Généralisation du billet d’avion électronique à partir de 2008 : Les compagnies africaines risquent d’être laissées sur le tarmac de l’Iata
vendredi 13 avril 2007
La généralisation du billet électronique fait partie des cinq mesures phare du programme baptisé Stb (Simplying the Business) lancé, en 2004, par l’Association internationale du transport aérien (Iata en anglais). La billetterie électronique vise à faire des économies substantielles aux compagnies aériennes. Mais celles du continent africain seront-elles prêtes, d’ici l’échéance du 1er janvier 2008, compte tenu de la faiblesse de leurs moyens ?
L’Association internationale du transport aérien (Iata) espère que ses 265 compagnies n’utiliseront plus que le billet électronique d’ici la fin de l’année 2007. L’Iata estime que cette transition permettra à l’industrie de réaliser des économies de 3 milliards de dollars par an. Selon ses données, un « e-ticket » coûte 1 dollar à éditer contre 10 dollars pour un billet classique.
Rien de plus simple : comme un billet normal, il faut faire sa réservation, qu’elle soit en ligne, auprès d’une compagnie ou d’une agence de voyage. Une fois le voyage payé, le billet est créé dans la base de donnée de la compagnie aérienne. Un mémo voyage est alors envoyé par mail ou par fax, et récapitule toutes les informations pratiques du voyage. Ensuite, plus besoin de se soucier de quoi que ce soit. Le client peut s’enregistrer et choisir son siège, à partir de sa maison. Mais déjà, des craintes se font jour, notamment en Afrique où le développement des nouvelles technologies laisse à désirer dans certains pays. En plus, l’accès à Internet n’est pas à la portée de tout le monde.
« Le e-ticketing permettrait de décongestionner nos aéroports. S’enregistrer par Internet est simple, mais en Afrique tout le monde n’a pas accès à Internet. L’Iata doit tenir compte de cette réalité », a déclaré, hier, la représentante de l’aéroport de Libreville aux premières Journées de l’aviation de Iata.
Une crainte partagée par le directeur général de l’aéroport international Blaise Diagne de Diass, dont la première pierre a été posée le 4 avril dernier. « Comment l’Afrique peut tirer son épingle du jeu face à la mondialisation, notamment la généralisation du e-ticketing ? Est-ce que le continent sera dans les délais de l’Iata ? A l’image des Gds (réseau de distribution), la crainte est plus grave avec le billet électronique. L’Afraa (Association des compagnies aériennes africaines) devrait avoir un task force pour étudier ce problème. Le délai imparti (Ndlr : fin 2007) est relativement court », soutient Modou Khaya.
Pour le commandant Tall de Air Sénégal International, la principale préoccupation aujourd’hui est de savoir par quels moyens sécuriser le portefeuille clientèle des compagnies africaines face aux majors, surtout avec l’expérience des Gds ?
Ce qui a presque provoqué l’ire des représentants de compagnies européennes. « C’est un faux débat que de poser le sujet à ce niveau. Pourquoi le e-ticketing ne pourrait pas fonctionner en Afrique, alors qu’il est partout ailleurs dans le monde. L’Afrique regorge de ressources humaines de qualité capables de relever les défis. Les majors ont servi de cobayes à la billetterie électronique. La question qui mérite d’être posée est de savoir comment faire pour que ça marche bien en Afrique », déclare Willy Charliaux, le directeur Sénégal de Sn Brussels.
Directeur régional d’Air France, Franck Simian pense que l’affirmation du commandant Tall d’Air Sénégal International est « extrêmement » dangereuse, si elle n’est pas corrigée. « Le problème de la taille des compagnies est un vrai débat, mais cela pose aussi au niveau mondial. Air France a aujourd’hui une problématique en Afrique. Un environnement qui n’est pas toujours facile. La question est de savoir comment, tous ensemble, nous allons relever les défis du e-ticketing ».
Selon M. Philippe Bruyère, directeur Ifs-Iata, le e-ticketing est un scénario gagnant pour tous. Pour le client, c’est une simplification du voyage, sans papier. Avec les agences de voyage, c’est la suppression des coûts pour la distribution des billets aux clients. L’impact chez les compagnies est la suppression des coûts de gestion et impression de papier. Enfin pour les sociétés d’assistance au sol, il s’agit d’une meilleure gestion du papier et d’un accroissement du self service.
Philippe Bruyère a lancé un appel à la mobilisation générale des compagnies concernant la mise en place du billet électronique. Au-delà de 2007, les compagnies seront indirectement pénalisées. D’une part, parce qu’elles ne bénéficieront plus du support logistique spécifique mis en place pour le passage à l’e-ticket, d’autre part parce qu’elles perdront la collaboration des 60 000 agences de voyages agréées Iata qui revendent aujourd’hui leur billetterie.
Le challenge financier est alléchant. Selon M. Bruyère, la mise en place de cette mesure permettrait au transport aérien de faire une économie de 90 % sur leurs coûts d’émission papier, soit 3 milliards de dollars chaque année.
Toujours dans le cadre du programme Simplifying the business, 38 compagnies dans le monde entier émettent à ce jour des cartes d’embarquement avec codes barres à deux dimensions. Parmi celles-ci, aucune n’est africaine. Huit ont cependant prévu de le faire avant la fin de l’année 2007 en Afrique dont un Afrique du Centre et de l’Ouest (Air Sénégal International). « C’est donc maintenant qu’il faut commencer à y travailler ».
Le « e-ticking » s’étend désormais à l’univers du divertissement grâce à l’entrée en vigueur, en France, d’une loi autorisant la dématérialisation des billets de spectacles. Dans certaines boîtes de nuit, les clients se font greffer une puce dans le bras pour être plus facilement identifiables à leur arrivée, accéder au carré Vip ou s’en servir comme porte-monnaie électronique.
J. Mbengue
(Source : Wal Fadjri, 13 avril 2007)