INVESTCOM-SONATEL - La presse entre le marteau et l’enclume : Le Pm enferme, le Président élargit
samedi 5 novembre 2005
L’affaire Sonatel-Investcom met particulièrement à mal les relations entre la presse et le pouvoir en Guinée. Dernière victime en date, un journaliste ivoirien, exerçant en Guinée Conakry, emprisonné et élargi quelque temps après, par la seule volonté des autorités politiques. En effet, Louis Espérant Célestin, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Guinée actuelle a été arrêté par la police judiciaire guinéenne le mardi 1er novembre dernier, et inculpé pour diffamation à l’encontre du Premier ministre de Guinée, M. Cellou Dalein Diallo.
Célestin a été transporté à la Maison centrale d’arrêt de Conakry le même jour à 17 h 28 mn sur ordre du procureur Yaya Kairaba Kaba. Il lui était reproché le fait que Guinée Actuelle ait repris un article publié sur le site internet aminata.com sous le titre « Affaire licence Gsm : le Premier ministre isolé par le Gouvernement, lâché par le Général, me-nacé par la Sonatel ». L’article accuse le Premier ministre, Cellou Dalein Diallo, d’avoir reçu de la Sonatel, 21 millions d’euros contre l’attribution de la 4e licence Gsm.
Dans ce montant, il aurait perçu une partie comme pot-de-vin. Le reste aurait servi à renforcer les caisses de la Banque centrale de la République de Guinée. Bien que démentie par des journaux de la place, cette information a quand même dérangé le premier des ministres guinéens. Et Louis Célestin Espérant s’est retrouvé en prison sur plainte de Cellou Dalein Diallo. La directrice de publication du journal Guinée Actuelle, Aminata Camara explique : « Des agents sont venus à notre rédaction. Ils se sont présentés comme étant des agents commerciaux. Nous étions absents, Célestin et moi. A notre arrivée, une convocation lui a été jetée à la figure. Et il a été embarqué de force pour la police judiciaire. Alors que nous avions reçu un avertissement du Cnc (Conseil national de la communication) moins de 72 heures auparavant. Célestin a passé une nuit en prison sans qu’aucune autorité ne réagisse. C’est bien dommage ! Pourquoi arrêter un journaliste pour un article jugé diffamatoire, à la place de la directrice de publication que je suis ? Et tout en déviant le Cnc ? »
Mais, deux jours après, ce fut un coup de théâtre. Notre confrère a été élargi sans avoir été entendu au fond. Des interlocuteurs indiquent qu’il aurait « bénéficié » (?) d’une grâce du Président Lansana Conté, qui n’a pas jugé utile de le poursuivre. Ce qui ne manque pas de plonger encore plus de flou dans cette affaire. Des voix n’ont pas manqué d’interpréter cet élargissement comme un camouflet infligé au Premier ministre par le Président, qui ne serait pas satisfait de l’opacité qui règne dans ses rapports avec la Sonatel sénégalaise. Pour sa part, Investcom s’installe. Cela, suite à une signature entre le gouvernement guinéen, représenté par Jean-Claude Sultan, ministre des Postes et Télécommunications et Arreba Guinée Sa, représenté par M. Jamal Ramadan, fondé de pouvoir et directeur général de ladite société. Est-ce le fin mot de l’histoire ? Bien malin qui y répondra !
Par Alhousseyni BARRY - Correspondance particulière
(source : Le quotidien, 5 novembre 2005)