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Ibrahima Konté (Membre du Ca de la Sonatel) : ‘La marque ‘Orange’ est une arnaque’

jeudi 10 mai 2007

La venue de la marque ‘Orange’ coûte cher à la Sonatel. C’est 1,6 % du chiffre d’affaires de cette entreprise de télécommunication. Une somme tirée des travaux de l’ancienne marque ‘Alizé’ qui, selon le représentant du personnel au Conseil d’administration (Ca), a fini de démontrer ses preuves. Pour Ibrahima Konté, cet argent aurait dû être investi pour améliorer la qualité de service tant décriée par les consommateurs. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, M. Konté, par ailleurs ancien secrétaire général du Syndicat national des travailleurs des télécommunications, n’a pas manqué de tirer sur France télécom et sur l’Artp. Il a aussi abordé d’autres points importants comme la tarification.

Wal Fadjri : Quelle appréciation faites-vous des sanctions répétitives infligées à la Sonatel par l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) ?

Ibrahima Konté : J’ai appris dans la presse ces deux sanctions. La première est effective. Pour la deuxième, je ne sais pas. Il semble que ce n’est pas le cas. Pour l’histoire, je vous rappelle que c’est nous-mêmes qui avions revendiqué la mise en place de l’Art qui est devenue l’Artp. A l’époque, nous étions conscients que nous allons vers la libéralisation et qu’une bonne libéralisation ne peut pas se faire sans un organe de régulation. L’Artp est donc là pour réguler. Mais nous remarquons qu’elle a une contradiction en son sein parce qu’elle réglemente et régule. Or ces deux différentes fonctions ne peuvent pas être dévolues à une agence de régulation. Ou elle régule ou bien elle réglemente. A l’époque, nous l’avions dénoncé. Je pense que cela a été corrigé. Mais cette contradiction est encore là. Et elle mérite d’être clarifiée. Le problème aussi, c’est que l’Artp peut être prise par la surenchère. C’est-à-dire vouloir se montrer tellement utile qu’elle peut dériver à l’autre extrêmité. Ce qui l’amène à prendre des décisions fantaisistes soit pour affaiblir l’opérateur historique, soit pour assouvir certains lobbies qui ne voient que leurs intérêts. Or l’Artp doit avoir une approche globale. C’est la raison pour laquelle j’ai dit qu’elle doit éviter de tomber dans une surenchère qui consiste à prendre des décisions qui semblent être extrêmement graves.

Wal Fadjri : Mais ce sont des décisions qui sanctionnent négativement une mauvaise qualité de service constatée sur le réseau.

Ibrahima Konté : C’est pour cela que je dis qu’il faut une approche globale. Une agence de régulation doit être dirigée par des hommes matures, qui ont de l’expérience, qui connaissent le secteur qu’ils règlementent. Il y a un problème réel de qualité de service à la Sonatel. Nous, les travailleurs de cette entreprise, avions à l’époque sorti une déclaration assez salée à l’endroit de la Direction générale. Au niveau du Conseil d’administration dans lequel je représente le personnel, j’ai fait un mémorandum sur la qualité de service pour attirer l’attention des administrateurs et de la Direction générale sur les efforts à faire. D’ailleurs, l’une de nos batailles contre la venue de la marque ‘Orange’, c’était également ça. Nous avons voulu que les investissements soient prioritairement tournés vers le renforcement de la capacité productive et commerciale, et le renforcement de la qualité de service qui sont les éléments fondamentaux dans le cadre de la concurrence. Nous avons été suivis en partie par l’Etat, en partie par la Sonatel. Mais il reste encore des efforts à faire dans ce sens. Cependant, nous ne pouvons pas concevoir un réseau de télécommunication qui ne tombe pas en panne. C’est de la technique. Le consommateur ne voit que le téléphone portable ou fixe. Mais tout ce qui est derrière cet outil, il ne le voit pas. Il y a un ensemble de combinaisons de technologies parfois disparates, inter-relationnelles de manière à ce que quand vous entrez dans un maillon et qu’il y a un problème, cela se répercute en cascade. Nous ne pouvons pas concevoir qu’une telle machine puisse fonctionner sans problème. L’autre problème, c’est que la demande en téléphones explose de manière tellement vite qu’il est difficile de la suivre. Aujourd’hui, le portable est devenu un effet de consommation. Nous sommes partis de zéro abonné en 1998 à 2 millions d’abonnés aujourd’hui. Ceci, en l’espace de sept ans. Cela a alourdi la machine. Sous ce rapport, il est normal de voir des pannes de temps en temps. Et si l’Artp nous demande 3 milliards pour ça, ce n’est pas normal. Il y a des problèmes. Mais ceux-ci n’ont pas une ampleur telle qu’il faille prendre ces sanctions.

