Grâce au numérique, le continent africain est en train de réduire son retard par rapport aux pays développés
jeudi 30 juillet 2020
Bien que les défis de l’insuffisance des infrastructures, de l’enclavement rural, de l’énergie et de la cherté des données restent à surmonter, nul ne peut nier que l’ensemble du continent se numérise à un rythme sans précédent.
Aujourd’hui, on ne peut parler de développement sans parler de l’économie numérique. D’après Internet World Stats, le taux de pénétration d’Internet en Afrique s’élève au 30 juin 2019 à 39.8 %, soit 525 millions d’usagers, contre une moyenne mondiale de 57.3 %. Et selon le rapport GSMA 2018 sur l’économie numérique africaine, les technologies mobiles ont contribué à hauteur de 7.1 % du PIB de l’Afrique subsaharienne, soit 110 milliards de dollars. Ce qui montre que l’économie du savoir va se démocratiser avec l’augmentation de l’accès à Internet et la réduction des coûts, notamment dans les pays enclavés. Mais cela ne sera possible que si les politiques publiques s’emparent de cette problématique. C’est donc la mission nécessaire qui leur incombe.
L’avènement de nouveaux modèles et instruments qui révolutionnent les façons de faire en Afrique
Le bond technologique ou « leapfrogging » est l’un des grands thèmes de l’histoire économique africaine depuis une dizaine d’années. Il représente un énorme potentiel de transformation en ce qui concerne le développement des infrastructures et les défis socio-économiques. L’Afrique a en effet pris le taureau par les cornes en adoptant la technologie mobile, démontrant ainsi son leadership en matière d’innovation dans l’écosystème des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Les Africains développent des services et des applications pour le continent, fournissant des informations sur les prix du marché, la santé et même les bonnes pratiques agricoles. Certaines régions d’Afrique ont déjà fait beaucoup de progrès dans le développement de systèmes de paiement par téléphone portable qui donnent aux millions de personnes non bancarisées une chance de s’intégrer à l’économie formelle. En effet, des pays comme le Kenya ont même créé de nouvelles universités pour former des professionnels du secteur de la téléphonie mobile à l’initiative des autorités des télécommunications. De son côté, la Côte d’Ivoire compte près de 37 startups fintechs qui développent de nouveaux modèles d’affaires en paiement mobile, allant jusqu’à les adaptés au contexte du monde rural comme c’est le cas avec Moja Ride, une startup locale en fintech. Au Cameroun, Kiro’o Games est le 1er studio de création de jeux vidéo d’Afrique centrale qui innove en créant des jeux, des bandes dessinées, des animatiques etc. pour et par les africains. Une startup qui lève actuellement un million de dollars US pour son expansion.
La formation au numérique, un jalon indispensable
Disposer des outils nécessaires à la mise en place de solutions de haute technologie est une face de la médaille, la formation des personnes à l’utilisation de ces outils en est l’autre. Nous disposons d’un avantage démographique, puisque plus de 70 % de la population en urbanisation rapide a moins de 30 ans. Cette jeune population n’aspire à rien d’autre qu’un téléphone, voire deux et un accès à l’information via un internet stable et abordable. Investir dans notre capital humain à travers la formation est fondamental pour capitaliser dans la technologie.
Dans son rapport sur l’économie de l’information intitulé « Numérisation, commerce et développement », la CNUCED souligne l’impact croissant de la technologie numérique sur les économies africaines. Si le continent continue d’avoir le plus faible taux de pénétration de l’internet à large bande, il est aussi celui qui connaît la croissance la plus rapide au monde. C’est le cas avec le Sénégal par le biais de sa stratégie nationale, Sénégal numérique 2025, qui présente un classement intéressant à l’échelle du continent (14ème selon le « Network Readiness Index 9 ») en matière de développement des infrastructures numériques contribuant déjà ainsi à 2% du PIB dans le pays, avec l’ambition d’atteindre 10% d’ici 5 ans. Pour cela, le pays s’est donné comme objectifs : d’améliorer l’insertion des jeunes dans l’emploi, de favoriser l’industrialisation et la main-d’œuvre sénégalaise et de fournir des certifications acquises hors du cadre de l’enseignement traditionnel. Le Sénégal a d’ailleurs inauguré l’école nationale de cybersécurité à vocation régionale (ENVR) de Dakar le 6 novembre 2018. Preuve que le pays s’inscrit dans l’ère de l’économie numérique.
Un bond technologique amorcé
D’ici 2025, la contribution du numérique au PIB africain devrait rattraper des pays comme la Suède et le Royaume-Uni, selon McKinsey. Ne parlons-nous pas déjà d’un « bond » de l’Afrique dans le domaine du numérique grâce à la banque mobile, au commerce électronique ou même à l’administration en ligne ? Face à ses nombreuses contraintes – géographiques, sanitaires ou écologiques – l’Afrique a dû constamment rechercher de nouveaux modèles et innover pour se développer. Prenons l’exemple de la santé : l’Afrique ne compte à ce jour que 2 médecins pour 10 000 habitants alors que l’Europe en compte 32, la transformation numérique de l’offre de soin représente 41% des établissements de santé africains. Peut-on imaginer une meilleure opportunité de développer la santé en ligne ? Aujourd’hui, le continent est amené à innover pour contourner ses contraintes naturelles et rattraper son retard technologique en usant de nouvelles technologies comme l’Intelligence Artificielle (IA) qui permettent de détecter les maladies à l’image de ce qui a été mis en place au Maroc et au Gabon durant la crise actuelle du Covid-19.
Repenser les administrations en Afrique
Si l’économie numérique offre des perspectives prometteuses pour l’avenir, plusieurs éléments doivent être pris en considération afin que la nouvelle économie numérique soit inclusive et profite au plus grand nombre. Il existe plusieurs moyens de rendre les plateformes africaines d’administration en ligne plus utiles et plus adéquates pour la majorité des citoyens. Il est donc essentiel que ces plates-formes soient accessibles sur les téléphones mobiles ; cette technologie est de plus en plus abordable pour la plupart des personnes sur le continent.
Les plates-formes d’administration en ligne créeront des espaces d’autonomisation pour les petites entreprises et les entreprises informelles. Les États pourraient commencer à fournir des plates-formes de Cloud computing ouvertes qui peuvent soutenir ces entreprises grâce à une infrastructure informatique, des services logiciels et une visibilité sur un marché de consommation de plus en plus vaste. Le Togo, qui a pris toute la mesure de la situation, a par exemple déployé un réseau de 250 km de fibre optique au sein de ses administrations depuis 2017. Par ailleurs, les systèmes de paiement et de passation de marchés publics par voie électronique pourraient voir le jour dans tous les secteurs de l’administration. Les solutions d’administration en ligne devraient également englober d’autres aspects : les heures d’attentes seraient réduites dans les bureaux des services publics et le nouveau système doté d’une certaine rapidité faciliterait les transactions officielles. Partout en Afrique, les administrés qui souhaitent économiser du temps et être mieux informés seront pleinement satisfaits.
En définitive, le numérique – au sortir de la pandémie qui fragilise la plupart des économies dans le monde – constitue inéluctablement la nouvelle voie pour doper les économies africaines tout en accélérant le développement et le rayonnement des pays africains. Plus que jamais, il convient de faire les choix politiques adéquats selon le bon timing, en suivant les attentes des populations et avec le soutien des partenaires privés.
Loïse Tamalgo, Vice-Président en charge des relations publiques pour l’Afrique Subsaharienne de Huawei Northern Africa.
(Source : Akody, 30 juillet 2020)