandises d’une valeur FOB supérieure ou égale à 500.000 francs CFA. Et justement, GAINDE 2000 y a joué un rôle majeur que nous explique Monsieur Diagne dans cette interview.
Le Tech Observateur : Qu’est-ce que la DPI, au-delà du nom ?
Ibrahima Nour Eddine Diagne : La DPI voulant dire Déclaration Préalable d’Importation est un document nécessaire pour toute opération d’importation. C’est une intention et donc peut ne pas se réaliser sans conséquence pour le requérant. Elle est instaurée au Sénégal depuis 1991 dans le cadre du PVI (Programme de vérification des importations). La DPI a toujours été obligatoire. Ce qui change, c’est qu’elle était requise pour un seuil de 1.000.000 et que désormais ce seuil est passé à 500.000.
Le Tech Observateur : Qu’est-ce que ça va changer dans l’univers douanier et concrètement, quel impact sur les usagers ?
Ibrahima Nour Eddine Diagne : Dans l’univers douanier, la généralisation de la DPI va permettre à la Douane, à travers la Direction du Renseignement et de l’Analyse de la Valeur, d’être une vraie Douane qui anticipe sur la base des données qui lui sont fournies en amont et qui pourra donc faire un ciblage sur les contrôles là où ils doivent être appesantis. Conséquemment cela permettra de faciliter toutes les opérations qui ne comportent pas de risque. Il faut remarquer que la DPI généralisée est une mesure qui facilite à la fois le travail de la douane en tant qu’administration, avec des données préalables qui permettent un ciblage anticipé. Le résultat de cette démarche est autant destiné à faciliter le travail à l’intérieur de la Douane qu’à apporter des améliorations dans la célérité à l’endroit des usagers qui auront des circuits de facilitation dès lors que leur profil et la nature de leur importation ainsi que l’origine ne présentent pas des risques particuliers.
C’est une étape très importante dans la modernisation de la Douane, surtout à l’ère de l’intelligence artificielle, où les données permettent de modéliser vraiment tout ce qui concerne le risque. A très moyen terme ou à très court terme, nous aurons une Douane plus performante, capable de traiter dans des délais plus courts et surtout capable de faire un ciblage beaucoup plus précis sur les risques qu’elle ne pouvait le faire aujourd’hui, lorsqu’elle est confrontée directement à l’arrivée de la marchandise et à l’obligation de la libérer le plus tôt possible alors qu’elle n’a pas pu prendre un temps préalable d’analyse.
Le Tech Observateur : Quelle a été la contribution digitale de GAINDE 2000 dans ce projet ?
Ibrahima Nour Eddine Diagne : La plate-forme de Guichet Unique ORBUS mis en place par GAINDE 2000, est, depuis 2004, le portail de demande de la DPI. Il permet sa circulation digitale auprès des banques pour la domiciliation, des autres agences gouvernementales pour leur traitements et enfin consolide toute la liasse et les transmets digitalement à la douane. Depuis 2020, lorsque l’Etat du Sénégal a rompu le contrat avec la COTECNA, économisant au passage quelques milliards, GAINDE 2000 a pris le relais pour la délivrance de la DPI à titre gracieux et a fait passer le délai de délivrance de 24h à environ 1 à 2h.
Du côté Douanier, la DRAV (Direction du Renseignement et de l’Analyse de la Valeur) s’est appropriée l’analyse de la valeur sur la base des DPI.
Le Tech Observateur : A l’échelle africaine, quels sont les pays qui ont digitalisé leur DPI et avec quelle efficacité sur les opérations douanières ?
Ibrahima Nour Eddine Diagne : Oui, vous savez, la digitalisation de la DPI, c’est trois niveaux :
– Le premier niveau, c’est de soumettre électroniquement la demande de DPI. Au Sénégal, nous avons digitalisé cette formalité depuis 2002. Et tous les pays qui ont mis en place ce genre de système, l’ont fait aussi. Je pense qu’il doit y avoir une bonne dizaine de pays en Afrique qui pratique cette forme de digitalisation. C’est cependant la partie la plus facile.
– La deuxième partie, c’est la partie traitement de la demande, parce que toute demande suppose un traitement. Là également, au Sénégal, nous l’avons automatisé, en 2004, du temps de la COTECNA. Et depuis 2020 l’État n’ayant plus de contrat avec la COTECNA, GAINDE 2000 s’est vu confié ce traitement. Ce contrôle consiste à une vérification de la conformité de la demande et à la délivrance de la DPI signée électroniquement. Ce qui pourra désormais permettre à d’autres formalités comme celle de change de pouvoir être effective. Il est important de souligner que la DPI n’est pas un document que seule la Douane utilise mais les banques et tous les acteurs de la régulation de change sont également connectés à cette plateforme pour le contrôle des changes. Donc chacun va en faire un usage qui lui convient. Il y a des volets qui vont aller à la statistique et d’autres volets qui vont au commerce extérieur. Donc cette ventilation qui se faisait par papier est désormais faite électroniquement.
– Le troisième niveau maintenant, c’est la capacité de la Douane avec le GAINDE Intégral qui est un puissant outil, de digérer ces données et de pouvoir, à travers les données reçu, faciliter l’arrivée des marchandises parce qu’elle saura où focaliser le contrôle renforcé. Ça c’est le dernier niveau, et c’est là où la douane sénégalaise se trouve aujourd’hui. Le guichet unique ORBUS est le frontal qui peut prendre la DPI, qui peut délivrer la DPI, mais qui n’analyse pas les données de la DPI, c’est la Douane qui consomme les données de la DPI pour pouvoir en faire un instrument de ciblage du risque.
Donc on peut dire que le Sénégal a franchi les trois étapes, soumission d’une DPI, délivrance d’une DPI et capacité de la douane avec son système d’information de digérer la DPI et d’en faire un outil d’analyse du risque.
A ce niveau, nous sommes vraiment dans ce qu’il y a de plus avancé en matière de traitement de guichet unique et d’administration douanière. Donc voilà un peu ce qu’on peut dire à propos de la DPI à l’échelle africaine.
Ce qu’il faut retenir c’est que, ce n’est pas un seul niveau de digitalisation, c’est quatre niveaux. Et d’ailleurs, cela est valable pour toutes les administrations. Une demande digitale, un traitement digital, une délivrance digitale et une utilisation digitale. Il faut que ces quatre niveaux soient remplis pour parler réellement d’une digitalisation totale.
(Source : Le TechObservateur, 7 mai 2024)