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Gaïdy Ndaw, président de l’amicale des cadres de la Sonatel : ‘Si l’Etat se retire de la Sonatel, cela affecterait la gouvernance de l’entreprise’

mardi 10 juin 2008

Le retrait annoncé, officieusement, de l’Etat du capital de la Sonatel charrie l’actualité économique de ces dernières semaines. Si du côté de l’Etat on adopte la posture du motus et bouche cousue, à la Sonatel, le président de l’Amicale des cadres (Acson), Gaidy Ndaw a accepté de nous entretenir sur les conséquences d’une telle décision de l’Etat, du mémorandum rédigé par Acson à cet effet et des repreneurs potentiels. Il ressort de l’entretien que le privé national serait un bon choix pour céder les actions de l’Etat, dans l’intérêt de l’économie sénégalaise.

Wal Fadjri : Le retrait de l’Etat du capital de la Sonatel est annoncé. Est-ce que la direction générale a reçu l’information officielle sur la question ?

Gaïdy Ndaw : Jusqu’à présent, non. Tout est parti d’un avis de passation de marché que le ministère de l’Economie et des Finances a publié dans le Soleil du lundi 4 février 2008. Avis dans lequel, entre autres, l’Etat y recherchait un cabinet d’assistance pour la cession de ses parts à la Sonatel. C’est la seule information dont nous disposons actuellement.

Wal Fadjri : Est-ce que vous avez une idée de ce qu’il y a derrière cet appel d’offres ?

Gaïdy Ndaw : En tout cas nous, au niveau des cadres, nous avons élaboré un mémorandum intitulé "Une ambition pour le peuple sénégalais" dans lequel nous exposons notre argumentation sur les conséquences négatives que pourrait avoir le retrait de l’Etat du capital de la Sonatel. Nous demandons à échanger avec les plus hautes autorités, les autres acteurs du secteur et les partenaires au développement pour voir quels sont les avantages et les inconvénients que pourrait avoir une telle décision de l’Etat. Mais jusqu’à présent, on n’a pas eu d’échanges. Ce n’est pas faute de l’avoir demandé.

Wal Fadjri : Le cabinet Rothschild aurait gagné le marché pour la cession des actions, est-ce que vous êtes au courant de cette sélection ?

Gaïdy Ndaw : Nous avons appris cette information en même temps que tous les internautes sénégalais. C’est une information qui est parue sur un site (Ndlr, Nettalli.com) et nous l’avons vu comme tout le monde. Maintenant quel crédit donner à cette information ? Nous ne saurons le dire.

Wal Fadjri : Quelles sont les conséquences que pourrait induire un retrait total ou partiel de l’Etat du capital de la Sonatel ?

Gaïdy Ndaw : Je commencerai par les conséquences sur l’économie sénégalaise. Ce sont là les conséquences les plus préoccupantes. Dans notre mémorandum, on expose des chiffres qui illustrent l’apport de la Sonatel dans l’économie sénégalaise pour l’année 2007. Ce que nous versons à l’Etat en tant qu’actionnaire, en termes de dividendes, si on le calcule sur les cinq dernières années, c’est plus de 100 milliards. La Sonatel fait travailler, aujourd’hui, plus de mille entreprises sénégalaises. C’est un aspect qui n’est pas connu mais nous donnons des marchés aux sous-traitants. En 2007 cela représentait un chiffre d’affaires minimal de 60 milliards qui, en réalité, est supérieur parce qu’il y a les commissions aux distributeurs qu’on ne comptabilise pas. Quand vous avez un moteur comme cela, une source de revenus qui produit des richesses aussi bien pour l’Etat que pour le reste de l’économie sénégalaise, on peut se demander si vous le vendez avec quoi vous le remplacez. Prenons l’exemple d’un puits de pétrole qui a une durée de vie de 50 à 100 ans. Le puits produit des revenus de manière récurrente et croissante. Vous le vendez une fois et vous récupérez cet argent. Si vous avez de quoi remplacer ce puits, on peut comprendre. Mais si on regarde l’économie sénégalaise, quelles sont les entreprises qui produisent autant de richesses pour l’Etat et pour l’économie sénégalaise ? Il n’y en a pas beaucoup. Donc on ne comprend pas qu’aujourd’hui, l’un des rares puits de pétrole, puisse être vendu. Il faut que la Sonatel soit vue comme un instrument de développement. Elle n’est pas seulement une entreprise commerciale qui vend des produits et qui encaisse de l’argent. Elle dépasse cela. Les exemples que je vous ai donnés démontrent qu’une entreprise comme la Sonatel peut faire essaimer des entreprises autour d’elle, favoriser la création d’emplois directs et indirects. Donc, cela contribue à la lutte contre la pauvreté et à la politique de l’Etat en matière d’emploi. Quand vous avez une entreprise comme celle-là, pourquoi vous voulez le vendre ?

