IA et Big Data : Igor Hounzandji invite à « maximiser les avantages tout en réduisant les risques »
samedi 13 janvier 2024
A en croire les prédictions scientifiques, ce sont des technologies dont l’impact sera plus impressionnant que l’Internet. L’IA et le Big Data, même s’ils existaient depuis des décennies, deviennent de plus en plus incontournables dans un monde où la technologie n’a pas encore livré tous ses secrets. Actuel Directeur scientifique à l’Agence francophone de l’intelligence artificielle (AFRIA), Igor Hounzandji décortique le sujet au micro de Cio Mag.
Cio Mag : Comment les technologies d’IA et de Big Data convergent-elles ?
Igor Hounzandji : La convergence des technologies d’IA et de Big Data est une tendance importante dans le domaine de la technologie. Ces deux technologies se complètent mutuellement et se renforcent, créant des opportunités significatives dans divers secteurs. Cette convergence ouvre la voie à des opportunités novatrices, à une amélioration de la prise de décision et à une efficacité opérationnelle accrue dans divers domaines.
L’intelligence artificielle est un domaine de l’informatique qui se concentre sur le développement de systèmes capables d’accomplir des tâches nécessitant généralement une intelligence humaine. Quant au Big data, il fait référence à l’analyse et à la gestion de vastes ensembles de données complexes, variées et massives, qui dépassent les capacités des méthodes traditionnelles de traitement de l’information.
Les deux technologies convergent dans le traitement de données massives. Ainsi, le Big Data implique le traitement et l’analyse de vastes ensembles de données. L’IA, en particulier le Machine Learning, utilise ces ensembles de données massifs pour former des modèles prédictifs et analyser des schémas complexes. De plus, l’IA, en particulier le Deep Learning, bénéficie des grandes quantités de données disponibles dans le Big Data pour améliorer la précision des modèles.
La convergence s’étend à l’analyse prédictive avancée et l’automatisation des processus. En combinant les capacités prédictives de l’IA avec l’analyse de données massives, les entreprises peuvent anticiper les tendances futures, prendre des décisions éclairées et identifier des opportunités commerciales. L’IA peut être intégrée aux systèmes de Big Data pour automatiser des tâches telles que l’analyse de données, la détection d’anomalies, et la génération de rapports, permettant aux entreprises d’exploiter plus efficacement les informations extraites des grandes quantités de données.
Enfin, la convergence porte sur la personnalisation des expériences utilisateur. Dans ce cadre, les entreprises peuvent utiliser l’IA pour analyser les données massives et fournir des expériences utilisateur personnalisées.
Quels sont les secteurs qu’ils impactent ? Et comment ?
L’IA et le Big Data ont un impact significatif sur divers secteurs de l’économie et de la société. Dans le domaine de la santé, l’IA est utilisée pour analyser d’énormes ensembles de données médicales afin d’améliorer le diagnostic et le traitement des maladies. Le Big Data facilite la gestion efficace des dossiers médicaux électroniques, permettant un suivi plus précis des patients. Dans la finance, les algorithmes d’IA peuvent prévoir les tendances du marché, aider à la prise de décision en matière d’investissement et détecter les fraudes financières. Et le Big Data permet une analyse approfondie des risques financiers en utilisant des modèles complexes.
L’IA et le Big Data transforment profondément la manière dont les entreprises opèrent et comment les individus interagissent avec les services.
Quant à l’éducation, l’IA peut adapter les programmes éducatifs en fonction des besoins individuels des étudiants, améliorant ainsi l’efficacité de l’apprentissage. Les données collectées peuvent être utilisées pour évaluer les performances des étudiants, des enseignants et des institutions. De même, l’IA et le Big Data interviennent de diverses manières dans l’industrie manufacturière, le transport, le commerce électronique, la sécurité et les ressources humaines. En résumé, l’IA et le Big Data transforment profondément la manière dont les entreprises opèrent et comment les individus interagissent avec les services. Cependant, il est important de gérer de manière éthique et responsable les données et les applications de l’IA pour minimiser les risques potentiels.