Wal Fadjri : Ces sanctions ne sont donc pas opportunes.

Ibrahima Konté : Elles ne sont pas opportunes. Elles ne sont pas bien réfléchies par rapport à l’environnement macro-économique du Sénégal.

Wal Fadjri : Mais au regard des bénéfices importants réalisés par la Sonatel, les patrons de cette entreprise ne devraient-ils quand même pas pouvoir anticiper ?

Ibrahima Konté : La Sonatel le fait. Mais c’est insuffisant. Au Conseil d’administration de la Sonatel, je me bats chaque jour contre les Français. Ces derniers pensent même que c’est du harcèlement. Comme je vous l’ai dit tantôt, pour nous, la priorité de la Sonatel n’est pas d’avoir une marque. Pour nous, la priorité, c’est de demander à France Télécom de permettre à la Sonatel d’investir largement pour augmenter sa capacité de production, ses services et assurer la formation des ressources humaines. Depuis cinq ans, la Sonatel investit chaque année 82 milliards de francs, presqu’autant que ses bénéfices nets. Quelle est l’entreprise qui le fait ici ? Ce qui a permis à l’entreprise d’absorber deux millions d’abonnés. Ensuite, une entreprise, qui n’investit pas, ne crée pas d’emplois, n’augmente pas sa capacité de production, ne fait pas de nouvelles technologies. Aujourd’hui, nous avons l’Adsl. Rares sont les pays qui n’ont pas cette technologie. Il faut un réseau de qualité pour avoir l’Adsl. Si notre réseau était précambrien, va-t-on confier au Sénégal la coordination des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (Ntic) dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) ? Est-ce que le président de la République serait là à parler de la fracture numérique ? Il le dit parce qu’il sait qu’il peut s’honorer d’avoir dans son pays un réseau de qualité. Et puis, les gens ne connaissent pas la structure de la tarification. Ils pensent que les 300 milliards de chiffre d’affaires sont réalisés au Sénégal. Non. C’est le chiffre d’affaires réalisé dans le monde entier parce que le téléphone, contrairement au courant et à l’eau, est un instrument de relation avec tout le monde dans votre quartier, dans votre pays, dans votre région, dans votre continent et dans le monde. Il est impossible de réaliser 350 milliards de francs de chiffre d’affaires sur le marché sénégalais. Les pays se partagent cet argent. C’est réglementé. C’est du commerce.

Wal Fadjri : Mais ces milliards ne se répercutent pas assez sur les consommateurs qui, non seulement, trouvent encore chers les prix du téléphone, mais sont aussi victimes de service de mauvaise qualité.

Ibrahima Konté : Encore une fois, il faut relativiser la mauvaise qualité. C’est un encombrement sur le réseau. Ensuite, les télécommunications sont le seul secteur où les prix baissent et les gens ne le disent jamais assez. Mais nous pouvons dire que ce n’est pas suffisant. Ce qu’il faut éviter, c’est de régler les problèmes de tarification pour tomber sur la tyrannie des consommateurs. Si une entreprise pousse la logique commerciale au point de tomber sous la tyrannie des consommateurs, ce sera la catastrophe. Il y a des consommateurs qui ne raisonnent pas en terme de prix juste, mais en terme de prix bas. Et quand on veut que les prix soient bas, à la limite même gratuits, on tue l’opérateur économique au profit des spéculateurs qui ne créent pas d’emplois.