Wal Fadjri : La Sonatel fait des chiffres d’affaires énormes. Mais est-ce que sa contribution au niveau social, en termes d’investissement est importante, comparée à ce qu’elle tire des Sénégalais ?

Gaïdy Ndaw : Quand vous dites que la Sonatel gagne beaucoup d’argent dans un pays pauvre, j’aimerais apporter des explications. Je pense que si au Sénégal il y avait quatre ou cinq entreprises comme la Sonatel, le Sénégal accélérerait sa trajectoire vers l’émergence. La contribution aux recettes de l’Etat ne serait pas de 12,5 % ; elle serait multipliée par quatre de même que le nombre d’emplois indirects créés, etc. Il faut voir les gains de productivité de la Sonatel comme quelque chose qui va pousser les autres à en faire de même. Et aussi, si la Sonatel fait de tel profit, c’est parce qu’elle a osé prendre des risques depuis très longtemps. Lorsque nous investissions, il y a une dizaine d’années pour mettre la fibre optique au Sénégal, il y en a qui, peut-être, nous riaient au nez. Mais aujourd’hui, si ces investissements visionnaires et audacieux nous rapportent les fruits qu’on en attendait, il faut que nous en soyons fiers. Nos business-plans et nos stratégies nous ont montré que c’était ce qu’il fallait faire. La Sonatel est présente au Mali, en Guinée-Bissau et en Guinée Conakry. Un tiers des revenus de la Société vient de ces pays. Donc, ces revenus sont également le fruit d’une régionalisation osée et visionnaire. Il y a également les Sénégalais de la diaspora et tous les étrangers qui appellent le Sénégal. C’est une source importante de revenus. Maintenant qu’est-ce que cela rapporte aux Sénégalais ? Quand vous retirez un à quelqu’un pour lui donner dix, je pense que c’est plutôt bénéfique. Aujourd’hui, nous sommes l’une des rares entreprises où les tarifs n’augmentent jamais. Dans un contexte où les prix des denrées alimentaires atteignent le sommet, nous on continue de baisser nos prix. Si on peut le faire, c’est parce que nous avons eu des stratégies et des politiques d’investissements qui nous ont permis des gains de productivité. Ne perdez pas de vue, aussi, que les tarifs que fait la Sonatel, sur la téléphonie mobile, sont trois fois moins cher que ce qui se fait en France. Je ne parle même pas des pays de la sous-région.

Wal Fadjri : Le fait d’avoir les tarifs les moins chers n’est-il pas dû à la mauvaise qualité du réseau ?

