Hausse des tarifs des communications internationales : Un faux pas de plus de l’Etat du Sénégal
vendredi 13 août 2010
Dans un contexte national inflationniste et mondial défavorable, le gouvernement du Sénégal choisit de surenchérir en procédant à une hausse assez sensible des tarifs des communications internationales. Dans un contexte national inflationniste et mondial défavorable, le gouvernement du Sénégal choisit de surenchérir en procédant à une hausse assez sensible des tarifs des communications internationales par l’instauration d’une nouvelle taxe, sans tenir compte des conséquences très dommageables que cette variation des prix induit au plan macro-économique. En effet, la tarification passe de 92 francs Cfa l’unité à 141 francs Cfa, soit une variation en valeur relative de 53% dans un environnement où les coûts des transactions au niveau du secteur des Nouvelles technologies de l’information et de la communication subissent des baisses tendancielles. A cet égard, vous conviendrez avec moi qu’il est surprenant et paradoxal au point de devenir une hérésie de constater, qu’en plus de la forte amplitude de l’augmentation, les prix subissent une évolution inverse à la baisse tendancielle du coût des facteurs. La baisse des prix dans le secteur des Nouvelles technologies de l’information et de la communication est consubstantielle à son développement par l’effet cumulatif de l’induction du progrès technique et des économies d’échelle qui entraînent la réduction des coûts unitaires de transaction. C’est dire qu’il ne peut pas exister dans ce domaine une variation à la hausse des tarifs justifiée par le jeu des facteurs, tout au contraire, la tendance devrait être à une modération des tarifs. Au surplus, le secteur des télécommunications joue aujourd’hui un rôle primordial dans le développement de l’économie globale et constitue le pilier de la nouvelle économie, de sorte que toute hausse dans ce domaine provoquera non seulement une baisse du volume des transactions, mais à terme, conduira à une hausse généralisée des prix au Sénégal, en ce que la communication, de nos jours, constitue un facteur technique principal de production. Si bien que, la compétitivité des entreprises se trouvera compromise et les investissements subiront un net ralentissement pour un pays qui figure déjà dans le peloton de tête des pays les plus chers au monde .Les pertes pour l’économie nationale en termes de valeur ajoutée seront considérables avec les baisses de compétitivité en raison de l’accroissement des coûts comparatifs et de la diminution des volumes transactionnels par le jeu des effets de substitution, en plus du fait que le secteur touristique, naguère pourvoyeur de devises, se trouvera particulièrement affecté.
Rappelons - nous que la hausse des prix consécutive à l’introduction d’une taxe sur les tarifs des billets d’avion dans le but de constituer un fond d’investissement afin de réaliser l’aéroport de Ndiass a déjà impacté négativement l’activité dans le secteur touristique au Sénégal.
L’instrumentalisation de l’impôt dans le sens d’une hausse pour constituer des fonds d’investissement (trop d’impôts tue l’impôt) doit être évitée, au vu de la modification des prix relatifs, qu’une telle manipulation générée pouvant créer des déséquilibres entre l’offre globale et la demande globale des biens et services .Dans un monde de plus en plus concurrentiel, les politiques économiques doivent s’orienter vers l’abaissement des coûts pour une meilleure compétitivité des entreprises et pour la création d’un environnement favorable aux investissements. Nos gouvernants doivent faire très attention en manipulant facilement l’imposition surtout si les intentions sont mues par des considérations non économiques pour servir des intérêts particuliers.
Déjà, la croissance économique au Sénégal qui a été presque nulle en 2009 (1,5%) risque de connaître le même sort en 2010 au grand dam de la croissance accélérée à deux chiffres dont les pouvoirs publics avaient l’ambition de réaliser en 2000.
Les crises dans les secteurs de l’énergie, de l’agriculture, de l’industrie et aujourd’hui des télécommunications sont les manifestations d’un processus de dégradation avancée du tissu économique sénégalais résultant d’une mal gouvernance économique. Hier, c’étaient les Ics, la Sar, la Sonacos, Air Sénégal international, la Senelec de subir des remous dont certains ne se sont plus relevés à la suite d’un interventionnisme débordant des pouvoirs publics, aujourd’hui, c’est au tour de la Sonatel de vivre les mêmes travers. La situation se présente comme si l’on ne s’intéresse qu’à des parts de marché qui déterminent les choix au détriment des facilitations pour l’intérêt général provoquant de nombreux conflits d’intérêt dans notre pays.
Dans l’un des pays les plus chers au monde où la tendance à l’augmentation des prix se poursuit de façon soutenue rendant problématiques la consommation, l’épargne et l’investissement, il y’a lieu de s’arrêter un instant et de jeter un autre œil sur la marche des affaires.
Kadialy Gassama
Economiste
Rue Faidherbe X Pierre Verger
Rufisque
(Source : Le Quotidien, 13 août 2010)