Wal Fadjri : Mais il semble que, dans certains pays, le téléphone est gratuit.

Ibrahima Konté : Sur certains segments oui. Mais ils le rattrapent dans d’autres types de communication. Si je prends l’exemple de la Gambie, c’est un pays nation. La Gambie, c’est la population de la région du Sine Saloum. Pour couvrir un pays comme ça, il n’y a pas besoin de faire de gros investissements. Au Sénégal, nous importons tout et pourtant nos tarifs sont parmi les plus bas en Afrique. En vérité, les consommateurs sont notre raison d’existence parce que nous travaillons pour eux. Je me bats même pour que les consommateurs siègent au Conseil d’administration de la Sonatel. Par ricochet aussi, il ne faut pas tomber sur la facilité de dire que tout doit être gratuit. La tyrannie du prix bas ne doit pas primer sur la nécessité du prix juste.

Wal Fadjri : Les gens pensent qu’avec l’avènement de la marque ‘Orange’, la qualité du service allait s’améliorer. Mais ce n’est pas encore le cas. Pourquoi ?

Ibrahima Konté : Nous avons eu la qualité avant Orange. La Sonatel a mis le Sénégal en tête en Afrique en matière de télécommunications. Nous avons toujours fait de la qualité avant France Télécom. La Sonatel n’a pas été privatisée par sanction. Quand on nous privatisait, nous étions excédentaires. Comme les télécommunications bougent de manière très vite, il fallait s’associer avec un grand opérateur pour être dans la cour des grands. C’est ça la logique de la privatisation. Vous savez, la mondialisation, c’est la boîte de pandores. Dès que vous rentrez là dedans, c’est un tourbillon. Si vous ne savez pas garder la tête froide et rester solide, vous risquez de voler en éclats. Qu’est-ce que cela veut dire ? Parfois, les gens inventent des théories ou des messies ou bien des slogans. Ils les mettent à la mode. Et ils conditionnent tellement les gens en terme de tapages publicitaires que les gens considèrent qu’il faut s’aligner vers ça, sinon vous n’êtes pas à la mode. Même les intellectuels, les gros universitaires s’alignent. Moi, je suis naturellement réfractaire par rapport à ça. Alors qu’est-ce qui se passe avec ‘Orange’ ? ‘Orange’ est une marque de télécommunication mobile achetée par France Télécom à la fin des années 2000 et qui était basée en Angleterre. Evidemment, c’est entre la guerre des grands. France Télécom est en concurrence avec des grands comme Deutsche Télécom, Vodafone, etc. Donc, il fallait que les gens s’associent. A l’époque, c’était ça la mode. Nous avons vu des mastodontes fusionner pour créer des multinationales dont les budgets sont faramineux, supérieurs même aux budgets de tous les pays membres de l’Union africaine (Ua). Mais l’histoire a prouvé que ces grands regroupements n’ont pas fait leur preuve. C’est dans cet environnement que France Télécom a acquis ‘Orange’. Mais, à un moment donné, elle a voulu l’imposer à toutes ses filiales sans tenir compte des réalités économiques et culturelles des pays concernés. Nous ne croyons pas à ce genre de démonstration qui semble relever de la magie. Parce que, pour nous, le fondement de la qualité, c’est la créativité, c’est l’investissement. Ce n’est pas une magie d’une quelconque marque. C’est pourquoi nous avions très tôt souligné à la Sonatel le fait de considérer qu’une marque a des préalables. Une marque doit obéir à des critères de culture, à des exigences de performance et à des exigences de pénalité au cas où ça ne marche pas. Une marque, c’est d’abord une contractualisation des rapports. Elle doit venir pour combler un vide. Nous avons au niveau de la Sonatel ‘Alizé’ qui a fait ses preuves. Cette société était partie de zéro à 2 millions d’abonnés avant la venue de ‘Orange’. On nous dit maintenant qu’il faut prendre ‘Orange’. Si ‘Alizé’ a fait un mauvais travail, on nous aurait dit : ‘Voilà les insuffisances de cette marque, voilà ce que nous pouvons faire pour l’améliorer’. On ne nous a rien démontré de tout cela. On nous dit qu’il faut qu’‘Orange’ vienne. Cette marque est là depuis un an ou un an et demi. S’il y a des progrès, ce n’est pas son nom. Jusqu’à présent, les gens continuent à parler de ‘Alizé’. Les travailleurs eux-mêmes continuent à se battre pour la qualité. ‘Orange’, en elle même, ne peut pas amener cette qualité-là.

