La question des déchets électriques et numériques est au centre des préoccupations de Sénégal Numérique qui a mis en place la Direction de la gestion des déchets des équipements électriques et électroniques (D3E), désormais uniquement chargée de la question. Également appelée E-déchet, elle est logée à Colobane. ‘’EnQuête’’ présente la structure et ses missions.
Au cœur de Dakar, plus précisément à Colobane, est logé l’un des sites stratégiques de Sénégal Numérique SA. Il s’agit de la Direction de gestion des déchets des équipements électriques et électroniques. ‘’EnQuête’’ y a fait un tour.
Dans les locaux, ce qui frappe en premier, c’est la concentration du personnel qui s’attelle à la tâche. Élancé, vêtu d’une veste et d’un pantalon noir, le tout assorti d’une chemise bleue, de teint clair avec un visage radieux, au bord d’un jardin bien entretenu dont la verdure égaye les lieux, le chef de division d’E-déchet à Sénégal Numérique, Cheikhou Gassama, nous accueille. Il se lance dans une présentation de leurs missions. Créé en 2008, Sénégal Numérique a été la première structure à avoir jeté les bases d’une réflexion portant sur une étude de l’état des lieux. En ce temps-là, renseigne-t-il, il avait commandité une étude, au moment où il y avait table rase.
Selon le chef de division d’E-déchet, ils avaient comme objectif de voir le flux de matériels entrant et sortant au Sénégal, de voir les méthodes d’évacuation de ces déchets, ainsi que le cadre juridique et réglementaire lié à la gestion de ces derniers.
Ainsi, la structure a été érigée en direction, avec l’avènement de Sénégal Numérique, par la loi de décembre 2021, lorsque l’Agence de l’informatique de l’État a été justement remplacée par une société dénommée Sénégal Numérique SA.
Mais auparavant, la direction s’occupait de ce projet cumulativement à d’autres. Il s’agissait d’un programme divisé en trois projets ; à savoir le projet de gestion des déchets électriques et électroniques, le projet d’installation de salle multimédia et le projet de formation des couches vulnérables.
Il souligne que la gestion des déchets a été, très tôt, une préoccupation de l’État du Sénégal, compte tenu des enjeux énormes liés à cette même gestion. C’est la raison pour laquelle les autorités de Sénégal Numérique SA ont pensé ériger cette structure en direction.
Gassama est également revenu sur la collaboration avec le ministère de l’Environnement, le soutien de l’État pour les aspects normatif et administratif liés à la gestion d’un certain type d’équipement, à l’image des déchets électriques et électroniques.
Recyclage et valorisation des équipements électriques et électroniques obsolètes
Ainsi, E-déchet est une direction qui dépend de Sénégal Numérique. Elle est en charge du recyclage, de la valorisation des équipements électriques et électroniques obsolètes. ‘’Quand on parle d’équipements électriques et électroniques, on fait référence à tout ce qui marche avec une source d’énergie comme l’électricité ou bien une batterie’’, explique Cheikhou Gassama. Il souligne que l’éventail d’équipements est assez large, d’autant plus que ces équipements électriques et électroniques, on les trouve dans le domaine ménager, avec les réfrigérateurs, les fours micro-ondes, les ventilateurs, les téléviseurs et autres. Mais aussi dans les domaines professionnels, à l’image des imprimantes, des téléphones, des ordinateurs, des tablettes, etc. Il y a également le domaine des loisirs, avec les chaînes Wifi, les iPod et même les casques.
‘’Il y a des aspects électroniques tout autour qui sont devenus une nouvelle mode. Donc, l’ensemble constitue des éléments électriques et électroniques’’, indique-t-il.
En outre, par rapport aux déchets des ordures ménagères, ces déchets ont une certaine particularité : ils sont volumineux. Ils sont aussi composés de substances valorisables tels que le fer, le cuivre, l’aluminium et d’autres métaux précieux, mais aussi des substances particulièrement alcalines potentiellement dangereuses.
Protection de la faune et de la flore
Le chef de division d’E-déchet révèle ainsi que le travail de la structure qu’il dirige est pour éviter que ces substances envahissent l’environnement, détruisent la faune, la flore par le phénomène des ruissellements et d’autres pratiques plus ou moins néfastes de gestion. D’autant que se pose la question du renouvellement continu des Tic. ‘’On constate qu’il y a un renouvellement très rapide de l’ensemble de ces équipements, y compris la miniaturisation qui constitue des dangers potentiels. Sénégal Numérique a pris les devants pour que ces questions soient traitées dans leur plénitude’’, renseigne M. Gassama.
L’autre particularité de la direction est d’accueillir de nombreuses personnes présentant un handicap. Elles y ont un centre avec des bureaux et des magasins. Ainsi, la gestion des déchets, le démantèlement et le recyclage par le centre des handicapés constituent un volet social dans le cadre de ce projet. ‘’Les handicapés sont une frange de la société qui a du mal à s’insérer dans la vie active, raison pour laquelle nous avons mis à profit ces personnes pour leur permettre de travailler et de gagner dignement leur vie. Généralement, ils sont adjoints manutentionnaires, ce qui leur permet de travailler aisément’’, renseigne M. Gassama.
Vers un grand centre de recyclage dans la zone économique spéciale de Sandiara
Selon notre interlocuteur, il est envisagé d’élargir le cadre et de gérer les équipements pratiquement de la sous-région. Ce qui nécessite de mettre en place un grand centre vers la zone économique spéciale de Sandiara. ‘’Nous sommes en discussion avec des partenaires privés pour mettre en place ce centre qui pourra accueillir non seulement les déchets au niveau du Sénégal, mais aussi de la sous-région’’. Ce sont les partenaires qui se sont occupés de la formation aux techniques spécifiques et démantèlement.