Gaïdy Ndaw : L’entreprise a connu, en un certain moment, une croissance bien plus forte que celle qui avait été prévue. Cela ne se fait pas sans heurts. Nous avons pris toutes les dispositions anticipatives et réactives pour régler ce problème et faire en sorte qu’il ne se produise plus. Nous sommes dans un grand groupe qui s’appelle France Télécoms Orange qui est quand même un groupe qui offre l’une des meilleures qualités de service dans ce domaine. C’est bien cette ambition que nous avons pour le Sénégal. La qualité du service que nous fournissons peut connaître en un certain moment des difficultés inhérentes à un ensemble de facteurs. Ces quatre dernières années, la ville de Dakar était en pleine ébullition au niveau des travaux d’infrastructures. Ces travaux ont causé beaucoup de dommages à nos installations. Même si nous n’avons pas été les seuls à subir des désagréments, nous les avons vaincus. Nous sommes dans une ville où l’urbanisation ne se fait pas de manière cohérente. Et cela impacte sur la propagation radio. De manière concrète, lorsque vous posez une installation radio sur le toit d’un immeuble et que six ou sept mois après, d’autres plus en hauteur poussent autour, cela perturbe le signal et impacte la qualité. Notre ambition c’est bien d’offrir la meilleure qualité au meilleur prix. Et maintenant il est clair que nous n’y sommes pas encore mais nous sommes sur la bonne voie.

Wal Fadjri : Revenons maintenant sur les conséquences d’un retrait total ou partiel de l’Etat du capital de la Sonatel !

Gaïdy Ndaw : Si l’Etat se retire de manière totale ou partielle, cela affecterait la gouvernance de l’entreprise. Vous avez deux actionnaires majoritaires : France Télécoms Orange qui a 42 % et l’Etat du Sénégal qui a 28 %. Ils sont les principaux décideurs de l’entreprise au sein du conseil d’administration. Alors, si l’Etat se retire totalement ou si son niveau de participation dans le capital est faible, la conséquence est que l’Etat n’aura plus d’influence dans les décisions du conseil d’administration. A partir de ce moment, tous les effets induits dont je vous ai parlé tout à l’heure, qui est-ce qui garantit qu’ils pourront être pérennisés ou même, ce que nous souhaitons, être multipliés ? La gouvernance ayant changé, l’intérêt du Sénégal n’étant plus représenté, il y a un risque que la valeur ajoutée que crée la Sonatel se fasse davantage au profit des étrangers plutôt que du Sénégal. Si l’Etat se retire totalement ou partiellement, au profit par exemple d’un fonds souverain ou d’un fonds spéculatif, cela se traduit, souvent, par des licenciements. Ici ce ne serait pas des licenciements pour raison économique parce que l’entreprise n‘est pas rentable mais ce serait pour augmenter le profit. Parce que ces fonds, ce qui les intéresse, ce n’est pas d’avoir un grand profit, c’est, à tout moment, de l’augmenter. On pourrait se retrouver- ce qui ne s’était jamais produit dans l’histoire de la Sonatel ou d’une grande entreprise au Sénégal - à licencier des employés alors que l’entreprise se porte parfaitement bien, sur le plan financier.

Wal Fadjri : Mais un retrait de l’Etat du capital de la Sonatel ne peut l’empêcher pour autant de définir les politiques en matière de télécoms et de réguler le secteur...

Gaïdy Ndaw : Je suis d’accord avec vous que l’Etat a plusieurs casquettes. Il a une casquette de stratège industriel. C’est-à-dire que l’Etat doit être présent dans le capital des entreprises de ses secteurs stratégiques qui sont des secteurs de souveraineté économique. Et c’est ce qui se fait dans tous les grands pays du monde. C’est ce même modèle qui a permis à des pays comme l’Inde ou la Chine de se développer. Maintenant, pour ce qui est sa casquette régalienne, l’Etat a créé l’Artp. Son rôle dans le capital des entreprises stratégiques n’est pas d’exercer sa mission régalienne car cette mission est déléguée même si les deux ne sont pas incompatibles. Prenons un pays comme la France, l’Etat a toujours 27,3% dans le capital de France Télécoms. Il refuse de diminuer sa part malgré les injonctions de l’Union européenne. L’Etat français préfère payer des amendes et rester dans le capital de France Télécoms plutôt que de baisser sa part. C’est pour dire comment un tel Etat est conscient de l’enjeu de sa présence dans un secteur stratégique. C’est pareil dans d’autres pays. Une absence de l’Etat dans le capital d’une entreprise n’empêche pas de définir des politiques d’investissement mais ici on est au-delà de l’entreprise. C’est carrément un instrument de développement. La puissance publique doit y être présente pour en tirer tous les effets induits pour sa stratégie macro-économique et s’assurer que la valeur ajoutée créée ne va pas à l’étranger.