Wal Fadjri : Est-ce le seul défaut de qualité que vous déplorez chez ‘Orange’ ?

Ibrahima Konté : Par delà cette situation, ce que nous déplorons le plus dans cette marque, c’est l’aspect financier. Prenez notre marque et payer nous des milliards chaque année, c’est ce qui nous paraît incompréhensible. On nous dit que vous allez prendre la marque, mais chaque année, vous allez me verser une redevance annuelle. C’est la taxe sur la marque. Elle est évaluée à 3,7 % du chiffre d’affaires. Déjà quand France télécom venait avec la privatisation en 1997, elle avait une autre taxe appelée ‘Management fee’ qui était de 1,6 % du chiffre d’affaires que la Sonatel versait en plus, soi-disant pour rembourser le savoir-faire. France télécom n’a investi que 70 à 80 milliards de francs Cfa. De 1997 à maintenant, elle a largement amorti son investissement. Aujourd’hui, elle est à moins de 150 milliards de francs. Nous l’avons combattu. Finalement, le Conseil d’administration nous a rejoint pour revoir à la baisse la formule qui est passée de 1,6 à 1,3 %. Et nous continuons à dire qu’il faut l’éliminer. Nous n’avons même pas fini de combattre cette taxe-là, on nous demande encore de payer la marque ‘Orange’. Nous avons râlé. Nous nous sommes battus au Conseil d’administration. Finalement, l’Etat nous a rejoint. Comme la Direction générale a dit qu’elle a besoin de la marque pour faire face à la concurrence, nous leur avons dit d’accord, mais que ça se fasse à coût nul. C’est-à-dire soit la marque vient, mais nous ne payons rien ou bien si elle vient, il faut réduire le coût et éliminer le ‘Management fee’. Finalement, l’Etat nous a rejoint sur ça. Et c’est sur cette base que nous avons fait le compromis. Pour dire que ‘Orange’ peut venir. Et France télécom s’est engagé à verser à la Sonatel tous les frais relatifs à la venue de ‘Orange’ au départ. En fin 2007, le ‘management fee’ va expirer. Et maintenant, il va falloir renégocier. Pour nous, pour l’Etat et même pour la Direction générale, le ‘Management fee’ doit être supprimé. Il ne restera alors qu’une seule taxe. Et elle ne doit pas dépasser 1,3 % du chiffre d’affaires.

Wal Fadjri : Ce compromis est-il juste ?

Ibrahima Konté : Pour nous, ce compromis ne nous semble pas juste. Sur la base de quelle rationalité économique on doit rémunérer quelqu’un sur un produit dont il n’a aucun mérite historique. Le chiffre d’affaires de ‘Alizé’ peut être estimé aujourd’hui à 120 milliards de francs. Cet argent, c’est une accumulation de travaux de 1997 à nos jours. Où était ‘Orange’ ? C’est-à-dire que nous allons rémunérer quelqu’un sur la base d’un travail pour lequel il n’a apporté aucune contribution historique. C’est de l’arnaque. Notre opposition à ‘Orange’, c’est une opposition culturelle, une opposition de refus de mirage et surtout de coût par rapport à la Sonatel et aux consommateurs. Maintenant, les problèmes techniques, il y en a toujours dans les télécommunications. Quelque soit la marque que vous allez amener ici, quelque soit l’onction divine qu’on va lui verser. Quelque soit sa magie, il y aura toujours des problèmes techniques.

Propos recueillis par Ndakhté M. Gaye

(Source : Wal Fadjri, 10 mai 2007)

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