Quels en sont les utilités et surtout les dangers ?
Les possibilités et les avantages offerts par l’IA et le Big Data sont nombreux, mais ils s’accompagnent également de défis et de risques potentiels. Les utilités abordent l’amélioration de l’efficacité. A cette étape, l’IA et le Big Data peuvent automatiser des tâches répétitives, permettant aux entreprises d’améliorer leur efficacité opérationnelle. Sur le volet de la prise de décision assistée, les systèmes basés sur l’IA peuvent analyser d’énormes quantités de données rapidement pour aider à la prise de décision, que ce soit dans les affaires, la médecine, la finance, etc.
Par rapport aux avancées médicales, l’IA et le Big Data sont utilisés dans la recherche médicale pour analyser des ensembles de données massifs, accélérer la découverte de médicaments et améliorer les diagnostics. En ce qui concerne l’automatisation industrielle dans le secteur manufacturier, l’IA et l’analyse de données permettent d’optimiser les processus de production et de maintenance.
Mais les dangers ont trait à la protection de la vie privée. En effet, la collecte et l’analyse massives de données peuvent entraîner des atteintes à la vie privée si elles ne sont pas correctement gérées, notamment avec le risque de profilage excessif. Le biais algorithmique porte sur le fait que les algorithmes d’IA peuvent reproduire et amplifier les biais existants dans les données, ce qui peut entraîner des discriminations et des inégalités. Il y a aussi les aspects liés à la dépendance technologique, la perte d’emplois, la sécurité et l’éthique.
L’IA et la Big Data sont en train d’être les prochaines disruptions numériques, si elles ne le sont pas déjà. Comment les humains pourraient-ils s’y adapter ?
L’intégration de l’IA et du Big Data représente effectivement une transformation majeure dans le paysage numérique. Les humains peuvent s’adapter à ces changements de plusieurs manières. En matière de connaissance, cela peut se faire via la formation, l’éducation et la compréhension des technologies. En effet, les individus doivent acquérir des compétences nouvelles et mettre à jour leurs connaissances pour rester pertinents.
L’émergence de nouvelles technologies crée également de nouveaux emplois.
En matière d’usage, l’accent doit être mis sur la collaboration avec les technologies, sur l’éthique et la confidentialité. Les humains peuvent tirer parti de l’IA en collaborant avec les systèmes intelligents plutôt qu’en les considérant comme des remplaçants. Par ailleurs, la gestion des risques et la prise de conscience sur les limites doivent être de mise. Les individus et les organisations doivent développer des stratégies pour atténuer les risques associés à l’utilisation de l’IA, tels que la sécurité des données, la discrimination algorithmique et la perte d’emplois.
Quant à la continuité d’activités humaines, nous devons penser à l’adaptation des modèles économiques ainsi que la création de nouveaux emplois. Les entreprises et les travailleurs doivent envisager de nouveaux modèles économiques qui tirent parti de l’IA pour rester concurrentiels. Aussi, bien que certaines tâches soient automatisées, l’émergence de nouvelles technologies crée également de nouveaux emplois.
Quid de l’éthique et de la sécurité de l’IA et du Big Data ?
L’éthique et la sécurité de l’IA et du Big Data sont des préoccupations majeures dans le domaine de la technologie. L’éthique de l’intelligence artificielle est un domaine de réflexion qui explore les questions morales et sociales liées au développement, à l’utilisation et à l’impact de l’IA. Avec les avancées rapides dans ce domaine, il est devenu essentiel de prendre en compte les implications éthiques pour garantir que l’IA est développée et utilisée de manière responsable. Une IA éthique doit s’appuyer sur quelques principes fondamentaux tels que la transparence et l’explicabilité. Il est important de rendre les systèmes d’IA compréhensibles pour les utilisateurs et les parties prenantes. Les décisions prises par les algorithmes doivent être explicables afin que les individus puissent comprendre comment ces décisions sont prises.