Wal Fadjri : En cas de retrait de l’Etat, France Télécoms, le privé national ou les spéculateurs financiers sont présentés comme repreneurs potentiels. Lequel des trois scénarii présente plus d’avantages pour la Sonatel ?

Gaïdy Ndaw : Il y a un préalable à tout cela, c’est quel est le projet industriel que l’Etat et France Télécoms ont pour le Sénégal ? Il faut d’abord qu’un projet industriel d’avenir soit défini pour dire dans dix ans, voilà ce que nous voulons que la Sonatel soit et comment on va y arriver. On va voir comment chacun de ces trois scénarii va impacter dans le bon ou dans le mauvais sens. Sauf que malheureusement, il n’y a pas encore de projet industriel d’avenir. C’est ce que nous demandons d’ailleurs. Que le conseil d’administration bâtisse, avec les employés, un véritable projet industriel d’avenir. Aujourd’hui, la première entreprise africaine de télécoms est sud-africaine, Mtn. Elle a été créée il y a seulement 15 ans et elle est championne d’Afrique des télécoms parce qu’il y a eu des prévisions. Une fois le projet d’avenir construit, on regarde quels sont les moyens pour y arriver et quelle doit être la configuration de la gouvernance d’entreprise qui permettra de prendre les décisions les plus optimales possible. Si dans le projet industriel, il y a des objectifs qui peuvent être compatibles ou incompatibles avec la prise totale de France Télécoms, à ce moment, on regardera les avantages et les inconvénients. C’est pourquoi nous demandons qu’il y ait un débat autour de cela, pour examiner toutes ces questions.

Wal Fadjri : Quels sont les avantages et les inconvénients de chacun des scenarii possibles ?

Gaïdy Ndaw : Si c’est un fonds spéculatif, c’est : suppression d’emploi, vision purement pécuniaire des choses, absence de développement industriel, absence d’effets induits sur le reste de l’économie. Et surtout ce sont des fonds qui ne sont pas là pour développer mais pour faire du profit et le jour où cela ne les arrange plus, ils s’en vont. Sur le troisième scénario, c’est peut-être là où le temps de réflexion serait le moins long. Parce que si l’Etat se retire et se fait remplacer par des Sénégalais - combinaison entre le secteur privé, certaines entreprises sénégalaises et les employés - la part du Sénégal ne baisse pas. L’Etat se retire, mais, laisse à des spécialistes et à des industriels qui, peut-être, sont mieux armés pour construire le projet d’avenir, le choix de le faire et donc le soin d’éviter qu’un instrument de développement ne vire en instrument de spéculation financière dont on peut se débarrasser à tout moment. Il est clair que nous n’avons pas d’a priori sur ces deux scénarii. Le 2e (les spéculateurs financiers), nous l’écartons. Mai entre une prise de contrôle totale de France télécoms c’est-à-dire plus de 51% et que l’Etat soit remplacé par des Sénégalais, il faut réfléchir, échanger, avoir un débat pour regarder quel est le meilleur scénario. Il ne faut diaboliser aucun scénario. Ce qui est important c’est que les décideurs du conseil d’administration arrivent à se mettre d’accord autour d’un même projet pour un partenariat gagnant-gagnant. C’est cela qui est important. Parce qu’aujourd’hui, dans les prévisions les plus fiables, le potentiel de développement des télécoms dans les pays émergents, sur les dix prochaines années, est en moyenne de 9 % par an. En Europe, il est de 0,3 %. Les pays développés qui sont en phase de saturation de croissance ont besoin des pays émergents comme les nôtres pour pousser leur croissance. Nous aussi, nous avons le potentiel de croissance et nous avons besoin d’eux pour renforcer notre position dans un marché qui est aujourd’hui mondial où un petit pays seul, avec un opérateur local, ne peut plus s’en sortir.

Propos recueillis par Khady Bakhoum

(Source : Wal Fadjri, 11 juin 2008)

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