‘’La formation elle a été faite, parce que nous avions sollicité, en son temps, l’ambassade d’Espagne qui nous a mis en rapport avec des sociétés espagnoles qui sont venues nous apprendre exactement les techniques d’utilisation, de manipulation, de gestion et de recyclage des déchets des équipements électriques et électroniques avec une certification européenne dont dispose l’ensemble du personnel qui travaille dans le cadre de ce projet. L’âge minimum pour faire cette formation, c’est 25 ans. Il faut avoir aussi des notions sur des aspects techniques liés à l’informatique, aux équipements électriques et électroniques, à l’électricité, à l’électronique de manière générale. Parce que nous gérons des substances dangereuses et il faut savoir exactement où elles se situent. Nous recevons chaque année des formations à l’endroit du secteur informel. Et nous faisons une semaine de formation’’, révèle-t-il.
Le chef de direction ajoute qu’il a été jeté les bases d’une réflexion sur le cadre juridique et réglementaire, avant de transmettre l’ensemble des documents au ministère de l’Environnement qui est en train de piloter le projet. ‘’Nous leur délivrons des attestations et des certificats de recyclage qui permettent, dans le cadre d’un audit environnemental, de brandir ces documents administratifs montrant que la gestion de l’environnement, la qualité et la sécurité sont bien prises en compte’’, affirme Gassama.
Explications sur le processus de démantèlement
Responsable du volet opérationnel du traitement des déchets électriques et électroniques, Abou Soumaré est le gérant de tout ce qui entre et sort de l’atelier. Il est revenu, pour ‘’EnQuête’’, sur le processus de démantèlement. ‘’Vous nous avez trouvés en train de démanteler des unités centrales. Une quinzaine de travailleurs font la formation de démantèlement. Ce démantèlement se passe comme suit : ils séparent les éléments par type. Par exemple : le fer, le circuit imprimé, les boîtes d’alimentation, les lecteurs, tout ce qui est aluminium, câble, on le dissèque. Le fer va pouvoir servir à faire autre chose’’.
Monsieur Soumaré de préciser qu’ils insistent auprès des employés sur la nécessité de se protéger, pour minimiser les risques d’accident. ‘’On peut rester deux à trois mois sans avoir d’accident. Il faut toujours chercher quelque chose. Rien n’est acquis. Nous allons vers les jeunes, les handicapés en leur disant que ce travail comporte des avantages. Il y a un aspect financier et de travail dans ce démantèlement’’.
Ainsi, pour le cas du fer, une fois démantelé, le kilo est vendu à 100 F CFA. ‘’Si quelqu’un à une bonne formation en démantèlement, il maximise ses profits en travaillant dans ce secteur’’, souligne-t-il.
Moussa Sow, un employé de Sénégal Numérique SA, a fait sept ans dans ce milieu. Il dit qu’il aime ce travail, c’est pour cela que ce n’est pas dur pour lui. Awa Tall est du même avis. En ce début du mois de la femme, elle demande à ses semblables de persévérer dans leur travail, car c’est en forgeant qu’on devient forgeron.
Diana Dia
(Source : Enquête, 2 mars 2023)
Post-Scriptum
CHEIKH BAKHOUM, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE SÉNÉGAL NUMÉRIQUE SA : ‘’50 t d’e-déchets recyclées chaque année’’
‘’Senum SA est pionnière, au Sénégal, dans le secteur du recyclage des déchets des équipements électriques et électroniques. Elle est à l’origine de la première étude de l’état des lieux des D3E au Sénégal.
Senum SA renferme une direction dénommée Direction de la gestion des déchets des équipements électriques et électroniques avec son centre de reconditionnement et de recyclage. Cette direction gère les D3E de l’administration et de plusieurs sociétés privées.
En rapport avec le ministère de l’Environnement et de toutes les parties prenantes, Senum SA a jeté les bases d’une réflexion portant sur un projet de décret afin de réglementer le secteur du recyclage informatique et électronique.
Il a été constaté que les équipements électriques et électroniques tels que les téléphones, les tablettes, les ordinateurs, les imprimantes, les téléviseurs, les fours micro-ondes, les gadgets électroniques, etc., ont engendré un défi mondial en matière de déchets d’équipements électriques et électroniques. Ils renferment des substances certes valorisables comme le fer, le cuivre, l’or, l’aluminium, mais aussi des substances potentiellement dangereuses et particulièrement alcalines comme le mercure, le cadmium, le phosphore, l’arsenic qui, au contact de la nappe phréatique, affectent irrémédiablement notre environnement et la santé des populations en causant des dommages irréversibles.
Le flux de ces déchets connait de nos jours une des croissances les plus rapides du monde. Plus de 50 millions de tonnes générées annuellement. Ce chiffre devrait atteindre 120 millions de tonnes d’ici 2050. Jusque-là, nous en étions à environ 50 t d’e-déchets collectées par an par notre centre. Mais avec les contrats d’enlèvement que nous signons, ce chiffre va connaître une forte hausse.
Alors qu’une législation spécifique a été élaborée dans les pays développés pour une meilleure gestion des déchets, plus de la moitié atterrit naturellement dans les pays en voie de développement sous forme de dons, d’équipements de seconde main, à l’image des containers d’équipements de seconde main (ordinateurs, écrans, réfrigérateurs, micro-ondes, etc.) dans nos quartiers.
Il urge, dès lors, de s’atteler à la réglementation du secteur de manière durable. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles il est clairement décliné dans le document de stratégie SN2025 ‘’la nécessité de prendre en compte et d’assurer le traitement et le recyclage d’au moins 90 % des déchets des équipements électriques et électroniques, d’ici à 2025’’.
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