Parlant d’équité, l’IA ne doit pas favoriser la discrimination. Les biais existants dans les données utilisées pour former les modèles d’IA peuvent être amplifiés, conduisant à des résultats injustes. Il y a aussi le respect de la vie privée. A ce sujet, les technologies d’IA traitent souvent de grandes quantités de données personnelles. Il est donc crucial de garantir la protection de la vie privée des individus en mettant en place des mécanismes robustes de gestion des données.
La notion de responsabilité ramène au fait que les concepteurs et les utilisateurs d’IA doivent être tenus responsables des décisions et des actions de ces systèmes. Cela inclut la responsabilité en cas de conséquences négatives résultant de l’utilisation de l’IA. Il y a aussi la participation humaine, la durabilité sociale, de même que les normes et réglementations.
La sécurité de l’IA et du Big Data est une préoccupation majeure dans le domaine de la technologie, car ces deux domaines sont de plus en plus utilisés dans divers secteurs. La sécurité doit s’appuyer sur quelques principes fondamentaux tels que la cyber-sécurité. A ce niveau, les données massives collectées et traitées dans le Big Data sont des cibles potentielles pour les attaques. En outre, le cryptage des données est une pratique courante pour sécuriser les données pendant le stockage, la transmission et le traitement. La notion de sécurité fait également appel à l’intégrité des données, la conformité réglementaire, la sécurité des modèles et la formation du personnel.
Nous avons vu le développement de Chat GPT avec ses soupçons de potentiels dangers. Lorsque ces technologies entameront leur vitesse de croisière, quelle serait encore la place de l’humain ?
L’évolution rapide des technologies, y compris des modèles de langage comme ChatGPT, soulève des questions importantes sur la place de l’humain dans un monde de plus en plus automatisé et axé sur l’IA. Il est important de noter que la place de l’humain dépendra largement de la manière dont la société choisit de développer, d’adopter et de réglementer ces technologies. Une approche équilibrée qui favorise la collaboration entre l’homme et la machine, tout en maintenant un contrôle éthique et une responsabilité humaine, pourrait être cruciale pour assurer un avenir positif.
[…] mise en place de réglementations appropriées, une transparence accrue et une collaboration étroite entre les secteurs public et privé.
La convergence de l’IA et du Big Data ouvre des perspectives innovantes, améliorant la prise de décision et l’efficacité opérationnelle dans divers domaines. Ces technologies transforment profondément les méthodes de fonctionnement des entreprises et les interactions individuelles avec les services. Bien que l’IA et le Big Data présentent d’énormes opportunités, il est crucial de gérer de manière responsable les défis associés afin de maximiser les avantages tout en réduisant les risques. Cela exige la mise en place de réglementations appropriées, une transparence accrue et une collaboration étroite entre les secteurs public et privé.
L’adaptation à l’IA et au Big Data nécessite une approche proactive axée sur l’apprentissage continu, la collaboration technologique, la gestion des risques et la création d’opportunités nouvelles. Il est essentiel que cette transition soit guidée par des principes éthiques afin d’assurer un impact positif sur la société dans son ensemble.
Michaël Tchokpodo
Qui est Igor Hounzandji ?
Actuellement en poste en tant que Directeur scientifique à l’Agence francophone de l’intelligence artificielle (AFRIA), M. Ablo Paul Igor Hounzandji a consacré une part significative de sa carrière à la recherche scientifique, ayant exercé au Maroc (RCS), en France (INRA), en Belgique (UCL) et au Canada (UQAT). M. Hounzandji est également à la tête, Group-CEO, de trois entreprises basées à Madagascar, au Québec et au Bénin, et spécialisées dans les solutions numériques et la science des données.