Hamadoun Touré : « Le fonds d’aide aux start-up porté par la Tunisie s’ouvrira aux investisseurs internationaux dès 2019 »
mardi 29 janvier 2019
Le fonds d’aide aux start-up africaines lancé par l’alliance Smart Africa (24 pays membres) et la république tunisienne, en partenariat avec la société d’investissement suisse Founders ventures, a pour objectif de lever 500 millions de dollars. Un premier « techhub » panafricain vient d’être créé à Bizerte. A partir de janvier 2019, le fonds s’ouvrira aux investisseurs internationaux.
CIO Mag : En quoi consiste le « Smart Africa Start-up investment fund » que vous avez mis en place en partenariat avec la Tunisie ?
Hamadoun Touré : Dans le cadre des objectifs qui lui ont été confiés par Smart Africa, la République tunisienne se charge de développer l’écosystème de start-up africain. L’une de ses missions est de trouver une solution au financement des jeunes pousses. A cet effet, le secrétariat de Smart Africa, la Tunisie et Founders Ventures [1] vont travailler ensemble pour le financement des start-up africaines en amorçage. Ce choix a été validé par le conseil d’administration de Smart Africa en mai 2018 à Kigali. La Tunisie vient avec les équipes de Founders Ventures, lesquelles sont issues des plus prestigieuses sociétés d’investissement mondiales et ont développé une expertise technologique et entrepreneuriale unique, notamment dans la structuration régulée sur certaines blockchains (STO).
Outre le financement, Founders Ventures accompagnera les start-up africaines sélectionnées dans la définition de leur stratégie marché, technique et financière grâce à sa plateforme digitale propriétaire – la « FoundersOne Box » – et les hubs régionaux qu’elle compte ouvrir en partenariat avec la Fondation suisse pour la coopération & le développement.
CIO Mag : Quand le lancement du fonds est-il prévu ? Il est question de 500 millions de dollars… Pour quels types de start-up ?
H. T. : Dans les faits, les opérations de Founders Ventures ont déjà démarré en Tunisie depuis septembre 2018, notamment dans le cadre du partenariat stratégique et exclusif avec la Fondation suisse pour l’innovation et le développement. A partir de janvier 2019, le fonds s’ouvrira progressivement aux investisseurs internationaux qui partageront son ambition et sa démarche pour les startup du Continent. Dans le cadre de Smart Africa, chaque pays lance son projet phare et partage l’expérience avec les autres pays ; c’est ce que fait la Tunisie. Dans le cadre d’Afric’up [qui s’est tenu à Tunis les 2 et 3 octobre 2018, ndlr], il a été annoncé la création du premier « techhub » panafricain de Founders Ventures à Bizerte. L’implantation du premier « Founders Hub » dans cette ville du Nord de la Tunisie est au cœur de l’un des projets de Smart City les plus ambitieux du Continent, Bizerte ayant été choisie par l’Union Africaine (UA) et l’Union internationale des télécommunications (UIT) pour être un des sites pilotes du développement d’applications pour les Smart Cities.
Founders Ventures est actuellement en phase de sélections de start-up à fort potentiels et en phase d’amorçage, qui ont besoin de 50.000 à 200.000 dollars (USD) pour accélérer leur développement dans un des pays de l’alliance Smart Africa. La Fondation suisse et Founders Ventures vont annoncer prochainement un appel à proposition pour sélectionner une trentaine de start-up africaines qui bénéficieront d’un coaching, d’un accompagnement spécial dans les meilleures accélérateurs/ incubateurs helvétiques durant plus de trois mois. Elles se verront certifiées d’un label « Impact Startup » des Nations Unies pour leur impact social, économique, environnemental, … Il s’agit aussi de soutenir des projets maximisant l’impact local, notamment en termes d’emplois. De ce fait, les projets Fintech, Healthtech, Agrotech et Smart Cities sont étudiés avec une attention particulière, sans oublier les autres thématiques.
CIO Mag : Comment Smart Africa a choisi la Tunisie comme gestionnaire de ce fonds ?
H. T. : Les pays membres de Smart Africa s’engagent à porter un programme s’inscrivant dans la vision et la stratégie de cette alliance. L’un des objectifs est d’en faire bénéficier les pays membres en partageant toutes les expériences. En mai 2017, la Tunisie s’est proposée de porter l’incubation de l’écosystème des start-up africaines. Un an après, en mai 2018, la Tunisie a annoncé le « Startup Act » lors du sommet « Transform Africa ». Il s’agit d’une loi primordiale s’adressant aux jeunes « startupers » tunisiens mais aussi à tous les « startupers » du continent africain. Le décret d’application du Startup Act [Loi n°2018-20 du 17 avril 2018, ndlr [2]] a été signé lors du dernier conseil ministériel, le 3 octobre 2018, comme l’avait annoncé le ministre tunisien des Technologies de la communication et de l’Economie numérique, Anouar Maârouf, à l’ouverture de l’Afric’up [lire notre enquête sur la Tunisie, ndlr]. C’est un pas de géant qui a été fait pour l’Afrique, mais d’autres défis se présentent à nous. On ne peut que se réjouir du premier défi remporté par la Tunisie et du résultat obtenu très rapidement.
CIO Mag : Qui va gérer de fond
H. T. : Selon la Tunisie, le « Smart Africa Startup Fund » sera géré par Founders Ventures, qui travaillera avec le secrétariat de Smart Africa et la République tunisienne pour proposer une nouvelle démarche du financement des start-up en phase d’amorçage et afin d’impulser une véritable dynamique digitale africaine. Le fonds aura pour mission de financer et d’accompagner les start-up des 24 pays membres de l’alliance Smart Africa. Founders Ventures s’est engagé à créer une entité africaine et former de jeunes Africains à la gestion et l’accompagnement des start-up. Smart Africa soutient ce projet, non en tant qu’investisseur mais va plutôt dans son rôle stratégique d’appui, afin de faciliter leur réussite et celle de l’Afrique digitale que nous appelons de tous nos vœux.
CIO Mag : Voyez-vous en Afrique d’autres pays où les jeunes pousses de développent aussi bien et dans un cadre réglementaire favorables ?
H. T. : Je constate que l’écosystème « startup » des pays comme le Kenya, l’Afrique du Sud, le Sénégal, le Rwanda, le Nigeria, le Maroc, le Ghana, l’Egypte, le Gabon, le Benin et la Côte d’Ivoire (pour ne citer que ceux-là) sont des pays qui ont atteint un certain niveau de maturité. La réussite d’Afric’up qui a eu lieu à Tunis, un sommet des start-up africaines auquel Smart Africa a participé, fut un véritable révélateur de l’écosystème africain. En marge de ce sommet, Smart Africa – en étroite collaboration avec la Tunisie et plusieurs pays de l’alliance – vient lancer un projet regroupant un « cluster » de plusieurs pays africains afin de partager l’expérience tunisienne, d’appuyer les efforts des pays d’Afrique à développer des cadres légaux et réglementaires favorisant les start-up, et à fédérer les écosystèmes dans l’objectif de l’étendre au plus grand nombre des pays l’alliance. Ce n’est qu’une étape, car le meilleur reste à venir et nous comptons sur tous nos membres pour que de nombreux événements voient le jour au profit de l’Afrique digitale, et Smart Africa en sera le fer de lance. L’Algérie et le Maroc ne font pas encore partie de l’Alliance mais les discussions sont avancées avec eux et je ne peux m’exprimer sur le sujet pour le moment.
Propos recueillis par Charles de Laubier
(Source : CIO mag, 29 janvier 2019)